Tchad : la transition à pas de caméléon

Cela fait exactement trois mois que le président tchadien, le Maréchal Idriss Déby Itno est officiellement mort dans les combats contre le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), une rébellion au Nord du pays. Depuis lors, l’un de ses fils, le général Mahamat Idriss Déby, a pris les rênes du pays, en mettant en place le Conseil militaire de transition (CMT), censé mener une transition en 18 mois. Sauf que depuis trois mois, le Conseil national de transition de 93 membres « issus de toutes les classes de la société » et chargé du pouvoir législatif et l’examen du projet de nouvelle Constitution, de même que le dialogue inclusif se font attendre, suscitant moult interrogations. Où en est-on avec la transition ?

Le Tchad pourra-t-il respecter le délai de 18 mois « renouvelable une fois en cas de blocage » ? Déby fils sera-t-il candidat aux élections ? Au-delà du gouvernement d’ouverture formé, le 2 mai 2021, le Conseil militaire de transition « se presse lentement » pour mettre en place les organes transitoires. Alors qu’il s’agit bel et bien du dialogue inclusif et du Conseil national de transition qui doivent, entre autres, élaborer la nouvelle constitution, fixer la date des élections et surtout, discuter des conditions d’éligibilité au poste de président de la République. Bien plus, le général Mahamat Déby a posé deux autres conditions pour respecter le délai de 18 mois, notamment la capacité des Tchadiens à convenir de l’essentiel lors du dialogue inclusif et l’épineuse question du financement des organes de la transition et de l’organisation des élections.

C’est dire que le désormais homme fort du Tchad se donne des marges de manœuvres pour bien asseoir son pouvoir, ce d’autant plus qu’il dispose d’une possibilité de renouveler la transition pour la porter au final à 36 mois, soit trois ans. A ce rythme, le délai du premier round de 18 mois paraît clairement intenable, à moins qu’un coup d’accélérateur soit donné au processus. Ce fonctionnement à pas de caméléon en dit donc long sur les intentions réelles de Mahamat Idriss Déby qui pourtant, a non seulement promis d’organiser des élections démocratiques, libres et transparentes dans les meilleurs délais, mais aussi et surtout faire en sorte que les membres du CMT ne se présentent pas à l’élection. « C’est un engagement qui a été pris devant le peuple », avait-il même dit.

Mais pour qui connaît le glissement dynastique qui a caractérisé la succession de Déby- père, il serait naïf de croire que le fils organisera ces élections sans être candidat, pour ensuite retourner dans les casernes afin de laisser le pouvoir à celui qui sera élu au terme de la transition. En tous les cas, la lenteur avec laquelle les choses se mettent en place réserve de nombreuses surprises à ceux qui rêvent d’un Tchad dirigé par un président civil.

Jean-Marie TOE

Laisser un commentaire