Un partenariat gagnant- gagnant ?

Depuis la nuit des temps, l’Afrique a toujours été l’objet de convoitises des autres continents du monde. Les grandes puissances, pour parvenir à leurs fins, n’hésitent pas à user de tous les stratagèmes en vue de maintenir le continent noir dans des relations incestueuses dont elles seules en tirent profit. Après les sommets France-Afrique, Chine-Afrique, Japon-Afrique et Allemagne-Afrique, Moscou s’est aussi invité dans le concert des nations avec le sommet Russie-Afrique. Parmi les acteurs extérieurs actifs en Afrique, la Russie est sans doute celle qui a le plus accru son influence ces dernières années. En effet, les 23 et 24 octobre 2019 s’est tenue à Sotchi, une station balnéaire russe, une rencontre de « haut niveau » entre l’ex-puissance soviétique et des pays d’Afrique.

Ce sommet où une trentaine de chefs d’Etat africains ont répondu présents traduit la volonté affichée de Moscou de se rapprocher davantage du continent. Aujourd’hui la diplomatie russe est en train de se renforcer dans bon nombre de pays africains. En témoigne cette visite du ministre des Affaires étrangères de la Russie, Sergueï Lavrov, en juillet dernier en Egypte, en Ouganda, en Ethiopie et en République démocratique du Congo. En République centrafricaine (RCA) et au Mali, la Russie est devenue le principal partenaire de sécurité. La proximité aidant, certains Burkinabè piqués par le virus russe appellent de tous leurs vœux au renforcement des liens de coopération avec ce pays de l’Europe de l’Est, notamment dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Cette ruée des puissances étrangères vers cette partie du monde avec en toile de fond cet amour subit de la Russie pour l’Afrique suscite mille et une interrogations. Pourquoi autant de convoitises pour un continent dont les populations peinent encore à se nourrir, à se soigner, à assurer une bonne éducation à leurs enfants, à se défaire des attaques terroristes, bref, à tirer les marrons du feu ?

Bien malin qui saura répondre à cette question. Mais à scruter de près les déclarations des dirigeants de ces pays, l’on finit par se faire une petite idée de ce regain d’intérêt pour le continent. Le président russe, Vladimir Poutine, a confié en 2019 à quelques jours de l’ouverture du sommet de Sotchi, que son pays était prêt à offrir son aide aux Africains sans les nombreuses conditions fixées par les puissances occidentales. Les intentions russes sont assez claires. Ces opérations de charme visent à convaincre à tout prix les dirigeants africains qu’ils n’auront pas à regretter leur coopération avec Moscou. Cependant, une question demeure pendante. Ces «amis» de l’Afrique interviennent-ils en qualité de bons samaritains ou ont-ils un agenda soigneusement caché sous leurs manteaux d’hiver ? De toute évidence, le continent aux multiples richesses naturelles est devenu le champ de rivalités des superpuissances. Le pétrole de la Libye, l’uranium du Niger, le cobalt de la RDC ou l’or du Burkina Faso, etc. sont autant d’exemples qui montrent que le sous-sol africain fait courir les grandes puissances. L’un des principaux objectifs de la Russie en Afrique est de renforcer son statut de grande puissance dont les intérêts doivent être pris en compte dans toutes les régions du monde. Cet agenda à peine voilé a pris une importante ampleur à la suite de la nouvelle invasion de l’Ukraine par la Russie, car Moscou cherche à éviter l’isolement international et à démontrer qu’elle reste un acteur mondial viable. Que l’Afrique ne se méprenne guère. Il est illusoire dans ces conditions, de penser à un partenariat gagnant-gagnant. Dans ce mariage entre l’Afrique et la Russie, il y aura un perdant et un gagnant. Et sans nul doute, ce sera la grande Afrique qui courbera l’échine. Il appartient donc aux dirigeants et peuples africains de rectifier le tir en ne faisant pas une fixation sur ces coopérations avec ces grandes puissances toutes catégories confondues.

Il est peut-être possible de revoir les accords de coopération en vue de tirer plus de profit mais les Africains ne doivent pas perdre de vue que chaque nation doit compter d’abord sur ses propres forces, comme l’a fait remarquer l’éminent professeur Joseph Ki-Zerbo : « On ne développe pas, on se développe ». En la matière, l’exemple algérien dans la lutte contre le terrorisme en est une parfaite illustration. Ce pays d’Afrique a su compter sur ses propres fils dans sa croisade contre les groupes terroristes. Au lieu de s’enliser dans les diatribes sur le choix de partenaire entre la France ou la Russie, les pays africains en proie à l’insécurité feraient donc mieux de penser à des solutions endogènes.

Abdoulaye BALBONE

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