Accidents vasculaires cérébraux: Une pathologie qui fait des ravages au Burkina Faso

Les Accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont des maladies qui font de plus en plus des victimes ces dernières années. Maladie neurologique, ils sont la première cause d’hospitalisation dans les services de neurologie au Burkina Faso. Selon les spécialistes, les causes de cette maladie sont, entre autres, l’hypertension artérielle, le diabète, la sédentarité et l’hypercholestérolémie.

Hamado, nom d’emprunt, était agent dans une mine d’or au Burkina Faso. A 47 ans, il était machiniste et exécutait bien ses tâches jusqu’au jour où il a piqué une crise. Transporté au centre de santé le plus proche, la santé de Hamado ne cessait de se dégrader. Il était sur le point de perdre connaissance. Il est alors référé d’urgence dans un Centre médical avec antenne chirurgical (CMA) avant d’être admis par la suite dans un Centre hospitalier régional (CHR). Hamado est arrivé au CHR dans un état de démence avec une perte de la motricité de la partie gauche de son corps. Malgré la prise en charge médicale, le patient n’a toujours pas recouvré l’usage total de ses membres. Il se déplace donc à l’aide de béquilles. Rencontré, le 7 mars 2022, au quartier Marcoussis de Ouagadougou, à l’arrondissement 9, Hamado nous confie n’avoir pas eu de signes d’alerte jusqu’à la survenue de sa crise en 2018. Aujourd’hui, à 51 ans, Hamado qui a perdu son travail quelques mois après la survenue de sa maladie est de nos jours entretenu par sa femme, commerçante d’objets divers. Il passe désormais ses journées à la maison, assis la plupart du temps sous l’ombre d’un tamarinier géant à quelques mètres de la cour commune où logent Hamado et sa famille. Tout comme cet ex travailleur de la mine d’or, ils sont nombreux les Burkinabè qui ont été frappés par ce mal. Un nombre qui croît d’année en année et prend des proportions inquiétantes, selon les spécialistes de la santé. Pour le chef de service de Neurologie du Centre hospitalier universitaire de Bogodogo (CHU-Bogodogo), Christian Napon, ce mal n’est rien d’autre qu’un Accident vasculaire cérébral (AVC). De ses explications, un AVC est un déficit neurologique qui   survient brutalement à la suite soit, d’une occlusion de l’artère nourricière ou AVC ischémique, soit d’une interruption de l’artère ou AVC hémorragique. Pour lui, c’est une maladie extrêmement grave et constitue de nos jours un véritable problème de santé publique dans le monde en général et au Burkina Faso en particulier. Quand bien même qu’il n’existe pas de statistiques établies sur la prévalence de la maladie au Burkina, Pr Napon tire la sonnette d’alarme sur la situation évolutive de la maladie dans le pays. « On n’a pas d’études spécifiques en population sur la pathologie. Néanmoins, 60 à 80% des hospitalisations dans les services de neurologie sont des cas d’AVC », précise-t-il. De son constat, les AVC constituent le premier motif de consultation et d’hospitalisation dans les services de Neurologie au Burkina Faso. Aussi, fait-il remarquer, la tranche d’âge qui subit le plus la maladie sont les sujets de 45 à 55 ans. Pr Christian Napon révèle en outre que selon les statistiques, les hommes font plus la maladie que les femmes. « L’homme, à partir de 45 ans, est sujet à faire la maladie tandis que chez la femme, c’est à partir de 50 ans. 50 correspondant ainsi à l’âge de la ménopause », indique le spécialiste. A la question de savoir pourquoi les femmes sont moins exposées que les hommes, il affirme que  les femmes en âge de procréer sont protégées par les œstrogènes qui sont des hormones protectrices des vaisseaux sanguins. « Mais lorsqu’elles atteignent la ménopause, le risque devient presque pareil chez les deux sexes », prévient-il. Christian Napon révèle que du point de vue des facteurs génétiques, le sujet noir est plus à risque que celui blanc.

