Valorisation du lait local: l’avenir de la filière face à l’hydre terroriste

Les acteurs de la filière lait au Burkina ont organisé une foire promotionnelle du 24 au 26 octobre 2019 à Ouagadougou en vue de faire découvrir leurs produits aux populations de la capitale et environnants. C’est dans un contexte sécuritaire pas du tout reluisant que l’Union nationale des mini-laiteries et Producteurs de lait local du Burkina (UMPL/B), prospecte de nouvelles opportunités pour écouler ses produits. Il ressort en outre que l’insécurité grandissante a poussé plusieurs éleveurs à l’exode.

Une bonne partie du lait consommé au Burkina Faso est importée. Pour inverser la tendance, les acteurs de la filière lait ont organisé des journées promotionnelles du 24 au 26 octobre 2019 à Ouagadougou. Cinquième du genre, cette édition avait pour thème, « Un pastoralisme résilient pour du lait local : une réponse à l’insécurité et un facteur de développement durable». Les acteurs ont exploré les voies et moyens à mettre en œuvre pour sauver la filière, confrontée de plus en plus à la menace terroriste. A les entendre, plusieurs éleveurs ont déjà quitté le Burkina pour s’établir dans les pays côtiers comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Bénin. Ils s’inquiètent qu’à ce terme, ces pays ne soient, un jour, exportateurs de bétail vers le Burkina, considéré comme un pays qui les ravitaille actuellement en produits d’élevage.
Pour Fatimata Diallo, responsable de la mini laiterie Suudu kosam de Dori, ces journées promotionnelles sont des occasions de faire de bonnes affaires. Elles se présentent, selon elles, comme un tremplin visant à montrer le savoir-faire des transformateurs et transformatrices burkinabè du lait local. « On ne savait pas la valeur de notre lait. Mais de nos jours, nous avons compris que le lait local est appétissant, riche et source de revenus pour nous », affirme Fatimata Diallo. Source de revenus pour la plupart des acteurs, le lait local se doit d’être valorisé. « Il nous aide à payer les frais de scolarité de nos enfants, à entretenir nos foyers et à subvenir à nos besoins », souligne Mme Diallo. Elle pense également que le lait local contribue, en retour, à renflouer les caisses de l’Etat. C’est pourquoi, dit-elle, l’Union nationale des mini-laiteries et producteurs de lait local du Burkina (UMPL/B) entend promouvoir le lait local et ses dérivés afin d’inciter les populations à s’en procurer. « Notre ambition est de faire en sorte que notre lait s’impose sur le marché national et dame le pion au lait importé », assure-t-elle. Boureima Yéro Dicko, facilitateur de la plateforme d’innovation lait de Dori, une structure mise en place par Apex cripas Dori, espère créer une chaîne de valeur à travers la transformation du lait local. « Nos objectifs c’est de réunir les acteurs autour d’une seule chaîne, la chaîne de valeur lait, pour faire la promotion du lait local et faire plusieurs écoulements », soutient-il. De son avis, le lait est l’une des matières premières que dispose à profusion la région du Sahel. Pour ce faire, il compte sur une synergie d’actions de l’ensemble des acteurs pour le valoriser et inciter du même coup sa consommation au niveau national. « C’est pourquoi les plateformes d’innovation lait sont mises en place pour pouvoir prendre le relai et faire la promotion du levier lait local dans nos différentes zones », explique-t-il. L’Agence pour la promotion des exportations (APEX) appuie en outre les transformatrices dans le domaine de la formation. Grâce aux connaissances reçues, elles ne cessent d’innover. De nos jours, on fabrique le yaourt, le gapal, le dèguè, le bassi au lait, le savon fait à base de la graisse, le beurre utilisé comme pommade ou destiné à la consommation ou encore pour le traitement des cheveux. Au regard de la diversité des produits exposés, Boureima Yéro Dicko reste convaincu que le niveau actuel de transformation du lait local au Burkina Faso donne satisfaction. Toutefois, les acteurs plaident pour une consommation plus accrue des produits laitiers fabriqués au Burkina. C’est du moins le cri du cœur de Mme Diallo : « Je demande aux autorités de commander le lait pour approvisionner les cantines scolaires ». Dans la région du Sahel, souligne-t-elle, certaines écoles ont eu leur part, mais d’autres sont toujours dans l’attente. Au niveau des centres de santé également, note-t-elle, le lait local pourrait être bénéfique aux enfants malnutris. Les acteurs de la filière lait local appellent de tous leurs vœux l’Etat à privilégier ainsi les commandes nationales dans les camps militaires et les prisons. Dans le même ordre d’idée, ils exhortent les responsables des sociétés minières à en faire de même au lieu de passer les commandes à Ouagadougou. « Dans les mines d’or, ils s’approvisionnent à partir de Ouagadougou alors que nous avons du lait sur place pour eux », fait remarquer Fatimata Diallo. Ces journées promotionnelles ont connu la présence des membres de Agriculteur français de développement international (AFDI) qui entretient d’étroites relations avec l’UMPL/B.
Une coopération essentiellement axée sur la formation et surtout des assistances financières sous forme de prêts remboursables à des taux préférentiels. A en croire Fatimata Diallo, l’objectif final est de produire du lait en poudre et du lait concentré comme le font les grandes firmes internationales. Seulement, le phénomène de l’insécurité ne permet pas pour l’instant de réaliser ces rêves. « Tous les éleveurs risquent de se retrouver dans les pays voisins si la situation ne se calme pas », avertit Boureima Yéro Dicko. Raison pour laquelle, les acteurs de la filière lait encouragent le gouvernement à tout mettre en œuvre afin que la paix et la sérénité reviennent.

Ouamtinga Michel ILBOUDO
Omichel20@gmail.com