Lavage automobile : Zalissa Ouédraogo, une femme battante

En stage dans un service de lavage autos-motos en face de l’hôtel administratif de Ouagadougou, Zalissa Ouédraogo, veuve et mère de trois enfants, marque les esprits au regard de son courage et de sa détermination. Sidwaya est allé à sa rencontre. Portrait.

Ousséni Ouédraogo patron de Zalissa : « La plupart des clients exigent que ce soit elle qui s’occupe de leur véhicule ».

Il était exactement 10h32 mn, quand nous sommes arrivé, le vendredi 18 février 2022, dans le service de lavage autos-motos situé en face de l’hôtel administratif à Ouagadougou. Nous avons pris quelques minutes pour observer l’ambiance qui régnait dans le service de Ousséni Ouédraogo. Environ deux minutes après, trois voitures sont arrivées pour stationner dans l’espace vide transformé en parking. Pendant qu’un des apprentis guidait les conducteurs, nous nous sommes approchés d’une dame qui débarrassait un véhicule de marque Toyota de de son contenu avant de le laver. C’était la seule femme sur les lieux. Pas de doute, il devrait s’agir de la femme apprentie au métier de lavage dont nous avons entendu parler. Après présentation, il s’agissait bel et bien de la femme en question. Pendant plusieurs minutes, nous avons assisté au lavage méthodique du véhicule par cette dernière.

De l’intérieur comme à l’extérieur, elle a pris soin d’astiquer le véhicule . Nous avons également constaté que la plupart des clients, après avoir mis leur véhicule au parking, remettent la clé à Zalissa Ouédraogo. A l’issue d’un bref entretien avec M. Ouédraogo, le patron des lieux, permission nous a été donnée de nous entretenir avec dame Zalissa. Le lavage de la Toyota achevé, elle est disposée à répondre à nos questions… « Quand mon  mari vivait (paix à son âme), il n’acceptait pas que je travaille ou vende quoi que ce soit. Mais après son décès, j’ai été confrontée à toutes les difficultés. Il a fallu que je sorte pour chercher du travail afin de subvenir aux besoins de mes enfants. C’est ainsi qu’une dame m’a sollicitée pour des travaux de ménage à domicile à Ouaga 2000 à raison de 25 000 F CFA par mois. Cette somme, bien que modique, m’a permis de nourrir mes enfants », se souvient Mme Ouédraogo. Outre ses services de nettoyage, elle devait aussi s’occuper du véhicule de sa patronne. «  C’est donc chez mon ex-employée que j’ai été initiée au lavage de véhicules. Je lui suis très reconnaissante », confie-t-elle, toute souriante. Elle décide alors de se perfectionner dans un service de lavage autos-motos…

Fière d’apprendre

Robert Nana, client : « sa présence rassure beaucoup les clients ».

Son stage dure déjà un mois auprès d’autres jeunes garçons apprentis et du patron Ouédraogo. Madame Ouédraogo est âgée de 37 ans. « Les premiers jours n’ont pas été faciles pour moi parce que je sentais que tous les regards étaient fixés sur moi. Je craignais de ne pas pouvoir tenir avec les multiples regards et les questions du genre, ‘’ madame, ca va ? ‘’ comme si j’étais une débile. Or, j’ai bien mûri ma réflexion avant de m’engager. Je sais bien ce que je veux. J’ai trois orphelins à nourrir, soigner et éduquer », souligne-t-elle. Au regard de sa détermination, les interrogations et railleries vont peu à peu faire place à la confiance et aux encouragements. « Franchement, je suis très fière d’apprendre ce ‘’ job ’’. Actuellement, la plupart des clients m’apprécient positivement et cela me pousse à aller de l’avant. J’ai totalement gagné la sympathie des dames qui viennent pour faire laver leur véhicule », a laissé entendre la veuve apprentie. Elle a précisé que les clientes ne repartent pas sans lui prodiguer des conseils et des mots d’encouragement. « Madame, du courage, vous êtes une femme exemplaire. Vous vous battez dignement pour gagner votre vie. Vous faites notre fierté », lui lancent certaines clientes, selon ses dires. Au-delà de ce travail, il s’agit d’une philosophie de vie. En gagnant sa vie dignement, il s’agit, explique-t-elle, de montrer à ses enfants que l’on peut être pauvre et rester digne. « Je sollicite l’aide auprès de bonnes volontés afin d’ouvrir mon propre service de lavage. J’invite mes sœurs à se battre comme les hommes pour gagner leur vie dans la dignité, c’est possible », exhorte-t-elle. Son collègue apprenti, Hermann Diarra, félicite Zalissa Ouédraogo pour son courage et sa capacité à apprendre vite. Pour ce jeune homme, c’est la première fois qu’il voit une femme s’essayer à ce genre de travail. « Quand elle est venue, nous nous sommes demandé qu’est-ce qui a bien pu la pousser à vouloir embrasser ce métier qui est plus ou moins réservé aux hommes ? Mais dès qu’elle a commencé, j’avoue qu’elle maitrise le travail mieux que nous. Elle est très joviale au service. Avec elle, il y a toujours de la bonne ambiance et le travail marche très bien », ajoute-t-il.

