Atelier de relance du coton: Les acteurs se sont dit les vérités

 

La production cotonnière du Burkina Faso a baissé, certains agriculteurs ayant tourné le dos à cette culture. Pour relancer ce secteur et préparer les projets textiles envisagés, le gouvernement a initié un atelier national du 11 au 13 mars 2019 à Ouagadougou. Il s’en dégage une préférence pour le coton conventionnel et des recommandations pour remobiliser les acteurs déçus.

Les acteurs partie prenante du secteur cotonnier se sont entendus pour replacer le Burkina Faso à la première place des pays africains producteurs de coton.  Du 11 au 13 mars 2019 à Ouagadougou, ils se sont dit les vérités, lors des discours officiels et encore plus lors des échanges à huis clos, loin du regard des journalistes.

A ce jeu-là, c’est le ministre en charge du commerce, Harouna Kaboré qui slalome entre sages conseils, supplications et fermeté. Si des industriels optent de venir investir dans ce secteur au Burkina, c’est parce qu’il y a la matière première sur place, dit-il avant d’affirmer que les acteurs sont obligés, par responsabilité, de trouver des solutions aux problèmes. Sinon, fait-il remarquer, le reste du monde nous prendra comme des gens qui ne savent pas ce qu’ils veulent. Et nos projets, déduit-il, resteront de simples discours. «Le problème de notre pays, c’est que tout le monde est expert en tout », déplore-t-il. Revenant aux producteurs qui boycottent le coton, il leur demande de revenir à la raison dès la prochaine campagne. «L’objectif de cette rencontre est d’attaquer cette campagne sans polémique», soutient-il. Pour ce faire, le ministre Kaboré prône la réconciliation entre les acteurs du secteur. « Laissons les problèmes de personnes et concentrons-nous sur les échanges de façon constructive », conseille-t-il. D’un ton ferme, il déclare : «Le gouvernement a sifflé la fin de la recréation, il va prendre des engagements, c’est terminé ». Le décor ainsi campé, les acteurs savent désormais à quoi s’en tenir.

 

Les participants, au nombre de 450 environ, ont eu droit à plusieurs exposés suivis de débats. Au cours de cet important atelier organisé expressément pour la relance durable de la production cotonnière, les acteurs du sous-secteur coton ont fait un diagnostic de l’état actuel de la stagnation. Le coton nourrit plus de 4 millions de personnes au Burkina et contribue à plus de 4% au Produit intérieur brut (PIB) comme l’a rappelé le ministre Kaboré. Considérant que ce secteur est stratégique, le gouvernement a décidé d’examiner «avec diligence toutes les difficultés qui entravent» la production cotonnière.

 

«Tout le monde s’est mis d’accord»

Car ces dernières saisons, des désaccords entre les producteurs et notamment la principale société cotonnière ont eu pour conséquence une baisse significative de la production, faisant perdre au pays son statut de premier producteur en Afrique.

 

Tous s’accordent à reconnaître que le coton rapporte gros et qu’il faut vite revenir à de meilleurs sentiments. «Par rapport à la fronde, je pense que nous nous sommes pardonnés et aussi ceux qu’on appelle les frondeurs ont pris part aux travaux et je pense que tout le monde s’est mis d’accord pour produire cette année », rappelle Karim traoré, ancien président de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB).

 

Dans l’ensemble, les travaux se sont déroulés dans une bonne ambiance, assortis d’importantes recommandations. De ces recommandations, on retient deux grands points à savoir, l’augmentation de la productivité au champ et l’amélioration de la production. A propos de la première résolution, ils ont suggéré, entre autres, la mise à la disposition des producteurs, des semences et des intrants de qualité et en quantité suffisante, le respect des itinéraires techniques et la vulgarisation de la fumure organique. Pour ce qui est de l’amélioration de la production, les participants se sont focalisés sur l’apurement des impayés des années antérieures. A cela s’ajoutent des subventions au prix des intrants, la restauration de la confiance entre acteurs. Ils ont également formulé le vœu que le prix d’achat du kilogramme de coton graine soit revu à la hausse.

 

Des intrants de qualité pour remobiliser les producteurs déçus

 

