Journée mondiale des légumineuses : Une nouvelle ère pour la sécurité alimentaire au Sahel

De Rôme à Washington, les Terriens ont rendu un hommage mondial à l’arachide, au haricot (niébé), au soja et à l’ensemble des légumineuses pour leur utilité auprès des couches vulnérables et leur adaptabilité aux aléas du climat sahélien. Le Burkina Faso, à l’origine d’un plaidoyer ayant conduit à cette célébration mondiale, a marqué l’événement le 11 février à Méguet, une commune rurale située dans la province du Ganzourgou.

Le haricot ou niébé, le pois de terre ou voandzou, l’arachide et le soja burkinabè étaient à l’honneur  le 11 février 2019 à Méguet (commune rurale de la province du Ganzourgou, à 28 km au Nord de Zorgho), à l’occasion de la journée mondiale des légumineuses. Cette journée a pour objectif de promouvoir les légumineuses en vue de contribuer à éradiquer la faim au Burkina Faso d’ici 2030 mais aussi de mener un plaidoyer en faveur du financement de la filière. Au Burkina Faso, elle a été placée sous le thème : «Des légumineuses pour renforcer les sources de revenus et les moyens d’existence des ménages».

De nombreuses femmes dont l’épouse du président de l’Assemblée nationale, y ont pris part. Barro Djénéba, membre du groupement Sababougnouma des productrices de soja et de niébé, dans les Hauts-Bassins, y a exposé ses produits, un enfant dans les bras. Elle explique que lors de la saison 2017-2018, les 20 femmes du groupement ont pu se partager un million FCFA, soit 50 mille FCFA chacune (environ 100 USD), grâce aux revenus tirés de la vente du soja graine, sur un hectare emblavé. «Ça nous aide dans nos foyers et dans l’éducation de nos enfants », dira Mme Barro. «Chacun part nourrir sa famille avec ce que nous partageons», a-t-elle précisé. Depuis 2018, ces femmes de Samorogouan dans le Kénédougou pratiquent aussi le ‘’mung-bean’’, une variété de niébé dont les revenus procurés ont été intégralement réinjectés pour accroitre la production, selon leur représentante.

Bibata Sissao du groupement Bénéré des transformatrices de Zorgho est du même avis sur l’importance économique de ses produits dans la gestion de sa famille.

A côté des femmes, Somda Fautin, venu du Sud-Ouest, a exposé du soja et du voandzou. «Le soja est très adapté aux sols du Sud-Ouest», a-t-il indiqué, précisant que son groupement a réalisé une production de 27 tonnes cette année soit une augmentation de 50% comparée à la saison d’avant.

Selon les données du ministère de l’Agriculture, 70% des ménages ruraux pratiquent l’agriculture des légumineuses. Contrairement au riz et aux tubercules qui demandent beaucoup d’eau pour leur développement et contrairement au maïs qui a besoin d’un sol riche, elles se contentent de peu. Aussi, l’Etat a-t-il consenti des efforts qui ont permis d’enregistrer une production de 829 700 tonnes de légumineuses en 2018, soit une hausse ponctuelle de 36%. Pour l’année en cours, le pays ambitionne une hausse 64,78%, tablant sur une production record de 1 367 000 tonnes de légumineuses. Sur place, le gouvernement a remis des intrants et des équipements d’une valeur de 37 millions environ à des groupements de producteurs.

Grande mobilisation pour un triple défi

Les légumineuses, érigées au rang de cultures «stratégiques» par les autorités burkinabè, participent à l’amélioration des conditions de vie des femmes rurales et des jeunes et contribuent en outre à la lutte contre l’appauvrissement des sols. Pays au climat mi-sec, le Burkina Faso a fixé son regard sur l’exploitation des légumineuses comme l’une des clés à la sécurité alimentaire. Le gouvernement considère cette famille de culture comme partie intégrante des solutions «appropriées et innovantes» pour réduire les effets néfastes du changement climatique, renforcer la résilience des producteurs face aux chocs climatiques et contribuer à la sécurité alimentaire et à l’éradication de la faim sur la terre.

