Equipement pour les étuveuses de Bagré: Un soutien insuffisant de 110 millions

Malgré un soutien de 110 millions de la LONAB en 2014, suivi d’une mission de prospection sur le marché chinois, l’union des étuveuses de riz ne dispose toujours pas d’unité complète d’étuvage comme souhaité. Cinq ans plus tard, la situation n’a pas évolué et serait liée au fait que les fonds disponibles ne couvrent pas les commodités pour le bon fonctionnement. Un gap de plus de cinquante-sept millions de francs (57 900 954 FCFA) est à combler, selon les personnes ressources rencontrées.

C’est en 2014, lors de la visite de l’ex-président Blaise Compaoré au centre d’étuvage de riz de Bagré que Mme Amélie Tamboura, alors directrice générale de la Loterie nationale burkinabè (LONAB), avait promis aux étuveuses une unité complète pour l’étuvage et la décortication du riz, à la suite d’une série de plaidoyers de Bagrépole auprès de cette institution. Ainsi en 2015, une délégation dont Mariam Nana, la défunte présidente des étuveuses, s’est rendue en Chine pour l’achat de ladite unité. Mais une fois en Chine, une autre réalité s’est imposée à la délégation. En effet, le montant reçu de la LONAB ne pouvait pas permettre la prise en charge des infrastructures et autres commodités nécessaires au bon fonctionnement de l’unité. Elle est donc revenue bredouille de Chine car il manquerait cinquante-sept millions neuf cent mille neuf cent cinquante quatre (57 900 954) franc CFA. De retour l’équipe a entrepris de faire d’autres plaidoyers pour avoir le complément du montant nécessaire.

M. Etienne Kaboré estime qu’il y a un véritable problème de gouvernance de l’union.

D’après le directeur et responsable social de la gestion des terres, Etienne Kaboré, ce qui retarde l’achat de l’unité d’étuvage, c’est le souci d’acquérir pour l’union des étuveuses, un matériel de pointe. L’autre contrainte est que l’union des étuveuses est actuellement disloquée à la suite du décès de l’ex-présidente de l’union, Mariam Nana. De l’avis de M. Kaboré, depuis ce décès, Bagrépole a maintenant affaire à des individus et non à une union. «Ce qui se présente actuellement ne nous permet pas de travailler sereinement», a-t-il ajouté. Pascal Kaboré, directeur en charge des affaires juridiques et des études à Bagrépôle, abonde dans le même sens, soutenant que l’objectif poursuivi par cette structure est de contribuer à créer des emplois et à augmenter la production, y compris la transformation du riz local.

Elles sont pourtant organisées

Mme Lucienne Ouédraogo, gestionnaire

Pascal Kaboré : «Actuellement, les étuveuses veulent prendre part à la compétition et soumissionner à la cantine scolaire».

du «Centre d’étuvage Nana Mariam » que nous avons rencontrée dans ce centre à Bagré, a expliqué que 526 femmes reparties 21 groupements dont un comité d’achat chargé de faire l’approvisionnement et le stockage du riz fraîchement récolté dans la plaine, y travaillent. Trois magasins respectivement de 200 tonnes, 100 tonnes et 50 tonnes ont été construits dans ce centre. Après l’achat, les 21 groupements ont chacun trois jours pour faire, tour à tour, l’étuvage du riz ; le riz est ensuite décortiqué et stocké dans les magasins en attente de clients potentiels. «A la fin de l’année, nous faisons le bilan et nous répartissons les bénéfices en trois parts : une pour l’union, une pour les membres et une pour les groupements de base ». Ainsi, des tonnes de riz sont étuvées, décortiquées par ces femmes : respectivement, 450 tonnes en 2011, 276 tonnes en 2012, 500 tonnes en 2013, 700 tonnes en 2014. Par la suite, des difficultés dont le décès de l’ex-présidente ont bloqué les activités entre 2015 et 2016. Quand bien même le bureau a été renouvelé avec une nouvelle présidente, en la personne d’Amina Saré, les travaux ont timidement repris en 2017. Cependant, les crédits et le manque de moyens freinent le bon déroulement des activités. Il n’en demeure pas moins qu’à l’heure actuelle, 450 tonnes de riz non étuvé pour le moment soit disponible. A la question de savoir qui sont leurs clients, Mme Ouédraogo répond : « Nous vendons notre riz à la Société nationale de gestion du stock de sécurité alimentaire (SONAGESS) qui demeure notre gros client et à tous ceux qui viennent vers nous sans exception, y compris les pays voisins ». De son point de vue, la clientèle ne manque pas.

Très active dans le domaine de l’étuvage du riz depuis 2006, Mme Ouédraogo déplore la disparition de leur présidente ayant entraîné la fermeture du centre. Par la suite, les étuveuses ont repris leurs travaux de façon timide : « Nos activités ont ralenti depuis que nous avons perdu la présidente et il y a les crédits de 2015 que nous n’arrivons pas à rembourser mais si le gouvernement accepte de nous tendre la main, nous reprendrons de plus belle ».

L’ONG Oxfam au secours 

Oxfam est l’un des partenaires techniques et financiers de l’Union nationale des étuveuses de riz (UNERIZ) dont l’union de Bagré est membre. Le centre d’étuvage de riz de Bagré est le deuxième centre qu’Oxfam a construit après celui de Niassan en 2010. Le centre de Bagré a bénéficié par la suite d’un magasin de stockage de 200 tonnes ainsi que d’équipements modernes d’étuvage. Selon le responsable de la formulation et de la coordination de la mise en œuvre et du suivi-évaluation des projets de moyens d’existence durable de Oxfam au Burkina , Karime Séré, l’ONG accompagne les unions de femmes étuveuses de riz présentes sur toutes les principales plaines rizicoles du Burkina à savoir Bama, Banzon, Bagré, Niassan, Dandé, Louda, Douna, Mogtédo, Boulbi, Founzan, Zoungou depuis 2008 . Elle a accompagné la structuration des femmes étuveuses en union nationale en 2010. Dès lors, l’UNERIZ est devenue l’un de ses partenaires principaux d’intervention dans la filière au Burkina. «Nous avons contribué au renforcement des capacités techniques et organisationnelles des femmes étuveuses de riz, à l’amélioration de leur conditions de travail à travers la construction des centres d’étuvage et leur équipement avec du matériel moderne d’étuvage ; nous avons aussi contribué à  faciliter leur accès au crédit à travers des fonds de garantie placés auprès des institutions financières et à favoriser leur accès aux marchés institutionnels de la SONAGESS et du ministère de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation (MENA), grâce aux actions de plaidoyer ; ce qui a permis de faire connaître du grand public le riz local en général et le riz étuvé en particulier, entre autres appuis»,  a révélé  M. Séré. Celui-ci déplore le fait que certaines femmes de l’Union de Bagré refusent de travailler sous prétexte qu’elles ne savent pas où la défunte présidente aurait mis l’argent. De ce fait, Karime Séré lance un cri du cœur pour que les femmes surpassent leur différend pour se réorganiser afin de sauver le centre et d’assurer sa survie.

Aimée Florentine KABORE