Un regain d’intérêt américain

A l’heure où le renouvellement des grands équilibres géopolitiques s’observe, le continent africain retient vivement l’attention des grandes puissances. Aux côtés de la France qui reste un acteur-clé en Afrique malgré les critiques acerbes contre sa politique, d’autres pays développés, tels la Chine et la Russie, travaillent à mieux se positionner dans le berceau de l’humanité. Les Etats-Unis, qui ne sont pas en reste dans cette dynamique, veulent travailler à réduire l’influence grandissante de ses rivaux russes et chinois. La tournée que la vice-présidente américaine, Kamala Harris, effectue du 27 mars au 2 avril 2023, au Ghana, en Tanzanie et en Zambie, s’inscrit dans le cadre de cette offensive diplomatique. L’hôte de marque du continent devra globalement aborder des questions politiques, économiques et environnementales.

« Je suis très enthousiaste quant à l’avenir de l’Afrique. Je suis très enthousiaste quant à l’impact de l’avenir de l’Afrique sur le reste du monde, y compris les États-Unis », a-t-elle commenté à son arrivée au Ghana. Le déplacement de Kamala Harris fait suite au sommet Etats-Unis-Afrique, tenu du 13 au 15 décembre 2022, qui avait réuni les responsables de 49 pays et l’Union africaine. Plusieurs sujets, dont la lutte contre le terrorisme, la sécurité alimentaire, le changement climatique et l’AGOA, accord visant à faciliter les exportations africaines vers les Etats-Unis,avaient été abordés par les deux parties. L’Administration Joe Biden veut se repositionner en Afrique, après le désintérêt manifeste de son prédécesseur, Donald Trump, dont les discours aussi controversés que décousus sur le continent résonnent encore dans les oreilles. Cette démarche a été actée par la présentation de la stratégie américaine envers l’Afrique subsaharienne, le 8 août 2022. Cette politique, qui réaffirme l’importance du continent pour les Etats-Unis et dans les questions planétaires, comprend quatre principaux objectifs.

Il s’agit de favoriser l’ouverture et des sociétés ouvertes, à travers, entre autres, la promotion de la transparence et de la responsabilisation des gouvernants et une focalisation accrue sur l’état de droit ; de produire des dividendes démocratiques et de sécurité (la promotion de la stabilité démocratique et le soutien à la société civile doivent y concourir) ; favoriser les opportunités économiques et contribuer à la protection de l’environnement et à l’adaptation au climat. L’ambition est de développer un vaste partenariat avec l’Afrique et Joe Biden entend y mettre de toute son énergie et de son entregent pour faire bouger les lignes. Les Américains œuvrent à asseoir des relations plus ambitieuses avec les Africains, sans pourtant renoncer à leur attitude hégémonique. Chasser le naturel, il revient au galop, dit-on. Dans son approche relationnelle avec l’Afrique, les Etats-Unis n’arrivent pas à se départir de leur posture de gendarme du monde. Même si le discours se veut moins offensif sur la présence de la Chine en Afrique, il est tout autre concernant la Russie.

Le pays de l’Oncle Sam est à l’initiative d’un « projet de loi sur la lutte contre les activités malveillantes de la Russie en Afrique” ou « Countering Malign Russian Activities in Africa Act», inspiré par la guerre russo-ukrainienne. L’intention clairement affichée par Washington est de vérifier que les activités russes en Afrique ne compromettent pas les objectifs et les intérêts des Etats-Unis. Les gouvernements africains jugés trop proches du Kremlin pourraient écoper de sanctions commerciales. Le texte a été déjà adopté par la Chambre des représentants, avec 415 voix pour et 9 contre en avril 2022. Il devait par la suite atterrir au Sénat américain, mais depuis lors on n’en a plus entendu parler. La polémique, soulevée par ce projet de loi sur le continent (certains dirigeants africains y ont vu une ingérence), a-t-elle eu raison de la volonté des autorités américaines ? Il faut être dans le secret des Dieux, pour le dire. Les grandes puissances s’intéressent à l’Afrique, sur fond de rivalité, et les États-Unis en donnent l’illustration à travers ce projet de loi. Tout comme la France et autres pays européens également vent debout contre la présence russe en Afrique. Il reste que les Etats africains souverains et on y croit dur comme fer, doivent pouvoir choisir librement leurs partenaires. Les menaces, brandies par les occidentaux par rapport au recours au groupe de sécurité privé russe, Wagner, dans la lutte contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest, ne devraient pas avoir lieu d’être. S’ils ne sont pas fermés au reste du monde, les pays africains connaissent et savent défendre leurs intérêts. Il n’est donc pas question pour eux de se laisser dicter le choix de leurs partenaires occidentaux.

Kader Patrick KARANTAO

Laisser un commentaire