Verdict du procès du putsch : «Des peines raisonnables», selon des citoyens

Les peines infligées aux accusés par le tribunal militaire au terme du procès du putsch, suscite des appréciations diverses chez les citoyens burkinabè. Quelques-uns ont donné leur point de vue sur le verdict et les possibilités de réconciliation nationale.

Inoussa Ouédraogo, couturier: «j’appelle à une grâce présidentielle»
«Je trouve que les peines infligées sont exagérées. Pour moi, on n’enferme pas «les guides» du pays. Diendéré fait partie des guerriers de ce pays. S’il fallait l’enfermer, une année aurait été suffisante. Mais les 20 ans, c’est trop. Si l’on veut se mettre du point de vue des victimes, il y a lieu de jeter un regard à la ronde, vers les pays voisins. Des milliers de gens sont morts sous le mandat de l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo. Il a été enfermé, mais il a été libéré sans avoir fait 20 ans de prison. Au Burkina Faso, si on doit enfermer quelqu’un pour 20 ans, cela ne fait que mettre le pays en arrière. Il faut qu’on privilégie l’union et la réconciliation, en abandonnant ce qui est passé pour revivre ensemble dans la paix. Donc j’en appelle à une grâce présidentielle».


Donald Kientéga, retraité : «Moi, j’attends toujours»
«C’est une question de justice et des gens ont été mandatés pour le faire. Même si ça ne répond pas à mes attentes, je n’ai pas le droit de juger. En ce qui concerne la réconciliation, il y a encore beaucoup de situations en instance devant la justice que nous, parents, attendons. Il y a des gens qui ont commis certains massacres et on n’en parle toujours pas. Il faut tout juger. Moi j’attends toujours. A propos du jugement du putsch, mon avis n’est pas prépondérant. C’est une affaire de conscience et de conviction des juges».


Rakiatou Niangané, fonctionnaire : «les peines infligées sont raisonnables»
«Cela peut permettre aux Burkinabè de se réconcilier. Je trouve que les peines infligées sont raisonnables. Les accusés ont aussi des familles qui les attendent et donc la prison à vie aurait été excessive. Mais je ne serai pas d’accord qu’on leur accorde une remise de peine ou une grâce. La prison leur permettra de réfléchir à leurs actes et de se ressaisir. Ils ne vont plus répéter leurs erreurs. Par ailleurs, je pense que ce verdict peut soulager quelques cœurs et permettre une réconciliation entre Burkinabè. Avec ce verdict, on peut aller de l’avant».


Michel Tapsoba, commerçant : «si on peut réduire leurs peines, ce serait bien» :«Les juges ont fait leur travail. Mais il faudra envisager après une remise de peine. Parce que donner 10 ou 20 ans, c’est bien, mais ce n’est pas cela qui peut nous permettre de nous réconcilier. De nos jours, le pardon est essentiel. On nous enseigne que lorsqu’on te gifle à la joue gauche, donne la droite. Si on peut trouver des mécanismes pour réduire leurs peines, ce serait bien, nous sommes tous des frères. Je peux dire que je fais partie des victimes, car j’ai perdu un ami lors des évènements. Et je considère que même si c’était moi qui étais tombé, c’est passé, le pardon reste de mise. Leur condamnation est normale, maintenant, il faut voir comment réduire les peines pour nous permettre de vivre ensemble, aller de l’avant, vers une réconciliation nationale».


Judicaël Rodrigue Ki : «Il faut collaborer avec eux»
«Justice a été rendue, on doit passer à autre chose. Mais n’oublions pas que ces personnes étaient les têtes pensantes du régime de Blaise Compaoré. Pour cela, malgré qu’elles aient été condamnées, il faut collaborer avec elles pour trouver une solution à la crise sécuritaire que nous vivons. Il serait idéal qu’ils participent à cette lutte contre le terrorisme, parce que les populations souffrent énormément, elles ne savent pas à quel saint se vouer. Ces anciens dignitaires peuvent beaucoup aider parce que les terroristes ne travaillent pas d’eux-mêmes, il y a des têtes pensantes et on sait que pendant le régime du président Compaoré, des leaders de groupes proches des djihadistes ont été hébergés ici au Burkina Faso. Avec leur collaboration, on doit pouvoir trouver des solutions, même si pour cela, il va falloir que le gouvernement fasse des compromis en termes de réduction, voire d’annulation de peines».


Aminata Ouédraogo, enseignante : «tout crime doit être jugé»
«C’est déjà un bon pas. Tout crime doit être jugé. Je suis donc satisfaite du fait que ce jugement ait eu lieu. Ça va empêcher que d’autres personnes répètent les mêmes crimes. Quant aux peines, n’étant pas du domaine judiciaire, je ne saurai me prononcer. Mais, on ne peut pas parler de satisfaction dans la mesure où ce sont des vies humaines qui ont été enlevées. Maintenant, est-ce que c’est cette décision qui va amener la réconciliation ? Si ces généraux et autres militaires condamnés peuvent apporter un plus pour que nos compatriotes ne meurent plus, je suis d’avis qu’on les libère ».

Propos recueillis par
Fabé Mamadou OUATTARA

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