Maquis et bars vandalisés à Béguédo : l’ex-maire et un muezzin parmi les interpellés

Dans la nuit, du 30 au 31 mars 2022, un groupe de personnes ont saccagé des bars et maquis dans la commune de Béguédo, province du Boulgou. Cet incident a occasionné d’énormes pertes de la part de leurs propriétaires, mais aussi, le déplacement de nombreuses filles travaillant dans ces lieux de réjouissance.

Pour la propriétaire de l’hôtel Balaré, Mariam Bancé

Le saccage des bars et maquis par des individus aux desseins inavoués dans la commune de Béguédo, province du Boulgou a transformé la localité en une ville morte. Dans la matinée, du mercredi 6 avril 2022, l’ambiance habituelle que connait Béguédo n’était pas au rendez-vous. L’ouverture timide de quelques commerces vient rappeler les séquelles de la nuit, du 30 au 31 mars 2022, l’incendie de ces lieux de réjouissance de cette ville rendue célèbre par des compatriotes vivant en Italie. Assis sous un arbre, Nahougna dit Isssaka Guébré, 70 ans révolus, fait partie des propriétaires des maquis saccagés. Malgré le temps écoulé, c’est au bord des larmes que ce septuagénaire a accepté lâcher quelques mots. « Jusque-là, je n’ai pas mis le pied là-bas (son auberge, Ndlr). Car, je ne vais pas pouvoir me contenir. Depuis une semaine, je n’arrive pas à manger », confie-t-il. Le ’’Nakanbé’’ un autre bar qui a subi la furie des frondeurs. Son propriétaire Mahamoudou Dabré jure de ne pas laisser tomber cette affaire. « Cela fait deux ans que je mets mes économies dans ce business. Et c’est quand je m’apprêtais à ouvrir que des individus viennent le détruire  », vocifère-t-il. A l’hôtel Balaré, la veuve Mariam Bancé, tenancière du tout premier maquis de la commune de Béguédo n’en revient toujours pas. « Mon mari était le propriétaire des lieux depuis des années. Après son décès, j’ai continué la gestion de l’hôtel. On vivait en symbiose avec ceux qui, aujourd’hui se sont livrés à cet acte de vandalisme », s’indigne-t-elle. Eric Compaoré, propriétaire des maquis « Tranquillos » et « Pharmacie » a choisi de ne pas retourner sur les lieux tellement il ressent toujours la douleur. « Je vais vous envoyer les photos pour que vous puissiez voir par vous-même », nous prie-t-il. Sétou Yaméogo a en charge le maquis ’’Relais et une auberge’’ à quelques pas de la mairie. Malgré sa perte, elle dit ne pas abandonner son activité. « Je n’ai rien d’autre à faire et je ne vais pas croiser les bras et m’assoir à la maison», déclare la jeune dame. En ce qui concerne les filles chassées de ces bars et maquis, elles ont trouvé refuge à Wanrebou, un village non loin de Béguédo. Elles promettent ne plus remettre pied de sitôt dans cette commune.

Le vieux Nahougna Guéré affirme avoir été convoqué par l’ex-maire pour lui signifier que son autorisation était non valable.

« Tout ce que nous voulons, c’est avoir le transport pour repartir chez nous », soutiennent-elles. Selon les différents témoignages, les évènements ont débuté, le mercredi 30 mars 2022, aux environs de 20h00. Selon un tenancier de maquis dont nous préférons taire le nom, un groupe de personnes est passé dans les maquis sommant de renvoyer les filles de joie, car elles étaient des persona non grata à Béguédo. Ultimatum que les tenanciers auraient exécuté dès le lendemain. « Nous n’avons pas pris le risque de les (les filles, Ndlr) garder de peur qu’ils viennent les tuer parce qu’elles sont sous notre responsabilité », relate-t-il. A l’en croire, c’est le jeudi 31 mars que les choses ont dégénéré. Les mêmes individus poursuit-il, sont revenus à la même heure pour se rassurer que les tenanciers avaient respecté l’ultimatum. « C’est après le départ du premier groupe qu’un autre est revenu sans sommation, ils se sont mis à tout saccager, pillant et emportant tout ce qui est précieux  en disant ’’Dieu merci’’ en langue arabe», explique le tenancier du maquis. Dans leur forfait, ajoute le gérant de maquis, les vandales après avoir forcé les congélateurs, ont bu la boisson et cassé les bouteilles. « Certains ont même emporté des bouteilles de bières, de Whiskys et de vins dans leur boubou », témoigne-t-il.

