Gbagbo est là et après ?

La Côte d’Ivoire vit une page importante de son histoire, depuis hier 17 juin 2021, avec le retour au pays de son ancien président, Laurent Gbagbo, après dix ans passés à la Cour pénale internationale (CPI). Retour à la fois attendu, redouté, tant la classe politique ivoirienne, jusqu’à cette date, n’a pas pu faire corps là-dessus. Maintenant que Laurent Gbagbo, premier ancien président incarcéré à la Haye, est de retour, nul doute que tout tiendra de la sagesse d’un africaniste, qui s’est illustré à la tête de son pays, comme un chef d’Etat iconoclaste. Ce Gbagbo-là aura-t-il la verve de celui des années de sa présidence, celui qui haranguait, qui plaisait ou déplaisait, mais qui était féru de formules nationalistes qui séduisaient bien ses compatriotes ?

En attendant ses premières déclarations, ses premiers gestes qui pourront dessiner un pourtour de sa vision pour son pays, Gbagbo doit pouvoir jouer en scrutant le passé africain. Un homme a connu le chemin inverse du sien, Mandela, qui de la prison a échu au pouvoir, alors que lui fait le contraire. Pourra-t-il s’inspirer de l’icône Mandela ? Bien de choses similaires comme par enchantement les lient. Mandela, en quittant la prison, s’est séparé de Winnie son épouse de ses premières heures qui, à ses côtés, a été de tous ses combats. Les informations sur les bords de la lagune Ebrié annoncent qu’entre Simone de tous les combats et Laurent, son époux, la rupture est déjà consommée.

Mandela en quittant la prison, a trouvé l’African national congres (ANC) en bloc solide autour de lui. Gbagbo trouvera un FPI disloqué en Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS), avec des partisans qui scandent bien « Gbagbo ou rien », les fameux « GOR », comme pour narguer d’autres « Gbagboïstes », regroupés autour de Pascal Affi N’Guessan qui tient les « docs » du parti. Mandela, de la prison a abouti à la présidence, Gbagbo de la présidence est allé en prison. Pourra-t-il consacrer cette différence, en quittant la prison pour conquérir ou reconquérir la présidence cette fois dans des conditions moins « scrabbleuses » ? Cela dépendra de la nouvelle tournure que pourra prendre la loi fondamentale ivoirienne.

La Côte d’Ivoire, qui a déjà connu le retour triomphal d’un de ses fils, Alassane Ouattara, en 1993, n’avait pas pu transformer ce retour en paix. Vingt-huit ans après, le pays connaîtra-t-il un destin autre ? Alassane Ouattara a pris ses partisans et ses adversaires de court, en faisant preuve de mesures suffisamment fortes qui, en principe, devraient apaiser les « rancœurs ». Ces mesures sont, entre autres : passage au pavillon d’honneur, prise en charge du voyage, rétablissement du salaire d’ancien président de Gbagbo et tout ce qui va avec. Sauf que ce pays qui attend un vrai passage générationnel, se partage les « humeurs » de trois chefs « historiques » qui nouent et dénouent des alliances pour l’heur ou le malheur d’une population qui a pris goût dans les clivages.

En tous les cas, l’avenir politique de Gbagbo ne pourra pas se dessiner hors de celui du président Alassane Ouattara et de Henri Konan Bédié. Si la loi fondamentale permet aux làdeux premiers cités d’être candidats en 2025, rien alors n’empêchera Gbagbo, 80 ans, en ce moment de postuler lui aussi. Ce qui est plus certain, c’est que les trois signeront leur dernier baroud de candidat à la présidence. Attendons de voir, Gbagbo peut aussi user de son libre arbitre et se jouer les globe-trotteurs qui parcourront l’Afrique pour enseigner l’Evangile de la paix. Ce ne sera pas une exception, car en prison, on rencontre bien Dieu que partout ailleurs.

Jean Philippe TOUGOUMA

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