Et pour célébrer la toute première journée mondiale dédiée aux légumineuses, instituée par l’Assemblée générale des Nations unies sur proposition du pays des Hommes intègres et ses partenaires, les autorités n’ont pas lésiné sur leur mobilisation.

Le Premier ministre, Christophe Dabiré, son épouse, l’épouse du président de l’Assemblée nationale, des membres du gouvernement et des représentants d’institutions internationales ont fait le déplacement de Méguet.

Un soutien aux femmes et aux enfants

S’il est courant de voir au Burkina Faso un «non-événement» au sens journalistique, drainé tout le gotha de l’élite politico-administrative et ce pour des raisons politiques, la mobilisation de Méguet avait une toute autre signification.

En plus d’être aux avant-postes dans l’institution de cette journée, les autorités burkinabè voient aux légumineuses un retour aux cultures mieux maîtrisées par les producteurs et aux bienfaits désormais reconnus.

L’égal accès des terres et la politique d’autonomisation des femmes ont permis à de nombreuses femmes d’avoir des parcelles sur lesquelles elles produisent des légumineuses pour leur consommation et pour la vente.  L’exploitation de ces légumes secs a procuré quelque 4 milliards FCFA au pays, offrant ainsi «un revenu non négligeable pour les ménages constitués de 46,5% des femmes responsables de parcelles», selon le gouvernement. L’arachide et le niébé font partie de l’histoire des Burkinabè. Dans les villes comme en campagne, l’arachide est l’un des amuse-gueules les plus vendus. Même si sa production est en baisse, elle est reste très populaire et procure des revenus aux modestes ménages. Il en est de même du niébé (ou benga en mooré, une langue nationale) qui est au Burkina Faso ce qu’est l’attiété dans les pays côtiers. Sa consommation est répandue et sa vente est assurée par des femmes. Moussa Koné, le président de la Chambre nationale d’agriculture en est convaincu, les légumineuses participent à l’amélioration des moyens d’existence des populations les plus vulnérables. «C’est le futur de la souveraineté alimentaire», a-t-il dit. Les Nations unies reconnaissent en effet que  les légumineuses sont économiquement accessibles aux petites bourses et améliorent la vie des petits exploitants en Afrique.

Le Burkina tient aussi aux légumineuses en raison des vertus nutritives qu’elles apportent, les légumineuses étant réputées être riches en protéines et en fer. Selon les croyances, le mung-bean est aussi un remède contre la paralysie, les rhumatismes, la toux, la fièvre et les troubles hépatiques.

De même, elles ont la caractéristique de fixer l’azote dans le sol, contribuant à améliorer la fertilité des sols. Directement utile à l’homme et au sol, les légumineuses le sont aussi pour le bétail. Le fourrage qui en est issu est de bonne qualité pour l’alimentation du bétail, a fait savoir le ministre de l’Agriculture.

Le Larlé Naaba, une figure des légumineuses, fait Commandeur du mérite

Si cette journée est un «symbole fort» de la communauté internationale et un engagement individuel et collectif pour relever les défis de la sécurité alimentaire au Burkina, des efforts restent attendus pour organiser les acteurs de la filière légumineuses. «Tout le monde fait tout en même temps», fait remarquer le Larlé Naaba, figure nationale de développement des légumineuses.

A l’occasion, ce ministre du Mogho Naaba, pour ces efforts en faveur du développement rural et de l’agriculture, a été fait Commandeur de l’Ordre du mérite du développement agricole, avec agrafe agriculture. Outre le mung-bean, le Larlé Naaba promet le jatropha et le moringa. Il a dédié sa médaille aux producteurs ruraux. «C’est en élevant le niveau de vie des populations rurales que nous allons réussir à combattre la pauvreté », a-t-il dit. Il a promis de soutenir autant qu’il peut l’utilisation des nouvelles techniques de production, la production d’engrais organiques et l’irrigation. Outre ces défis, les producteurs burkinabè ont aussi besoin de variétés adaptées, hâtives et résistantes au stress hydrique.

