Viande de boucherie à Manga : l’hygiène, pas toujours au rendez-vous

A Manga, dans la province du Zoundwéogo, région du Centre-Sud, la viande est une denrée prisée comme ailleurs au Burkina Faso. Avant d’atterrir dans les assiettes cependant, les étapes de sa production exigent des mesures d’hygiène strictes qui, malheureusement, contrastent avec les pratiques actuelles de nombre de bouchers de la cité.

A Manga, chef-lieu de la province du Zoundwéogo, des pratiques qui foulent aux pieds les exigences en matière d’hygiène subsistent. Les opérations entreprises sur le terrain par la Direction provinciale des ressources animales et halieutiques (DPRAH) sont édifiantes sur le sujet. En 2018, sur l’ensemble de la province, les équipes de la DPRAH-Zoundwéogo ont mis la main sur un total de 24 carcasses toutes espèces confondues et plus de 2 540 autres parties des animaux abattus jugées impropres à la consommation. Les motifs de saisie sont entre autres la putréfaction, la congestion, la pneumonie mais aussi les nodules parasitaires.

De nombreuses imperfections dans la pratique

A Manga pourtant, les bouchers se défendent d’être de bons élèves dans le domaine de la protection de leur produit. Tout comme Désiré Nacoulma évoluant dans la vente de viande de bœuf, Daniel Compaoré qui, lui, commerce la viande de porc depuis 19 ans est formel sur la question : «nous sommes exigeants sur la propreté de la viande. D’abord, nous la faisons inspecter à l’abattoir. Pour le transport jusqu’au lieu de vente, nous enveloppons les carcasses dans des sacs. Certains utilisent des vélos, d’autres des motos et quelques-uns des tricycles. D’ailleurs, nous avons même une association qui est chargée de rappeler à l’ordre ceux qui transportent la viande nue parce que nous ne voulons pas qu’elle soit source de maladies pour nos clients». Pour le responsable du service Promotion de la santé au district sanitaire de Manga (PS-DSM), Francis Ouoba, les comportements des bouchers tels que déclinés par M. Compaoré sont certes, louables mais ne sont pas appropriés. D’après lui, la bonne attitude consiste à éviter tout contact externe avec la viande et le transport par des fourgonnettes ou des camions frigorifiques serait l’idéal dans ce sens. Or, estime-t-il, en plus d’être souvent négligents sur la propreté des sacs utilisés lors du transport depuis l’abattoir, certains bouchers laissent déborder des parties de leurs carcasses qui sont exposées à des agents pathogènes.

Outre cela, le responsable du service PS-DSM dit réprouver les conditions d’hygiène des lieux de vente. «Quand vous arrivez dans la plupart de ces lieux, la viande est exposée sans être couverte et à la merci des mouches et de la poussière. Souvent le matériel utilisé n’est pas régulièrement désinfecté comme il se doit», déplore-t-il. A écouter M. Ouoba également, sur les lieux de vente, les bouchers doivent se vêtir d’une tenue appropriée et il leur est formellement déconseillé de manipuler, à la fois, la viande, l’argent et autre chose. Mais cette pratique, insiste-t-il, est fort malheureusement monnaie courante chez nombre de bouchers de «la cité de l’épervier». «Il y a aussi que chaque vendeur devrait avoir son carnet de santé régulièrement à jour qui atteste qu’il peut manipuler la viande sans le risque de la contaminer», renchérit l’agent du service PS-DSM, Issouf Traoré qui, par ailleurs, déplore qu’à Manga, très peu, voire quasiment aucun boucher ne soit en phase avec cette mesure d’hygiène.

La responsabilité de la mairie mise en cause

Si M. Traoré estime que cette situation «regrettable» dénote surtout de la méconnaissance des bouchers de l’ensemble des règles d’hygiène, son collègue de service, Francis Ouoba, pointe du doigt l’inexistence des actions de sensibilisation, de contrôle et d’inspection d’hygiène dans ce sens. Il impute surtout la faute à la mairie qui, dit-il, a la charge d’organiser et de conduire régulièrement les opérations du service d’hygiène sur le terrain. «Des éléments de notre service et des acteurs de l’élevage, de la sécurité et de la mairie doivent constituer cette équipe de service d’hygiène dont le rôle est de repérer les maladies contagieuses qui n’ont pas été détectées en élevage avant la mise à mort ; ensuite, assurer la sécurité du consommateur en contrôlant la qualité de la viande qui est mise sur le marché ; enfin, s’assurer du respect des bonnes pratiques», explique-t-il. Indexée, la mairie de Manga dit reconnaître l’inefficacité du service d’inspection qu’elle est censée mettre en œuvre et dynamiser.

