Gouvernement de la Transition : « L’absence de coloration politique des ministres rassure », Souleymane Toé, Enseignant-Chercheur

Composé de 23 ministres, le gouvernement de Me Apollinaire Joachimson Kyélem est connu depuis le 25 octobre 2022. Dans cette interview accordée à Sidwaya, l’enseignant-chercheur, Pr Souleymane Toé, agrégé des facultés de droit, spécialisé en droit privé des affaires, se prononce, entre autres, sur la composition de la nouvelle équipe, les priorités et la nécessité d’une introspection de la classe politique burkinabè.

Sidwaya (S.) : La composition du gouvernement du Premier ministre Apollinaire Joachimson Kyélem a été rendu publique dans la soirée du mardi 25 octobre 2022. Quel est votre commentaire sur sa configuration ?

Professeur Souleymane Toé (P.S.T.): La composition d’un gouvernement est toujours tributaire des objectifs poursuivis par son auteur. Toutefois, on peut faire un triple constat en l’espèce. D’abord, il faut dire que le nombre de 23 ministres est raisonnable, même si l’on pouvait davantage faire mieux en évitant les ministères délégués pour tenir compte du contexte actuel de notre pays où il faut aller à l’essentiel. Ensuite, on observe que les postes stratégiques de sécurité et de défense sont confiés à des militaires, les autres étant plus ou moins occupés par des civils, ce qui pourrait davantage être gage d’efficacité sur le terrain. Enfin, le nombre de femmes, à savoir 5 femmes pour 19 hommes, le Premier ministre y compris, tout en n’étant pas significatif, n’en est pas moins négligeable au regard de l’importance des portefeuilles spécifiques qui leur ont été confiés.

S. : Cinq ministres du gouvernement précédent ont été reconduits et quatre secrétaires généraux ont été titularisés. Comment analysez-vous cela ?

P.S.T. : C’est l’auteur de la composition du gouvernement qui a la maîtrise des paramètres du casting effectué. Mais le casting actuel est assez logique. Il s’agit d’un gouvernement de rectification qui, tout en maintenant en place l’édifice MPSR, a néanmoins cherché à l’en défaire des éléments qui ne sont peut-être plus en phase avec la nouvelle donne. Du reste, dans la logique d’aller à l’essentiel, dans les limites du calendrier établi, il a peut-être semblé nécessaire de titulariser certains secrétaires généraux en raison de leur loyauté au nouveau pouvoir et de leur maîtrise technique de certains dossiers emblématiques. S : L’ensemble des ministres n’est pas issu de partis politiques, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas marqués politiquement. Quelle est votre lecture de cet état de fait ? P.S.T. : L’absence de coloration politique affichée des ministres nommés est de nature à rassurer que le nouveau pouvoir ne roule pas pour tel ou tel bord politique. Toutefois, et c’est le plus important, l’effacement de la coloration politique doit être un atout pour l’exécutif, voir un accélérateur de son action et se traduire dans les actes quotidiens de gestion pour la sécurité du pays et le bien-être de la population.

S : Faut-il y voir un désaveu de notre classe politique ?

P.S.T. : Il ne s’agit pas à mon avis d’un désaveu, ce qui serait dommageable pour notre pays dans sa quête permanente de perfectionnement de l’Etat de droit. Mais, à coup sûr, il s’agit d’une méfiance compréhensible vis-à-vis de la classe politique actuelle qui, depuis trop longtemps, n’arrive pas à trouver la solution thérapeutique idoine pour asseoir une saine compétition démocratique, débarrassée de clientélisme et d’égoïsme en tout genre. Cette transition devrait être l’occasion rêvée pour la classe politique de faire son autocritique et son introspection pour éviter à l’avenir de contenir le peuple dans un rôle de spectateur impuissant, qui, à force de lassitude, finira toujours par trouver un semblant d’espoir auprès de régimes politiques d’exception, ce qui est regrettable.

S : Que doit faire, selon vous, cette nouvelle équipe pour réussir sa mission ?

P.S.T. : L’équipe au pouvoir ne doit pas se tromper de priorité, même si elles sont nombreuses dans le contexte actuel de notre pays. A mon humble avis, deux priorités semblent émerger du lot au regard du calendrier impératif de la Transition. D’abord, il y a lieu d’obtenir des résultats significatifs sur le plan sécuritaire en ramenant la paix et la tranquillité dans toutes les contrées du pays, plus précisément dans les zones gravement affectées par des actes terroristes. Ensuite, on constate que cela ne transparaît pas vraiment dans les discours officiels. Il faudra préparer le retour à l’ordre constitutionnel normal, par l’organisation dans le délai indiqué d’élections libres, transparentes et crédibles. En s’engageant véritablement dans cette perspective de lutte sans complaisance contre l’hydre terroriste et de redressement de la locomotive démocratique, la nouvelle équipe fera œuvre utile et mobilisera très certainement les énergies pour l’accompagner.

Interview réalisée par W. Aubin NANA

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