Gambie : Barrow peut se faire surprendre

Le samedi 4 décembre prochain, les Gambiens se rendront aux urnes pour désigner celui qui va conduire la destinée de leur pays pendant les cinq prochaines années. Six candidats ont obtenu leur sésame pour convoiter le fauteuil présidentiel. Il s’agit du président sortant Adama Barrow du National People’s Party (NPP), de l’avocat et ancien Premier ministre, Ousainou Darboe, leader du Parti démocratique unifié (UDP) et principale figure de l’opposition et de Mama Kandeh du Congrès démocratique de la Gambie. Les autres prétendants sont Halifa Sallah de l’Organisation démocratique du peuple pour l’indépendance et le socialisme (PDOIS), ainsi que les indépendants Essa Mbaye Faal et Abdoulie Ebrima Jammeh. Dans cette course à la présidentielle, quinze candidatures ont été rejetées.

A quelques jours du scrutin, si l’on se fie à la mobilisation pendant les campagnes électorales, l’on sera tenté de tirer une conclusion hâtive en distribuant les cartes de la victoire au président Barrow et à l’ancien chef du gouvernement. La réalité des meetings n’étant pas celle des urnes, chaque candidat compte certainement sur sa capacité de convaincre l’électorat certes, mais aussi sur les points faibles de ses adversaires pour tirer les marrons du feu. A ce propos le président sortant, Adama Barrow, pourrait être rattrapé par son passé récent. Après avoir goûté aux délices du pouvoir, Adama Barrow a oublié les promesses qu’il avait faites en 2016 de céder le fauteuil après trois ans de gestion. Partie prenante de la charte fondatrice de la « Coalition 2016 » qui prévoyait qu’il dirige un gouvernement provisoire avant de se retirer pour une élection présidentielle anticipée, à laquelle l’ensemble des candidats d’opposition pourront se présenter sauf lui, le président Barrow a fait volte-face.

Cette attitude du président Barrow a créé des frustrations aussi bien au niveau de la classe politique que des populations et cette bourde pourrait lui revenir à la face comme un boulet. La deuxième fausse note du président sortant réside au niveau des dissensions avec ses proches sur la question de la rétroactivité de la limitation à deux mandats présidentiels dans le projet de Constitution introduit à l’Assemblée nationale en 2018. Cette divergence avait conduit Adama Barrow à limoger son Premier ministre, Ousainou Darboe ainsi que plusieurs ministres de l’UDP le 15 février 2019, avant de fonder dix mois plus tard son propre parti, le NPP. Le projet de nouvelle constitution qui finalement a été rejeté en deuxième lecture en septembre 2020 sonne comme un désaveu d’une partie de la classe politique du pouvoir en place. Pris en étau par les multiples difficultés, M. Barrow tente de sauver les meubles en signant un accord avec le parti de son prédécesseur Yaya Jammeh, l’Alliance patrio-tique pour la réorientation et la construction (APRC). Même si cette alliance contre nature semble avoir reçu malgré l’opposition du président d’honneur de l’APRC, il n’en demeure pas que des militants fidèles à Jammeh ne se désolidarisent. Surtout que l’ancien président gambien a ouvertement appelé depuis son exil à voter Mama Kandeh du Congrès démocratique de la Gambie, le candidat arrivé troisième à l’issue de la présidentielle de 2016. Dans une telle ambiance, si le président Barrow n’y prend garde, il pourrait se faire surprendre comme ce fut son cas en 2016.

Abdoulaye BALBONE

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