Situation alimentaire et nutritionnelle 2019: Les fruits et céréales suffisent mais 24 provinces risquent la disette

Le Comité de Prévision de la situation alimentaire et nutritionnelle (CPSA) a rassuré que les besoins en fruits et en céréales des Burkinabè pourront être satisfaits au cours de l’année 2019 au regard de la production générale. Toutefois, il a noté, au cours de sa 2e session tenue mi-novembre, que 24 provinces seront sous pression. Extraits.

 Bilan céréalier prévisionnel 

Les productions céréalières prévisionnelles rapportées aux besoins de consommation céréalière font ressortir pour le bilan céréalier prévisionnel 2018/2019 un excédent brut de 4 097 tonnes. Cela est la résultante d’un déficit brut en riz et en blé respectivement de 622 185 tonnes et 220 717 tonnes et un excédent brut de 847 000 tonnes de céréales traditionnelles (mil, maïs, sorgho, fonio). En tenant compte du solde import/export ce bilan prévisionnel fait ressortir un excédent net de 761 919 tonnes dégageant un disponible apparent de 240 kg/hbt.

Taux de couverture prévisionnel des besoins céréaliers par province

La production céréalière prévisionnelle de la campagne permet de classer les provinces selon le taux de couverture des besoins céréaliers ainsi qu’il suit :

  • 17 provinces déficitaires : Kadiogo, Boulkiemdé Passoré  Sanmatenga  Zondoma  Komandjoari  Bam  Kourwéogo  Namentenga  Oubritenga  Kouritenga  Yatenga  Boulgou  Gourma, Bazèga, Seno,  Gnagna
  • 10 provinces en équilibre : Soum Sanguié  Houet  Loroum  Yagha  Koulpelgo  Comoé  Zoundweogo  Poni  Ganzourgou
  • 18 provinces excédentaires : Oudalan Banwa  Kompienga  Tapoa  Sourou  Ioba  Noumbiel  Nayala  Leraba  Bougouriba  Balés, Ziro, Nahouri  Kossi  Sissili  Mouhoun  Tuy

En somme, le taux de couverture national des besoins céréaliers est de 104%.

L’analyse de l’autonomie céréalière montre au niveau national que 46,6 % des ménages ne seraient pas à mesure de couvrir leurs besoins céréaliers avec leur propre production de la présente campagne. La précarité céréalière toucherait 29,4 % des populations rurales agricoles.

Bilan alimentaire prévisionnel

L’analyse du bilan alimentaire prévisionnel de la campagne 2018/2019 montre que les besoins en produits végétaux sont couverts à 173,1 % et ceux en produits animaux à 166,7 %. L’analyse révèle également qu’à l’exception des tubercules et des œufs, les besoins de la quasi-totalité des autres produits (fruits, céréales, légumes, oléagineux, etc.) sont couverts.

Les disponibilités par personne et par jour en protéines, en lipides et en glucides représentent respectivement 124,3 g, 93,6 g et 598,9 g. Ainsi la teneur respective en protéines, lipides et glucides de l’alimentation burkinabè serait respectivement de 15%, 12% et 73%.

Etant donné qu’un régime alimentaire est équilibré si l’énergie calorifique consommée en nutriments est apportée par 11 à 15% par les protéines, 30 à 35% de lipides et 50 à 55% de glucides, il en découle que l’alimentation du burkinabè n’est pas équilibrée : une forte consommation en terme de glucides et une faible consommation en lipides.

Les disponibilités en calories par personne et par jour sont estimées à 3 654,7 kilocalories. Ce qui correspond à un taux de couverture global de 146,2% sur la base de 2500 kcals/personne/jour.

Situation nutritionnelle

Selon les résultats provisoires de l’enquête nutritionnelle nationale 2018 suivant la méthodologie SMART, les prévalences de la malnutrition aiguë, de la malnutrition chronique et de l’insuffisance pondérale font ressortir les points saillants suivants :

Pour la Malnutrition aiguë globale (MAG), au niveau national, la prévalence est de 8,5% et le Sahel, région la plus touchée qui enregistre 12,6%.  La prévalence dans la province du Séno est de 13 ,4%. Ces entités sont ainsi dans une situation sérieuse (classification OMS);

Pour la Malnutrition chronique ou retard de croissance, la prévalence au niveau national est de 25%. Les régions du Sahel (42,2%) et de l’Est (31,4%) ont des prévalences au-dessus du seuil critique (classification OMS);

Quant à l’insuffisance pondérale elle est de 17, 8% au niveau national. Les prévalences les plus élevées se rencontrent dans la région du Sahel avec 31,3% au-dessus de la situation critique (classification OMS).