De la manifestation des AVC

A cela, il n’exclut pas le fait que des jeunes sont de plus en plus confrontés aux AVC notamment ceux ayant séjourné ou séjournant sur les sites d’orpaillage. Cette situation s’explique par le fait que ces jeunes s’adonnent à la surconsommation d’amphétamines, des boissons énergisantes et autres stupéfiants. Aussi, poursuit-il, il peut y arriver que les enfants souffrant de drépanocytose ou de la leucémie en soient victimes du mal. D’après lui, ces maladies rendent le sang visqueux comme la boue. Ce qui ne facilite pas sa bonne progression vers le cerveau. Ce mauvais débit de la circulation sanguine peut entrainer donc la survenue d’un accident vasculaire cérébral chez les enfants drépanocytaires et ceux atteints du cancer de sang.

Mais, retient-il, que ce soit chez l’enfant, le jeune et l’adulte (femme ou homme), la manifestation de la maladie demeure la même. Ainsi, note Pr Napon, elle se manifeste par une paralysie soit de la partie gauche, soit la partie droite du corps, de la tête jusqu’au pied. L’origine de la paralysie est causée par un blocage au niveau du cerveau par un caillot de sang ou une rupture d’un vaisseau du cerveau, provoquant une hémorragie cérébrale. A en croire Pr Napon, les vaisseaux qui conduisent le sang doivent être étanches. A l’écouter, il ne doit pas y avoir des obstacles liés à la circulation sanguine. Mais on peut aussi se retrouver face à un dépôt de cholestérol qui va rétrécir le calibre du vaisseau, empêchant le sang de bien circuler. Et lorsque le sang arrive à des endroits où il y a une turbulence, les éléments du sang ont tendance à s’agréger entrainant ainsi un agrégat de plaquette qui, par la suite, peut se détacher et former un caillot plaquettaire qui va boucher en aval un vaisseau de plus petit calibre. A cela, il ajoute l’aphasie qui est un des symptômes caractérisés par un trouble du langage. Ce trouble entraine souvent la perte totale ou partielle de l’usage de la langue. En plus de cela, soutient Pr Napon, il peut arriver que le malade ne comprenne plus ce que les gens disent. L’autre symptôme qui est plus ou moins rare auquel il n’a pas occulté, est la possibilité de la survenue d’une cécité.

Une maladie mortelle

Le Dr Sayouba Savadogo insiste sur les facteurs de risques.

Maladie aux conséquences dramatiques, l’AVC peut impacter tous les organes du corps humain : la vue, l’audition, le goût, le toucher. « Les AVC constituent la première cause de handicap acquis chez l’adulte et la deuxième cause de démence », déplore-t-il, arguant qu’ils peuvent, dans les cas extrêmes, conduire à la mort. Cardiologue à l’Office de santé des travailleurs (OST), Dr Sayouba Savadogo insiste sur les impacts socio-économiques liés à cette pathologie. Il cite les problèmes de reclassement professionnel et surtout les pertes d’emplois dues à l’incapacité de parler et le déficit moteur. Il affirme que la victime devient dépendante de son entourage avec des risques de récidive. Ces situations conduisent le plus souvent à une dépression. Partant de ces constats, le cardiologue préfère mettre l’accent sur la prévention à travers la sensibilisation et ou le diagnostic précoce. Une prise en charge rapide des victimes est vivement recommandée, selon lui. Il recommande que cette prise en charge se fasse dans un centre de santé adapté disposant de services de neurologie. Une fois le patient admis dans ces lieux, le neurologue établit un bilan afin de déterminer la cause de l’AVC. Ce bilan inclut des examens sanguins, la réalisation d’un scanner ou une IRM (Imagerie par résonance magnétique), des examens du cœur, des vaisseaux sanguins, du cou. Et si l’on est face à l’AVC ischémique, le neurologue lui prescrit un anticoagulant ou un antiagrégant plaquettaire (AAP). L’autre phase de la prise en charge consiste en la prescription de produits censés prévenir d’éventuels AVC. « Car lorsqu’on a déjà été victime d’un mal, le risque de récidive est très grand », apprend-on.  Concernant le traitement de la paralysie, le médecin préconise la rééducation par un kinésithérapeute. « Ce ne sont pas les médicaments qui permettent au malade de récupérer mais plutôt la rééducation », se convainc-t-il. Quant aux troubles de langage, il est recommandé l’intervention d’un orthophoniste, un spécialiste de la rééducation du langage pour que le patient puisse recouvrer son langage. Sur ce cas précis, il renseigne que certains peuvent récupérer à 100%, d’autres à 75 ou 50%. Par contre, il y a un groupe qui ne récupère plus jamais le langage. « Le taux de décès lié à la pathologie est élevé au Burkina Faso car le plateau technique n’est pas conséquent », déplore Pr Christian Napon. Et au Dr Sayouba Savadogo d’indiquer que le taux de morbi-mortalité élevé est justement imputable au déficit du plateau technique.  Pourtant, l’idéal selon le cardiologue, était que les hôpitaux puissent être bien fournis en matériels adéquats en vue d’assurer la prise en charge rapide, efficace et efficiente des accidents vasculaires cérébraux. « Au Burkina, on n’a pas d’unités neuro-vasculaires et l’acquisition des produits est difficile, sans oublier que nos patients ne viennent pas à temps. Pour ce faire, il y a un travail, aussi bien au plan individuel que collectif y compris les décideurs, pour qu’ils agissent afin d’assurer une prise en charge optimale des patients », exhorte Dr Savadogo. En attendant, il met l’accent sur les facteurs de risques.