D’énormes pertes

Pour ce qui concerne les pertes, elles sont énormes. Selon Nahougna dit Issaka Guébré, l’immobilier à lui seul a coûté plus de 20 millions de francs CFA sans compter le mobilier. Une somme d’argent de quatre millions de F CFA a été volée dans sa chambre personnelle. A cela s’ajoute la moto de son fils incendiée, les tôles bacs et les sacs de ciment emportés et plusieurs affaires appartenant aux filles qui en partant, avaient tout laissé dans leur chambre. Mahamoudou Dabré et Eric Compaoré refusent d’avancer des chiffres au risque de se tromper. « Nous avons pris un huissier qui est venu évaluer les pertes. Nous ne pouvons pas donner de chiffres pour l’instant », avancent-ils. Sans pouvoir évaluer sa perte Mariam Bancé assure qu’elle est totalement ruinée. « J’avais mis toutes mes économies dans cette activité, mais ne sachant ni lire et écrire, je n’ai pas calculé le coût », avance-t-elle. Sétou Yaméogo dont l’auberge et le maquis sont implantés à des endroits différents est dans la même situation que dame Bancé à la seule différence que dans l’auberge, elle était en location. Elle regrette aussi de ne pas pouvoir donner le montant de sa perte. Quant aux filles des maquis, elles confient que des pagnes et des sommes d’argent ont été soutirés dans leurs bagages.

Mme Sétou Yaméogo : « je ne vois pas en quoi mon activité est une entrave à la pratique d’une religion ».

« En attendant de trouver un abri et dans la précipitation, nous étions obligés de laisser nos bagages dans les chambres. Malgré que les propriétaires avaient bouclé les portes, les vandales ont réussi à rentrer dans les chambres pour ramasser nos pagnes neufs et nos économies qui étaient dans nos sacs», relate la porte-parole des filles qui a requis l’anonymat. Aujourd’hui, les regards sont tournés vers la justice, car les victimes disent attendre beaucoup d’elle. « Il faut que la justice soit intransigeante pour éviter que ces genres de situations ne se reproduisent ailleurs », soutient un des tenanciers. C’est le cas de M. Guébré qui exige la réparation des préjudices causés et ne souhaite même plus voir ces ’’bandits’’. Pour Mahamoudou Dabré, nul n’a le droit de causer du tort à quelqu’un qui cherche sa pitance. « Je suis musulman tout comme eux, mais personne n’est venue vers moi pour savoir comment je gère ma famille. Au contraire quand je rentre au village, ce sont des tas de demandes de soutien qui me sont adressées. Aujourd’hui les mêmes que j’ai aidé, ce sont eux qui détruisent mes biens. Même si c’est mon père qui est à la base de cela, il va me le rembourser jusqu’au dernier centime », fulmine M. Dabré.

Quant aux dames Bancé et Yaméogo, elles disent s’en remettre à la justice. « La police et le procureur sont venus s’entretenir avec nous et constater les dégâts, nous attendons leur réaction », déclare Sétou Yaméogo. A la date du 6 avril 2022, 31 personnes ont été interpellées et détenues à la police de Tenkodogo dont l’ex-maire de la commune, Noro Bara, et le muezzin de la mosquée dans laquelle se tenaient, semble-t-il, les rencontres préparatoires. Mais les enquêtes se poursuivent pour retrouver d’éventuels coupables de ce forfait. Cependant, certaines victimes disent avoir reçu des menaces de la part de parents des personnes interpellées qui estiment qu’ils sont à l’origine de l’arrestation des membres de leur famille. « Après le drame, j’ai reçu un appel d’un certain Mondré Hamba qui m’a averti qu’ils sont en train de se préparer pour venir terminer ce que les autres ont commencé, car je suis à l’origine de l’arrestation de son père », témoigne Nahougna Guébré. Mahamoudou Dabré, dit avoir aussi été approché à plusieurs reprises pour lui demander de retirer sa plainte. « Ils (les parents des personnes arrêtées, Ndlr) sont passés par un ami à Ouagadougou pour m’avertir qu’ils allaient brûler mon véhicule. Mais vu qu’ils ne sont pas venus vers moi directement, je ne saurais considérer cela comme une menace », indique-t-il.

D’après Mahamoudou Dabré, il avait été sommé à trois reprises par l’ex-maire de fermer son auberge.

Au moment où nous quittions la commune de Béguédo, une rencontre entre les différentes communautés musulmanes était prévue à 15h00 pour débattre de la situation. La presse présente, a tout simplement été priée de ne pas prendre part à la rencontre présidée par la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB). Après la rencontre de Béguédo, les membres de la FAIB se sont entretenus avec le gouverneur. Aux dernières nouvelles, la faîtière s’apprêterait à produire un communiqué pour clarifier sa position.

Donald Wendpouiré NIKIEMA

tousunis.do@gmail.com

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