Zones à risque et populations en insécurité alimentaire 

Les résultats de l’analyse de la vulnérabilité alimentaire à l’aide de l’outil Cadre harmonisé permettent de dresser la cartographie de l’insécurité alimentaire courante et projetée puis d’estimer les populations vulnérables suivant ces différentes périodes.

En situation courante (octobre à décembre 2018)

Pendant la période courante, 22 provinces sont en phase 2 « sous pression »: Kadiogo, Oubritenga, Kourwéogo, Bam, Namentenga, Sanmatenga, Nahouri, Oudalan, Seno, Soum, Yagha, Gnagna, Gourma, Komandjoari, Kompienga, Kouritenga, Passoré, Yatenga, Loroum, Zondoma, Boulkièmdé, Sanguié. Dans ces provinces, au moins 20% des ménages ont une consommation alimentaire réduite et d’adéquation minimale mais sont dans l’incapacité de se permettre certaines dépenses non alimentaires essentielles sans s’engager dans des stratégies d’adaptation irréversibles. Cette situation de pression résulte aussi d’une soudure difficilement vécue par les populations en dépit des énormes efforts exceptionnels consentis par le Gouvernement et ses partenaires.

Au niveau national, environ 307 000 personnes sont dans une situation d’insécurité alimentaire dite de « crise » (phase 3) et 3 241 500 personnes sont sous pression. Les populations en phase de crise se concentrent principalement dans les régions du Sahel (28%), Centre (19%) et du Nord (14%).

En situation projetée (juin à août 2019)

En situation projetée, 24 provinces seront en phase 2 « sous pression ». Il s’agit de 4 provinces de la région du Nord (Loroum, Passoré, Yatenga et Zondoma), des 3 provinces de la région du Centre-Nord (Bam, Namentenga et Sanmatenga), de 2 provinces de la région du Sahel (Séno et Yagha), des 5 provinces de la région de l’Est (Gnagna, Gourma, Kompienga, Tapoa et Komondjoari), de 2 provinces de la région du Plateau-central (Oubritenga et Kourwéogo), de 2 provinces de la région du Centre-Ouest (Boulkièmdé et Sanguié) et d’une province de la région du Centre-Est (Kouritenga), de 3 provinces de la région du Sud-Ouest (Poni, Ioba et Noumbiel), d’une province de la région du Centre-Sud (Bazèga) et de la seule province de la région du Centre (Kadiogo). Dans ces provinces, au moins 20% des ménages risquent, si rien n’est fait, de connaître une consommation alimentaire réduite et d’adéquation minimale, et seraient dans l’incapacité de se permettre certaines dépenses non alimentaires essentielles sans s’engager dans des stratégies d’adaptation irréversibles, durant la prochaine période de soudure (juin, juillet et août).

Les provinces de l’Oudalan et du Soum (région du Sahel) pourraient connaitre une situation de crise pendant la période projetée. En effet, si rien n’est fait, au moins 20% des ménages de ces provinces feraient face à des déficits alimentaires considérables et à une prévalence de la malnutrition aiguë élevée ou supérieure à la normale. Ces ménages pourraient marginalement être capables de couvrir le minimum de leurs besoins alimentaires en épuisant les avoirs relatifs aux moyens d’existence, ce qui conduira à des déficits de consommation alimentaire.

Au cours de cette période, il ressort que :

  • Environ 3 745 200 personnes, réparties dans toutes les régions, seraient sous stress (phase 2) ;
  • 676 200 personnes, pourraient tomber en crise ou en urgence (phase 3 ou 4) sans interventions d’assistance adaptée et immédiate en nutrition et santé, en accès alimentaire et en protection des moyens d’existence. Ces populations se concentrent principalement dans les régions du Sahel (34%), du Centre-Nord (15%) et du Nord (14%).