Les facteurs de risques

« Il y a deux facteurs de risques modifiables sur lesquels on peut agir et ceux non modifiables », affirme Dr Savadogo. Concernant les facteurs de risque modifiables, il y a l’hypertension artérielle, le diabète, l’obésité, l’hyper-cholestérolémie, le tabagisme, la sédentarité, l’alcoolisme. Ces facteurs peuvent être corrigés contrairement aux facteurs en lien avec l’âge. Il renseigne également que les causes de la pathologie sont fonction, selon qu’on a à faire à des AVC ischémiques ou ceux hémorragiques. « Pour le premier groupe d’AVC, nous avons les athéroscléroses qui sont un dépôt de plaques de cholestérol sur la paroi des artères. Et ce dépôt se fait de manière progressive en augmentant de volume jusqu’à obstruer complètement la lumière de l’artère », souligne Dr Savadogo, ajoutant que cette forme est la plus fréquente. Les cardio-emboliques ou maladies cardiaques à l’origine de la formation de caillot de sang sont aussi l’une des causes, de son avis. Les cardiopathies et la fibrillation atriale ou trouble de rythme cardiaque, rencontrées souvent chez les sujets âgés sont aussi des causes. Le cardiologue Savadogo n’omet pas également le stress qui, de ses dires, conduit à l’hypertension artérielle. Selon ce spécialiste, le stress est le chef de file des causes des AVC. Le cardiologue incrimine également les contraceptifs hormonaux surtout en association avec le tabagisme qui, pour lui, constituent une source de la maladie chez les femmes. Sayouba Savadogo invite donc les populations à connaitre les facteurs de risques et à aller dans les hôpitaux pour le dépistage de l’hypertension. « On peut avoir des maux de tête et le confondre avec le paludisme ou des bourdonnements d’oreilles, alors que ce sont les manifestations de l’hypertension. Il faut qu’elles aillent vers les centres de santé pour se faire dépister et une fois que le diagnostic est établi, qu’elles puissent être mises sous traitement afin d’éviter les AVC », conseille Christian Napon. Le cardiologue renchérit en disant qu’une hypertension mal suivie ou non prise en charge à temps conduit à un AVC. Pr Napon défend en outre la consommation de tabac, de sucre, d’huile, des amphétamines. A cela, Dr Savadogo ajoute la sédentarité et la consommation d’alcool. Il invite les populations à mener une activité physique régulière, à adopter une alimentation saine et à lutter contre le stress. Ces conseils, de son avis, doivent être inculqués depuis le jeune âge. «On n’attend pas de devenir un sujet âgé avant d’adopter les mesures de prévention. C’est ce que nous appelons la prévention primaire », affirme-t-il. Il conclut que la consultation de routine et le bilan de santé, au moins une fois par an, sont souhaités dans le cadre de la lutte contre la maladie.

 

                                                                               Rabiatou SIMPORE

                                                                         rabysimpore@yahoo.fr