Le projet d’appui au développement des légumineuse, datant d’à peine une année et financé par la FAO, est censé apporter les premières réponses à ces questions. En entendant, les Burkinabè ont accueilli avec enthousiasme le côté cérémonial de la journée mondiale des légumineuses et rêvent de mettre fin à la faim dans la décennie à venir.

Aimé Mouor KAMBIRE

En cadré

Historique de la naissance de la journée mondiale des légumineuses

La célébration de la journée mondiale des légumineuses est le fruit d’une conviction du Burkina Faso et de ses partenaires à la suite d’un processus haletant.

Tout commence en 2016, déclaré année internationale des légumineuses par l’assemblée générale de l’ONU. L’ONU confie alors à l’Organisation onusienne pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) la facilitation de la mise en œuvre du programme sous-tendu.

En 2017, le Burkina est retenu pour abriter la cérémonie de clôture de l’année internationale des légumineuses. Les discussions thématiques le 11 février, se terminent par la «Déclaration de Ouagadougou» dans laquelle les participants demandent en substance d’instituer une journée mondiale des légumineuses.

Le 19 février 2018 à Namissiguima dans le Yatenga : Le Burkina décide de façon souveraine d’organiser une journée des légumineuses, patronnée par le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré en personne. A ses côtés, José Graziano Da Silva, le directeur de la FAO.

20 décembre 2019 : L’Assemblée générale de l’ONU adopte la résolution A/RES/73/251 instituant la journée mondiale des légumineuses et arrêtant le 10 février comme jour dédié.

11 février 2019 : Le Burkina célèbre avec un jour de différé la toute première journée mondiale des légumineuses à Meguet, sous le thème : «Des légumineuses pour renforcer les sources de revenus et les moyens d’existence des ménages». La manifestation est soutenue par le Premier ministre, Christophe Dabiré, haut patron de l’événement, et par l’épouse du président du Faso, Sika Kaboré en sa qualité de marraine.

A.M.K

Encadré 2

Evolution de la production des légumineuses des 5 dernières années

Année  ARACHIDE  SOJA  NIEBE  VOANDZOU  Totale légumineuses
2013-2014        349 688          21 773        599 804          56 555    1 027 819
2014-2015        335 223          15 055        562 729          51 091        964 098
2015-2016        365 887          20 021        571 304          46 876    1 004 088
2016-2017        519 345          25 851        554 286          51 836    1 151 317
2017-2018        334 328            18 500          555 833            56 101          964 762
Moyenne        380 894            20 240          568 791            52 492      1 022 417
2018-2019        302 161            29 714          778 089            57 455      1 167 418
 Variation 2018/2017 -9,62% 60,61% 39,99% 2,41% 21%
Variation moyenne quinquennale -20,67% 46,81% 36,80% 9,45% 14,18%

Source : Ministre de l’Agriculture

Encadré 3

Quelques personnalités associées à l’institution de la journée mondiale des légumineuses

Le président Roch Marc Christian Kaboré et son épouse Sika Kaboré, distingués en 2018 par la FAO pour leur engagement pour la promotion des légumineuses

Le Premier ministre Christophe Dabiré et son prédécesseur Kaba Thiéba pour la politique de promotion et de reconnaissance des légumineuses

Le ministre en charge de l’Agriculture, Salifou Ouédraogo et son prédécesseur Jacob Ouédraogo pour la mise en œuvre des politiques liées aux légumineuses

L’ambassadeur du Burkina à Washington, Eric Tiaré, pour ses actions au siège des Nations unies

L’ambassadeur du Burkina à Rôme, Joséphine Ouédraogo, pour ses actions au siège de la FAO

José Graziano Da Silva, le directeur exécutif de la FAO pour son soutien à l’initiative du Burkina

Le directeur exécutif de la Confédération mondiale des légumineuses (GPC) ;

A.M.K