Déroulement de la campagne agropastorale

La campagne agro-pastorale 2018/2019 a été caractérisée par une installation tardive des pluies. La reprise de la pluviométrie a été effective à partir de la deuxième décade de juillet. La situation phytosanitaire est restée marquée par la persistance des chenilles légionnaires d’automne. Elle a connu une bonne répartition spatio-temporelle de la pluviométrie. Les cumuls ont évolué entre 300.5 mm à Gorom-Gorom en vingt-sept (27) jours dans la province de l’Oudalan et 1373.0 mm en soixante-huit (68) jours à Loumana, dans la province de la Léraba.

Comparés à la normale (moyenne 1981-2010), ces cumuls sont similaires à excédentaires sur la quasi-totalité du territoire national. Par contre, des zones à pluviométrie déficitaire ont été observées dans la région de l’Est, du Sahel et du Centre-Ouest.

Par rapport à ceux de 2017, pour la même période, ces cumuls ont été similaires à excédentaires sur la majeure partie du pays. Des déficits pluviométriques ont été observés dans certaines zones de la région de l’Est, du Sahel, du Centre-est, du Centre-Ouest, du Plateau Central et de la Boucle du Mouhoun.

Sur le plan hydrologique, les volumes d’eau enregistrés à la date du 10 octobre 2018 montrent que quinze (15) retenues d’eau sur les vingt et une (21) retenues suivies ont déversé.

Malgré les attaques de chenilles légionnaires et autres ravageurs, l’incidence semble mineur grâce aux mesures anticipatives engagées par les services techniques.

La situation alimentaire courante du bétail est globalement satisfaisante. Les pâturages et l’eau d’abreuvement sont toujours disponibles et bien fournis comparativement à l’année passée

Cependant, des dégradations localisées de pâturages ont été signalées dues aux inondations dans les communes de Di, Kassoum, Sanaba, Lanfiéra et de Toéni dans la région de la Boucle du Mouhoun et dans les communes de Koti, Houndé et Samorogouan dans la région des Hauts-Bassins et au stress hydrique dans la région du Sahel. Cette situation est identique à celle de l’année passée à la même période dans la région du Sahel. Il faut noter en plus, l’absence/l’obstruction des pistes d’accès aux ressources naturelles.

Concernant la situation zoo-sanitaire, elle est jugée passable sur l’ensemble des treize (13) régions. Il y a néanmoins une persistance de la fièvre aphteuse et des cas de suspicions d’autres pathologies enregistrés à moindre ampleur.

 

Situation des marchés

Sur la période d’octobre, l’offre des céréales a augmenté et la demande a connu une légère baisse par rapport aux mois précédents. D’une manière globale, les prix des produits agricoles ont évolué en baisse à partir du mois de septembre. Le mil et le sorgho sont les céréales les plus chères sur les marchés. Leur offre est faible et provient des stocks résiduels de certains producteurs et commerçants et leurs prix demeurent toujours élevés du fait que la récolte n’a pas commencé.

Sur les marchés de collecte, les variations des prix par rapport à la moyenne quinquennale donnent des hausses de 19%, 18% et 24% respectivement pour le maïs, le mil et le sorgho.

En fin septembre 2018, sur les marchés à bétail, le niveau de l’offre a connu une hausse par rapport aux mois précédents à l’exception des marchés de Youba (Yatenga) et de To (Sissili).

Concernant les PFNL, les variations quinquennales donnent une baisse de 11% pour les graines de néré et des hausses de 13% pour le soumbala, 21% pour le zamné, 26% pour le tamarin, 30% pour le beurre de karité et 40% pour le kapok.

Les termes de l’échange bétail/céréales (TDE) sur les principaux marchés sont en dégradation par rapport au mois passé et à l’année passée.

Au regard des différentes analyses ci-dessus, l’issue de la campagne agropastorale laisse présager une production globalement moyenne par rapport à la normale. En perspective, les prix auront une tendance à la baisse mais dans des proportions moindres comparativement à la normale.

