Commercialisation des oranges : Les transporteurs ghanéens s’imposent au Burkina

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Un grand nombre de cars remplis d’oranges, en provenance du Ghana, alignés de part et d’autre du marché des oranges ou « Toles’ Yaar », a attiré notre attention. Nous y avons fait un tour dans la dernière semaine du mois de mars 2019 et avons noté que  des   producteurs d’oranges ghanéens à la recherche de la clientèle, viennent vendre leurs oranges au Burkina Faso.  

Sadat Issa et Raza Mohamed sont deux jeunes producteurs d’oranges, âgés respectivement de 17 et 20 ans. Ils travaillent tous les deux dans un verger au Ghana et viennent régulièrement au Burkina pour écouler leurs produits. Selon le premier, leur société de production d’oranges porte le nom de « To be a man is not easy. Ce nom  ou du moins cette citation signifiant : « Ce n’est pas facile d’être un homme » se retrouve également sur les trente cars remplis d’oranges que cette société envoie quotidiennement au Burkina Faso. D’après Sadat Issa, lui et son compagnon Raza Mohamed viennent avec les chauffeurs à chaque fois et leurs cars mettent trois jours pour arriver au Burkina. Dès qu’ils finissent d’écouler leurs produits, ils retournent au Ghana. De leurs avis, certains ont la chance d’écouler leurs marchandises rapidement et certains doivent attendre des jours.

Yaba Idriss, grossiste  ghanéen et transporteur à la fois, sur l’axe Kumassi-Ouaga, explique qu’avec un très bon véhicule, il quitte Kumassi à 16h et il peut arriver à la frontière le lendemain à 9h. C’est donc possible de faire Kumassi-Burkina en 24 heures. Il a soutenu qu’il y’a les taxes des syndicats à payer au Ghana et au Burkina,  en plus d’autres taxes à payer en route. D’après lui, un chauffeur qui quitte son pays pour le Burkina, avec 50 000 FCFA en poche, risque d’arriver à Ouaga sans un sous, après avoir payé les taxes. Il estime que c’est exagéré mais il se demande si c’est normal que les chauffeurs paient plusieurs taxes sur la route  ou ceux-ci sont simplement victimes de pillage, insistant qu’on ne leur donne pas de reçus.  Il a souligné que les chauffeurs ghanéens ne peuvent circuler que le dimanche ; pour les autres jours, c’est uniquement la nuit qu’ils sont autorisés à circuler, déplore-t-il. Il a aussi révélé que certaines personnes prennent les marchandises, mais tardent à  payer : « J’ai plus de trois millions de F CFA à récupérer avec mes clients ici et les intéressés ne veulent pas me payer ; l’un d’eux me doit un million huit cent. J’attends qu’on me règle pour repartir », regrette-t-il.

Un autre chauffeur ghanéen, visiblement sous le choc, se morfond : «Après avoir payé des taxes et il ne me restait que 5000 F CFA.  Ce jour, la police m’a arrêté parce je n’avais que  ces 5000F sur moi alors que je devais encore payer 15 000F CFA de taxes. Il a fallu que des gens volent à mon secours »

La bousculade des femmes

 

Entre les tas d’oranges et les camions, un tricycle  déjà bien chargé cherche son chemin. Le contenu de ce taxi-moto appartient à une dame qui  achète chez les grossistes pour aller revendre dans un marché de la place. Cette dame a requis l’anonymat  mais a précisé qu’elle achète habituellement les oranges entre 75 000F CFA en 85 000F CFA et qu’elle remet 2000F CFA au conducteur du taxi-moto et 1000F CFA pour le chargement du tricycle. Cette dame, comme tant d’autres clientes, a bravé la bousculade dès l’ouverture des camions, rien que pour pouvoir trier les oranges et ensuite les faire compter et les acheter.

Toutefois, si l’on manque de vigilance, l’on peut facilement perdre son colis après  en avoir payé le pris ! Telle est la réalité quotidienne des femmes qui ont choisi de vendre des oranges achetées chez les grossistes ghanéens. C’est ce que renchérit Rayimwendé Grâce Nikièma qui se souvient encore douloureusement du jour où elle perdu 10 000F CFA d’oranges qu’elle a trié, acheté et mis dans un sac. « Je viens chaque fois à 2h du matin mais c’est à partir de 4h du matin que les camions s’ouvrent ». Après l’achat des oranges, confesse-t-elle, je lave mes fruits, je les taille et je les vends mais en lavant, je découvre souvent des fruits pourris que je jette ; c’est une perte et c’est regrettable.

 

Pourquoi n’avoir songé à faire une retenue d’eau au niveau du pont Kadiogo?