Les conclusions des travaux semblent avoir répondu aux attentes de chaque participant. Karim Traoré, ancien président de l’UNPCB, est fier des résultats engrangés. De son avis, les préoccupations des uns et des autres ont été prises en compte. «Il y a des recommandations qui ont été formulées en ce qui concerne notamment la qualité des intrants mis à la disposition des producteurs pour les rassurer et les motiver à revenir à la production. En plus, nous aurons des intrants tels que les insecticides et les herbicides de qualité et des engrais de qualité », se réjouit-il. Même son de cloche chez le gouvernement. Le ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat, Harouna Kaboré se félicite des résultats atteints à l’issue de ces journées d’échanges, de partage d’expériences et d’expertise. D’autant plus qu’elles ont permis notamment, de mesurer l’ampleur de la baisse de la productivité et de la production, de tracer des pistes d’actions pertinentes. A l’écouter, cela a également permis d’identifier et de proposer des actions et des mesures à mettre en œuvre pour la relance durable dès la prochaine campagne 2019-2020. Il dit retenir surtout la volonté manifeste des acteurs de mettre en place une stratégie cohérente susceptible de relever le défi de la relance. En cela, Karim Traoré reste lui aussi optimiste. « C’est une année décisive et nous pensons que si nous gagnons une très bonne pluviométrie, le Burkina peut reprendre sa première place au niveau africain avec une bonne production et beaucoup de recettes pour les producteurs », souligne-t-il. Il parie que si tout se passe bien, ils escomptent produire 800 mille tonnes de coton en cette même campagne. La Société burkinabè des fibres textiles (SOFITEX) affûte déjà ses armes. Selon le directeur général, Wilfried Yaméogo, l’ambition affichée est d’avoir au-delà de 500 mille tonnes. Il soutient que le financement ne pose pas de problème. A ce propos, le pactole est disponible pour la présente campagne. Le pool bancaire a délié les cordons de la bourse, croit savoir le ministre Kaboré. « Les partenaires auxquels nous avons recours nous font toujours confiance », dévoile M. Yaméogo.

 

Ameublir le terrain pour les projets à venir

A entendre le ministre du Commerce, les recommandations issues de cet atelier seront portées par le comité de haut niveau dont il préside. Une suite diligente sera donnée à ces décisions concernant leur mise en œuvre. « C’est donc dire que les fruits de nos réflexions devront nous permettre d’identifier les meilleurs angles d’attaque à même d’assurer une relance durable de la production cotonnière et un repositionnement du Burkina Faso en tête des pays producteurs de coton en Afrique », laisse entendre M. Kaboré. Le Burkina ambitionne de transformer son coton sur place et se donne les moyens d’y arriver. Et le ton avait déjà été donné à Koudougou par le chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré, au cours du lancement des activités de la première édition du Salon international du coton et du textile (SICOT). Il a promis la réouverture de l’usine Faso fani de Koudougou. En plus de cela, un projet d’implantation d’un complexe intégré de transformation de coton à Ouagadougou porté par un opérateur turc a vu le jour. On sait que certains producteurs ont carrément refusé de cultiver le coton. A ces acteurs déçus, le ministre Kaboré les tend la main. Il les appelle à entrer dans le rang et reste convaincu que son message est passé. D’ailleurs, il affirme que la crise relève désormais du passé. Karim Traoré est également très content du dénouement de la crise. Il est sûr que si les conditions sont réunies, il n’y a rien à craindre. C’est-à-dire, s’ils ont eu de l’engrais, des herbicides et des insecticides en quantité suffisante et de bonne qualité, avec une bonne pluviométrie bien répartie dans le temps et dans l’espace, alors produire 800 mille tonnes n’est pas la mer à boire, de son avis.

 

Le coton conventionnel comme priorité

Le ministre a fait comprendre que le gouvernement discutera avec les banques pour voir dans quelle mesure l’on pourra apurer les impayés externes. Cela a suscité une salve d’applaudissements dans la salle, car le jeu en vaut la chandelle. Pour l’heure, tous s’accordent à cultiver le coton conventionnel au détriment du coton Bt. « Pour le coton Bt, nous l’avons écarté parce que c’est une question qu’on ne peut pas résoudre  dans l’immédiat, donc on va se concentrer sur le coton conventionnel », martèle Karim Traoré. Et ce n’est pas tout. Des producteurs accusent la SOFITEX d’avoir détourné la subvention de l’Etat destinée à apurer les crédits. Là, le directeur général de la SOFITEX, Wilfried Yaméogo, a donné sa part de vérité. Il estime que c’est de la désinformation car les 14,614 milliards FCFA n’étaient pas tous destinés à l’apurement des créances. «L’Etat burkinabè a, au titre de l’accompagnement de la filière pour la campagne 2018-2019, pris deux décisions. La première, c’est d’octroyer une subvention de 5 milliards FCFA pour l’apurement de la dette interne des producteurs dans la zone SOFITEX, la zone la plus éprouvée par le déficit pluviométrique. La deuxième, c’est que l’Etat burkinabè a décidé d’apporter une subvention aux intrants de la campagne 2018-2019 à hauteur de 9 614 000 000 FCFA », explique-t-il. De façon explicite, les 5 milliards ont fait l’objet d’une utilisation qui a permis à chaque producteur d’avoir pour chaque kg de coton produit au titre de la campagne 2017-2018, 11F de réduction comme montant devant accompagner l’apurement partiel des impayés internes. Mais l’incidence est tellement infime que les producteurs n’ont pas ressenti les effets sur leurs créances. Avec la nouvelle donne, le gouvernement et les sociétés cotonnières se sont engagés à tout faire pour apurer les dettes internes et externes. On attend de voir l’application pratique de ces mesures salvatrices d’ici le démarrage de la campagne agricole.

Ouamtinga Michel ILBOUDO

Omichel20@gmail.com