Mais le secrétaire général de l’hôtel de ville, Alidou Boundané, brandit le manque de ressources financières et de personnel comme source du problème. Il accuse aussi certains bouchers d’entretenir des comportements inciviques. «Quelquefois, quand nos éléments sortent sur le terrain pour le contrôle, ils sont sujets à des menaces ou des intimidations de la part de certains bouchers. C’est une réalité qui fait que le travail n’est pas efficace», souligne-t-il.

Vers des solutions fortes et durables

Qu’à cela ne tienne, M. Boundané insiste sur le fait que la question de l’hygiène et la santé de la population figure au premier plan des priorités du conseil municipal de Manga. Il affirme, d’ailleurs, que les problèmes liés à la filière viande vont connaître, en principe d’ici à 2021, un heureux dénouement grâce aux travaux connexes prévus dans le cadre du projet de bitumage de la route Manga-Zabré. «Il est prévu, en effet, la construction d’un nouvel abattoir et son équipement avec du matériel adéquat. Nous voulons profiter de cela pour mettre sur pied et de façon durable toutes les composantes qui doivent permettre de fournir aux populations de la viande de qualité. Cela implique aussi l’effectivité du service d’hygiène et d’assainissement», relate M. Boundané.

Au marché central de Manga, actuellement en cours de réfection dans le cadre des travaux d’infrastructures entrepris à l’occasion de la célébration de la 58e fête nationale de l’indépendance du Burkina Faso, le SG de la mairie affirme qu’il est prévu également à ce lieu, l’aménagement d’un rayon de boucherie répondant aux normes en matière d’hygiène. Cela, pour permettre, soutient-il, aux usagers de produire, de vendre et d’acheter sain. Dans la même veine, poursuit-il, la mairie entrevoit des actions pour limiter les ventes anarchiques à l’intérieur de la ville en motivant les bouchers à occuper les aires à eux réservées dans ledit marché. «De cette manière, nous pourrons facilement mener des actions de sensibilisation et de contrôle et rendre plus efficace le travail du service d’hygiène», explique-t-il.

Primauté à la santé de la population

L’annonce de la construction d’un nouvel abattoir à Manga réjouit le premier responsable de la DPRAH-Zoundwéogo, Pierre Claver Yonli. Pour lui, c’est une initiative qui tombe à point nommé. «Il faut dire que jusque-là, à Manga, nous avons juste une aire d’abattage améliorée et non un abattoir. L’infrastructure actuelle n’a pas toutes les commodités qu’il faut pour pouvoir produire de la viande de qualité. Et nous espérons que tout cela sera réglé avec le nouvel abattoir», explique-t-il. Pour que les exigences en matière d’hygiène soient aussi respectées sur l’ensemble de la chaîne de production de la viande, M. Yonli invite, du reste, la mairie à prendre à bras-le-corps la question et à travailler en tandem avec tous les acteurs-clés de la filière.

«A Manga comme ailleurs dans la province du Zoundwéogo, les mairies doivent comprendre que les problèmes liés à l’abattoir et à l’hygiène de la viande touchent à la santé de la population. Or, aucun développement n’est possible avec une population constamment malade. C’est pourquoi avant de penser au côté lucratif, elles doivent accorder de l’importance à ce volet», conseille-t-il. Au demeurant, le directeur provincial de la DPRAH-Zoundwéogo dit exhorter aussi les bouchers à s’organiser et à développer des initiatives qui puissent leur permettre d’améliorer conséquemment la qualité de leur service. Une chose qui leur permettra de conserver la clientèle et de fructifier davantage leurs affaires, conclut-il.

Mamady ZANGO
mzango18@gmail.com