« Quand on veut, on peut »

Embouchant la même trompette que Hermann, son patron, Ousséni Ouédraogo, qui ne tarit pas d’éloges pour son apprentie, est plus que satisfait de la prestation de cette dernière. Même s’il reconnait qu’il était au départ très dubitatif quand elle est venue lui solliciter le stage. « Quand elle m’a approché pour le stage, j’ai d’emblée eu peur parce que c’était une première à mes yeux. Je me suis demandé si elle pourra tenir ! J’ai beaucoup hésité avant de marquer mon accord. Elle m’a alors demandé si cela était lié à son statut de femme. Mais je dois avouer aujourd’hui que je ne regrette pas», témoigne M. Ouédraogo. Et de poursuivre : « Depuis qu’elle travaille avec nous, je suis très comblé. Elle est très accueillante et elle s’applique beaucoup quand on lui confie un travail. Honnêtement, si je pouvais avoir d’autres apprenties avec un tel dévouement, je ne m’attarderai plus sur certains détails. Avec elle, j’ai appris que c’est la volonté qui fait la différence. Quand on veut, on peut. Tous les clients l’apprécient beaucoup ».

Le collègue apprenti de Zalissa, Hermann Diarra : « elle a vite appris le travail ».

Selon lui, certaines personnes ralentissent ou marquent carrément un arrêt pour observer la dame en train de travailler. « La clientèle a augmenté depuis son arrivée. Grâce à elle, les recettes se sont sensiblement améliorées. La plupart des clients exigent que ce soit elle qui s’occupe de leur véhicule. Je l’ai même responsabilisée dans la gestion des clefs de véhicules », précise-t-il. Aux dires du patron, les jeunes garçons qui viennent pour apprendre le lavage travaillent rarement avec un tel sérieux. La majorité des clients, dit-il, sont des travailleurs et les usagers de l’hôtel administratif. Pour Robert Nana, client, cette dame mérite des encouragements et du soutien pour lui permettre d’atteindre ses objectifs. « De temps en temps, c’est à elle que je confie mon véhicule. Elle est très accueillante et avec elle, il y a une certaine sécurité par rapport au contenu du véhicule. Sa présence rassure beaucoup les clients et je pense que son patron doit être fier d’elle », soutient M. Nana.

Un courage salué

A l’instar de Robert Nana, Alimata Bouda, cliente, a de l’admiration pour le travail de Zalissa Ouédraogo. Elle dit faire entièrement confiance à la dame apprentie. « Depuis que Zalissa est là, je ne confie mon véhicule à laver qu’à elle seule. C’est aussi une manière de l’encourager. C’est quand même assez rare de trouver une femme faire ce genre de boulot d’homme. De surcroit, elle le fait très bien, toujours souriante. C’est vrai qu’elle subit souvent des agressions et autres, mais, elle ne se laisse pas faire », affirme-t-elle, avec un brin de fièrté. Elle salue son courage et l’admire beaucoup parce qu’elle a choisi « d’être digne, de garder son intégrité ». Pour Mme Bouda, Zalissa est une belle femme avec une belle silhouette. « Elle aurait pu choisir de faire autrement, c’est-à-dire monnayer son corps ! Bien au contraire, elle a choisi de venir travailler pour gagner sa vie. Elle est régulièrement sous le soleil pour satisfaire ses clients », a-t-elle déclaré. Par conséquent, elle invite les autres femmes et filles à faire des travaux qui vont leur permettre de garder leur dignité. « Aux abords des feux tricolores, nous voyons très souvent des femmes qui s’adonnent à la mendicité. C’est vrai qu’elles sont moins blâmables que celles qui ‘’ vendent ‘’ leur corps. Mais, je les invite à imiter la veuve Zalissa Ouédraogo. Car, il n’y a pas de sot métier, il n’y a que de sottes personnes », estime-t-elle.

Adama De MALIKI

ouedraogoadamademaliki@gmail.com

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