 

Salamata Korogo vend également des oranges. Elle en fait une activité secondaire. Elle s’approvisionne également avec les grands camions en provenance du Ghana. Certes, dit-elle, ce sont des oranges sucrées et juteuses mais avec les frais supplémentaires à payer aux « compteuses » et le prix de carburant, il n’y a pratiquement pas de bénéfices ; en dehors des oranges en provenance du Ghana, il lui arrive très fréquemment de vendre des moments  les oranges de la Côte d’Ivoire. Or, dit-t-elle, si notre gouvernement avait songé à faire une retenue d’au au niveau du pont Kadiogo, nous ne serions pas en train d’importer des oranges. Déplorant  le fait que les choses ne se passent plus comme au temps de la révolution où Feu le Président Thomas Sankara exigeait qu’on l’on réserve les meilleurs parts à la population et  que l’on vende les restes aux autres pays, elle soutient que les vendeuses d’orange n’allaient pas souffrir autant. « Quand je me refère à ce qui se passe  dans mon propre village  à « Moaga », c’est possible de produire et de consommer Burkinabè, par ce que la maraicher culture y est très développée set nous avons des légumes frais à toutes les saisons ».

Malheureusement, dit-elle avec une voix teintée de tristesse, même les oranges que nous vendons ici à Ouagadougou sont importées et pour s’en procurer, il faut des frais supplémentaires. Et une autre revendeuse, en la personne de Safi Kaboré de renchérir : «Pour 5000 F CFA d’oranges par exemple, il faut d’abord payer 500 F CFA pour pouvoir trier et après cette étape, il faut ensuite payer 500f aux compteuses, et donc, ça fait 1000 F CFA de frais supplémentaires à payer, sans oublier mon carburant aller-retour et c’est qui réduit le bénéfice des revendeuses d’oranges ». Mais, dit-elle, c’est normal car il y’ait des frais de douane à payer pour les grossistes et sûrement pour ça que les clientes doivent payer de leur poche les compteuses.

Du jus naturel pour les clients

Amina Congo vend des oranges qu’elle transforme également en jus, depuis 4 ans. Pour s’approvisionner, elle se lève à 3 4h du matin pour  aller trier des oranges chez les grossistes venant du Ghana avec de gros camions chargée d’oranges. Une fois qu’elle fini de trier, elle attend que des femmes Burkinabè « recrutées » uniquement par les grossistes ghanéens  (pour compter  les oranges déjà triées  pour les revendeuses) fassent leur devoir pour qu’elle puisse acheter les oranges. Toutefois, elle déplore le fait que ce soit les trieuses et acheteuses d’oranges qui doivent  encore payer les « compteuses d’oranges ». Lorsqu’une cliente achète 5000f d’orange, elle doit obligatoirement payer 500F à ces femmes pour avoir compter. Et de son avis, c’est parce que le ghanéens ne font pas confiance aux clientes qu’ils exigent que ce soit ces femmes qui comptent et non les clientes elles-mêmes. Elle soutient qu’il arrive que ces femmes soient malhonnêtes et détournent quelques oranges si les clientes ne sont pas vigilantes.

A la bonne période, confesse-t-elle, lorsque les grosses oranges juteuses se vendent  3 à 100f chez les grossistes,  je me fais un bénéfice de 2500f sur 5000F d’oranges. Mais dans ce montant, les compteuses prennent 500 et  elle met l’essence aussi à 500 pour aller acheter les oranges.

A cette même période, les petites oranges se vendent 5 à 100F chez les grossistes mais de son avis, cela ne l’arrange  pas du tout puisque personne ne va accepte acheter une petite orange à 50 F.

A la mauvaise période où les oranges sont rares, continue-t-elle, les grossistes vendent 5 oranges à 200 et à ce prix, sur 5000f d’orange achetés,  son bénéfice  est de 625, ce qui, de son avis est très déplorable.

Aimée Florentine KABORE

 

Encadré :

Des activités connexes : de petits couteaux aiguisés pour bien tailler les oranges et du jus naturel

Sur place, au marché des oranges, s’est développée la vente de petits couteaux qui s’achètent tout aussi bien. Ces vendeurs qui n’ont pas voulu se prononcer sur activités sont également chargés d’aiguiser les couteaux qui s’émoussent à force de tailler les oranges. C’est ce que confirme une dame, assise sur un banc. « Je suis pour faire aiguiser mes couteaux parce qu’ils ne sont plus tranchants. C’est ici que je les avais achetés ».

La vente d’orange est une aubaine pour Amina Congo de proposer du jus naturel à ses clients. Celle-ci achète 100 kg d’oranges, par jour, du lundi au samedi. Elle en revend une partie des fruits mais transforme l’autre partie en boisson. « Je presse les oranges pour recueillir le jus que je revends dans des bidons. Le grand bidon d’un litre et demi coûte 1000 F CFA c ; celui d’un demi-litre coute 500 F CFA et j’ai aussi des bidons de 300 F CFA et ce sont les plus petits », a-t-elle révélé.

A.F.K