Procès du putsch : «Koussoubé n’a pas dit le 10e de ce qu’il sait», Me Sandwidi

Le sergent-chef Roger Koussoubé a dit n’avoir jamais fait partie du cortège du général Diendéré.

A son 2e jour de son audition complémentaire, le mercredi 23 janvier 2019 au tribunal militaire, le sergent-chef Roger Koussoubé a révélé que l’adjudant Jean Florent Nion a un goût immodéré. Quant au caporal Sami Da, il a contredit ses déclarations lors de sa 1re audition, tenue le 3 juillet 2019.

A la reprise de l’audience le mercredi 23 janvier 2019, le sergent-chef Roger Koussoubé avait pris la résolution de ne pas répondre aux questions de Me Adrien Nion, l’avocat de l’adjudant Jean Florent Nion. Mais les salves de l’avocat ont fini par avoir raison de sa réserve. «Ton client ne t’a pas dit la vérité (…) Si vous ne connaissez pas l’adjudant Nion, moi je le connais. Il peut tuer quelqu’un à cause de l’argent.

C’est leur affaire d’argent qui nous a amenés ici », a rétorqué l’accusé. Le sergent-chef Roger Koussoubé révèlera plusieurs affaires démontrant la duplicité de son coaccusé Jean Florent Nion et subsidiairement l’adjudant-chef major Eloi Badiel. Le chef Koussoubé a sorti ses «vérités» sur ses deux coaccusés à la suite des propos de Me Nion, l’accusant de «félonie». En effet, l’avocat a fait remarquer au tribunal que l’argument de l’accusé Koussoubé, tendant à faire croire qu’il s’est rendu à la radio Savane FM le 18 septembre par simple curiosité, n’est que de la poudre aux yeux. Il a, en outre indiqué que Koussoubé occupait une villa présidentielle, qu’il a demandé de l’argent au général Gilbert Diendéré pour mettre sa famille à l’abri. Il a reçu 8 millions francs CFA pendant la Transition et en Côte d’Ivoire, il distribuait de l’argent aux ex-RSP qui s’y trouvaient. «L’attitude de Koussoubé, en droit est qualifiée de félonie, de trahison … Badiel et Nion ont choisi d’assumer. Lui, il a choisi de fuir. Monsieur Koussoubé, il est temps de vous ressaisir», a tonné l’avocat.

Mais Me Alexandre Sandwidi, l’un des conseils de Koussoubé ne verra dans ces développements que de la conjecture. Il insistera à dire qu’aucun fait ne lie son client au général Diendéré, ni à aucun acte matériel du coup d’Etat. «Le général n’a pas pu envoyer Koussoubé d’aller instruire Badiel de faire un coup d’Etat parce que cela ne s’est pas accompagné du modus operandi », a-t-il assuré. Selon Me Sandwidi, l’accusé n’a pas dit le dixièmee de tout ce qu’il aurait pu dire dans cette procédure, parce que «dans le box des accusés, chacun fait dans la retenue et le curseur monte en fonction de la température». Par ailleurs, face à Me Latif Dabo, membre du conseil du général Diendéré, le sergent-chef dit «Le Touareg», a précisé que de 1997, année où il a intégré l’ex régiment de sécurité présidentielle, jusqu’à sa dissolution, il n’a jamais communiqué avec le général. «C’est au cours de ce procès que nous autres pouvons nous approcher de lui. Je n’ai jamais eu la chance de travailler avec lui», a-t-il soutenu.

Contradictions entre le caporal et son chef

L’instruction complémentaire du caporal Sami Da a porté essentiellement sur sa présence lors de l’arrestation des autorités à la porte de la salle du Conseil des ministres le 16 septembre 2015, celle dans la salle de réunion avec les officiers supérieurs et la somme d’argent reçue de la part de l’ex-Premier ministre, Isaac Zida, après avoir déjoué un coup d’Etat le 8 juillet 2018, selon lui. Alors que dans son audition du 8 juillet 2018, l’accusé avait souligné avoir vu le major Badiel Eloi au moment des faits pendant qu’il était arrêté à la porte. Hier, celui-ci a fait volte-face. « Au moment des faits, je suis resté sous le hall de la Présidence du Faso », a-t-il insisté. Pourtant, l’adjudant Jean Florent Nion, dans son interrogatoire, a confirmé l’avoir vu en ces lieux ?, a fait observer le parquet militaire.

En ce qui concerne sa présence dans la salle de réunion avec les officiers supérieurs, l’accusé a soutenu n’avoir pas mis pied dans cette salle. «Je suis resté au secrétariat du poste de commandement et je n’ai jamais intimidé un officier avec une arme», a-t-il ajouté. Et son avocat Me Antoinette Boussim de renchérir que son client n’est qu’un caporal. Alors comment pourrait-il intimidé plusieurs officiers supérieurs sachant bien qu’ils sont eux aussi armés. Par contre, le prévenu a reconnu avoir reçu la somme de 6 millions FCFA du capitaine Flavien Kaboré de la part de l’ex-Premier ministre Isaac Zida. Une version qui vient en contradiction avec celui de son supérieur hiérarchique, le sergent-chef, Roger Koussoubé. Celui-ci a affirmé avoir reçu la somme de 8 millions de Zida et c’est l’accusé qui l’a remis en main propre. Est-ce donc de la même somme dont on parle ou existe-t-il deux circonstances ?, s’est demandé Me Adrien Nion de la défense. «Je ne vais pas contredire mon supérieur. Pour ma part, j’ai reçu 6 millions FCFA, laquelle somme que j’ai présentée à mon chef », a répliqué l’accusé. Pour Me Nion, c’est une discordance qui montre que certains accusés ont «des troubles de mémoire» et ne diraient pas ce qui s’est réellement passé. Mais, c’est au tribunal d’en juger. Et Me Seraphin Somé, avocat de la partie civile, de qualifier l’accusé de « cube magie ».

«Il mange à tous les râteliers », a-t-il indiqué. Cependant pour Me Boussim, cette instruction complémentaire n’est qu’une nouvelle audition des accusés au lieu de chercher à éclairer des zones d’ombres. « On ne peut pas mobiliser autant de ressources et de personnes pour que le parquet cherche à faire tomber le général Diendéré. Mon client est resté assez constant dans ses déclarations et c’est sur cette base qu’il doit être jugé. Il a exécuté un ordre de son chef », a-t-il laissé entendre.
Alors, est-ce que rester à la disposition du général, être sous le hall de la Présidence ou avoir reçu de l’argent est un crime ?, s’est demandée l’avocate. « Il n’y a véritablement pas de contradiction qui puisse servir la cause de quelqu’un. Chacun doit s’en tenir à ce qu’il fait », a souligné Me Alexandre Sandwidi. A la fin de son audition, le caporal a, par ailleurs, regretté n’avoir pas pu déjouer ce coup d’Etat manqué.

« Si j’avais pu le déjouer, on n’allait pas dissoudre le RSP et il n’y aurait pas de morts encore moins des blessés. Quand viendra le moment des délibérations, vous en tiendrez compte monsieur le président », a-t-il conclu. Le procès reprend le vendredi 25 janvier 2019 avec l’audition de l’accusé Mohamed Laoko Zerbo.

Fabé Mamadou OUATTARA
& Fleur BIRBA

 

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