 

Analyse des résultats prévisionnels de la campagne agro-pastorale 2018-2019

 

Évaluation de la production agricole prévisionnelle

Production céréalière

La production céréalière prévisionnelle nationale de la campagne 2018-2019 est estimée à 4 953 257 tonnes. Comparée à la production totale définitive de la campagne agricole 2017-2018 et à la moyenne des cinq dernières campagnes, elle est en hausse respective de 21 ,91% et 11,77%. La production prévisionnelle des différentes spéculations céréalières est établie comme suit :

  • 1 055 752 tonnes de mil, soit une hausse de 27,47% par rapport à la production de la campagne passée et de 11,59% par rapport à la moyenne des cinq dernières campagnes ;
  • 1 784 696 tonnes de maïs, soit une hausse de 16, 39% par rapport à la production de la campagne précédente et de 17,04% par rapport à la moyenne des cinq dernières campagnes ;
  • 1 357 469 tonnes de sorgho blanc correspondant à une hausse substantielle de 35,04% par rapport à la campagne passée et de 13,80% par rapport à la moyenne des cinq dernières campagnes ;
  • 408 323 tonnes de sorgho rouge en hausse de 13,21% par rapport à la campagne passée et une baisse de 2,29% par rapport à la moyenne des cinq dernières campagnes ;
  • 334 744 tonnes de riz en hausse de 2,82% par rapport à la production de la campagne précédente. Par rapport à la moyenne des cinq dernières campagnes, on enregistre une quasi stabilité (- 0,86%) ;
  • 12 273 tonnes de fonio correspondant à une hausse de 21,90% par rapport à la production de la campagne passée mais une baisse de 1,89% par rapport à la moyenne quinquennale.

Production des autres cultures vivrières

La production des autres cultures vivrières est estimée à 937 448 tonnes soit une augmentation respective de 30,67% et 25,10% par rapport à la campagne passée et à la moyenne des cinq dernières campagnes. La situation par culture se présente comme suit :

  • 39 604 tonnes d’igname en baisse respective de 15,26% et 23,45% par rapport à la campagne passée et à la moyenne quinquennale ;
  • 62 300 tonnes de patate en hausse de 6,04% par rapport à la campagne passée. Par contre, cette production est en baisse de 18,36% comparée à la moyenne des cinq dernières campagnes ;
  • 778 089 tonnes de niébé avec une hausse exceptionnelle de 38,99% et 36,80% comparée à la campagne précédente et à la moyenne quinquennale ;
  • 57 455 tonnes de voandzou soit une hausse de respective 2,41% et 9,45% par rapport à la campagne passée et à celle de la moyenne des cinq dernières campagnes.

Production des cultures de rente

La production des cultures de rente est estimée à 1 180 150 tonnes. Comparée à la campagne précédente et à la moyenne quinquennale des cinq dernières années, la production enregistre une baisse respective de 13,29% et de 16,74%. Cette production des cultures de rente se répartit comme suit :

  • 603 090 tonnes de coton soit une baisse respective de 28,57% et 25,71% par rapport à la campagne précédente et à la moyenne quinquennale.
  • 302 161 tonnes d’arachide en baisse respective de 9,62% et 20,67% comparée à la précédente campagne et à la moyenne des cinq dernières campagnes.
  • 245 185 tonnes de sésame en augmentation de 49,70% et 19,96% comparée à la campagne passée et à la moyenne quinquennale.
  • 29 714 tonnes de soja avec une hausse respective de 60,61% et 46,81% comparée à la campagne passée et à la moyenne des cinq dernières campagnes.

 

Évaluation de la situation du pâturage

Sur le plan pastoral, les résultats provisoires de l’évaluation de la biomasse indiquent un disponible fourrager au niveau national de 19 648 688 tonnes de matière sèche (MS) inégalement répartie sur l’ensemble des provinces pour un besoin de 17 295 868 tonnes de MS. Le bilan fourrager prévisionnel fait ressortir que:

  • 22 provinces seront excédentaires (couverture du besoin sur plus de 9 mois).
  • 6 Provinces seront équilibrées (couverture du besoin sur 8-9 mois),
  • 17 provinces seront déficitaires (couverture du besoin inférieur à 8 mois)

Les zones à très faibles disponibilité de biomasse concernent surtout les provinces du Seno, de la Gnagna, de l’Oudalan, du Kadiogo, du Kouritenga, du Ganzourgou, du Namentenga, de l’Oubritenga, du Yagha, du Zoundwéogo, du Boulkiemdé, du Bam, du Sanmatenga, du Passoré, du Kourwéogo, du Houet et du Bazèga. Cette faible productivité de biomasse serait liée à l’irrégularité des pluies au cours de la saison et à l’état de dégradation des surfaces de pâturage (plan d’occupation des terres, déforestation, zones à surpâturage, etc..).

 

Source : Rapport synthèse de novembre 2018 du Comité de Prévision de la Situation Alimentaire et nutritionnelle