Tchad : alliance de feu de paille

Pour la première fois de son histoire politique, une partie de l’opposition tchadienne a pu se réunir au sein d’une coalition pour affronter le président Idriss Déby Itno à l’élection présidentielle du 11 avril 2021. Dénommée Alliance victoire et composée de 16 partis politiques, la coalition a décidé de faire candidature unique. Contre toute attente, la désignation de ce candidat, en la personne de Me Théophile Bongoro, notaire de profession, la semaine dernière, fait grincer la machine au point de faire voler en éclats l’Alliance victoire.

L’opposant historique Saleh Kebzabo, président de l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNRD) qui avait cru qu’il serait le candidat naturel de la coalition a annoncé le retrait de son parti de l’Alliance. Arguments avancés par Kebzabo : le vote qui a désigné Me Bongoro a été acheté et son choix est tout simplement une manœuvre du parti au pouvoir. Pour se porter candidat à la présidentielle, Saleh Kebzabo a décidé de quitter l’Alliance victoire.

Au regard de ce qui est en train d’arriver à cette coalition de l’opposition, c’est le signe que le président sortant, candidat pour un 6e mandat, ne craint pas grand-chose pour le rendez-vous électoral du 11 avril prochain. Même si aujourd’hui, de nombreux Tchadiens manifestent contre cette énième candidature du président Idriss Déby Itno, le spectacle auquel est en train de s’adonner la toute première coalition de l’opposition démontre à souhait que les dés sont déjà pipés. Alors que bon nombre d’observateurs voyaient en cette coalition, un rassemblement des forces de l’opposition pour infliger une défaite au Maréchal-président, elle n’a pas survécu aux égo de ses leaders.

L’Alliance prétentieusement dénommée victoire vient de donner le contre-exemple de l’espoir qu’elle aurait pu susciter chez les Tchadiens. En lieu et place de victoire, c’est une alliance de feu de paille, incapable de résister à une moindre contradiction qui a été ficelée. Si déjà elle prend une lézarde à cause de la désignation du candidat unique, rien ne prouve que l’attelage tiendra jusqu’à avril. Le porte-parole de l’Alliance victoire, François Djekombé, tout en reconnaissant le poids politique de Saleh Kebzabo, a soutenu que les 15 autres partis resteront solidaires derrière Me Théophile Bongoro. Mais que valent ces simples déclarations qui n’engagent que lui seul ? Absolument rien.

Une fois de plus, c’est un boulevard que l’opposition tchadienne est en train de préparer pour le président sortant qui capitalise 31 ans à la tête du Tchad, à l’occasion de la présidentielle. Pour un chef d’Etat qui entend demeurer éternellement au pouvoir, il faut une « union sacrée » de l’opposition pour couper son appétit. Mais hélas, à l’instar de leurs pairs dans la plupart des pays africains, l’opposition tchadienne est engluée dans le piège des égo démesurés et des intérêts bassement partisans.

Tant que ceux qui se réclament opposants ne sauront pas avancer en rang serré contre des gens qui ont confisqué le pouvoir, ils se contenteront d’être de simples figurants dans une arène impitoyable. La crise que traverse actuellement l’Alliance victoire est l’avant-première d’un échec cuisant de l’opposition le 11 avril prochain. Que valent des proies dispersées contre un ogre insatiable qui broie tout sur son passage ? Rien.
L’opposition tchadienne a raté encore le rendez-vous de l’alternance politique, au grand bonheur du Maréchal-président Idriss Déby Itno.

Karim BADOLO

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