Elections couplées de novembre 2020 : des experts plaident pour des discours apaisés

Les experts de l’Appel de Manéga étaient face à la presse, dans la matinée du jeudi 27 août 2020, à Ouagadougou, pour faire le point de leur colloque tenu à Manga le 1er août 2020.

Les incertitudes qui pèsent sur les élections couplées de novembre prochain du fait de la situation sécuritaire préoccupent les experts du Conseil scientifique et technique (CST) de l’Appel de Manéga. A cet effet, ils se sont réunis à Manga le 1er août pour un colloque sur les enjeux électoraux en lien avec la réconciliation nationale et la paix. De cette rencontre sont sorties des résolutions, dont les membres du CST ont fait part aux hommes de médias, au cours d’un point de presse, le jeudi 27 août 2020 à Ouagadougou. Selon le secrétaire général de l’Appel de Manéga, Lookman Sawadogo, les travaux du colloque ont porté sur l’élaboration de scénarios probables sur les élections basées sur quatre hypothèses qui prennent en compte les options faisant l’objet de débats au sein de l’opinion publique et des acteurs démocratiques. Pour chaque hypothèse, les experts ont analysé les avantages et inconvénients avant de faire des recommandations en faveur de la réconciliation nationale, la paix et la sécurité.

Pour la première hypothèse selon laquelle l’élection présidentielle va se tenir à bonne date et les élections législatives reportées, les experts ont trouvé comme avantages, la possibilité d’un retour des déplacés internes chez eux avant les élections. Ce qui va permettre, selon eux, une participation électorale plus large qui va donner aux élus parlementaires plus de légitimité. Ils ont tout de même noté des inconvénients dont la démultiplication du coût des élections et des risques de blocage institutionnel au cas où le président élu n’est pas détenteur de la majorité absolue à l’Assemblée.

La deuxième hypothèse concerne le cas où les élections présidentielle et législatives ne se tiennent pas à bonne date. Là, les participants au colloque ont trouvé comme avantage, la possibilité de mettre à profit la non-tenue des élections pour reconstruire la cohésion sociale, l’unité nationale et la réconciliation. En outre, ils ont estimé qu’une telle situation offrira l’opportunité aux acteurs de réinventer le modèle du processus électoral en sortant des sentiers battus. Ils ont noté par contre que la non-organisation des élections pourrait être synonyme d’un aveu d’impuissance face aux terroristes. Par ailleurs, ont noté les experts, cela occasionnerait des pertes financières liées aux ressources déjà investies dans la préparation des opérations électorales. Le troisième cas prévu par le CST est celui où les élections couplées se tiennent à bonne date. Pour ce cas, les participants au colloque ont juste fait des propositions en faveur de la réconciliation nationale. Ils ont estimé, en effet, que la sécurisation des élections doit être exclusivement assurée par les Forces de défense et de sécurité (FDS) sans la participation d’autres forces.

Manque de légitimité des élus

En sus, ils ont recommandé une sensibilisation des partis politiques à tenir des discours apaisés et conciliants et à mettre l’intérêt national au-dessus de l’intérêt partisan. La dernière hypothèse et la plus probable, selon les membres du CST, est celle où les élections sont tenues partiellement sur certaines parties du territoire. Les participants ont estimé qu’une telle option n’a que des inconvénients. Il s’agit notamment de la restriction du droit et l’exclusion des citoyens à participer aux élections. Ce qui va conduire, selon Lookman Sawadogo, à une violation du suffrage universel puisque tous les Burkinabè qui remplissent les conditions ne pourront pas exercer leur droit de vote. Pour lui, cela va amener un « grave » problème de territorialité et de souveraineté du Burkina Faso, puisque des parties du pays seront concédées de facto aux terroristes qui les occupent. « Tenir les élections de façon partielle va également entraîner un manque de légitimité des élus puisqu’ils ne seront pas reconnus par tous les Burkinabè, sans compter les risques d’exacerbation des violences politiques que cela pourrait entrainer », a-t-il déclaré. A l’issue du colloque et en vue de prévenir de telles conséquences, le CST a formulé deux résolutions.

La première, aux dires du Dr Evariste Konsimbo, coordonnateur du CST, invite le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, à ouvrir une concertation nationale autour des élections pour recueillir les avis, conseils, suggestions et propositions de toutes les forces vives de la nation dans l’intérêt supérieur du peuple burkinabè. La deuxième résolution appelle les candidats à l’élection présidentielle à s’engager solennellement devant le peuple à travailler ensemble, victorieux comme perdants, afin de donner une chance à la réconciliation nationale.

Nadège YAMEOGO

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