Orpaillage dans le Kourwéogo: Le métier de tous les dangers

Silmiougou, localité située à une vingtaine de kilomètres à l’Est de Boussé, province du Kourwéogo, région du Plateau central, enregistre à elle seule, près d’une trentaine de personnes tuées dans les activités d’orpaillage. Le constat qui se dégage est que l’or n’attire pas que le bonheur sur les populations. Il est souvent la source de leur malheur.

Au site d’orpaillage de Silmiougou ce vendredi 29 avril 2022, des galeries à ciel ouvert s’étendent à perte de vue. Le site donne l’apparence d’être en état d’abandon car l’affluence n’est pas au rendez-vous.

Mais les orpailleurs sont bel et bien présents. On les rencontre sous les hangars en paille ou dans les trous. Certains creusent, d’autres lavent le minerai qu’ils ont extrait des puits.

Tout dernièrement, une bonne nouvelle venue de Poura a amputé le site minier de Silmiougou d’une partie de ses occupants : la découverte d’un nouveau site d’or dans une forêt classée.

Pour autant, tous n’ont pas décampé. Ceux qui croient fermement à leur bonheur sur place se sont remis à la tâche. Les orpailleurs, constitués majoritairement de jeunes et d’enfants, sont pourtant conscients des dangers auxquels ils font face au quotidien. Des drames survenus sur ce site, beaucoup en ont été des témoins oculaires. A proximité des abris de fortune et des galeries, un espace aménagé tient lieu de cimetière.

Le nombre de tombes va crescendo au fil du temps, avec de nouvelles inhumations. C’est ici, indiquent nos deux guides, Moumini Sankara et Ousmane Zallé, qu’ont été enterrées les victimes de l’éboulement de l’année dernière.

Ce drame survenu pendant la saison pluvieuse n’a pas épargné les habitants du village. L’imam et le Conseil villageois de développement (CVD) pleure toujours la disparition tragique de leurs deux fils. L’orpaillage est une activité lucrative mais il contribue à abréger la vie de beaucoup de jeunes qui s’adonnent à ce métier.

Depuis son apparition en 2015, le malheur ne cesse de s’abattre sur Silmiougou et ses environs. Officiellement, ce site d’orpaillage n’a connu qu’un éboulement qui a coûté la vie à une dizaine de personnes. Mais la réalité est tout autre, soutiennent les orpailleurs qui précisent qu’il y en a eu d’autres de moindre importance.

Amado Sana a perdu une connaissance dans l’éboulement. Cet orpailleur venu de Kaya se présente comme un des spécialistes de la protection des trous. A l’aide des morceaux de poutres, il installe des dispositifs de sécurité à l’intérieur des galeries pour les empêcher de s’écrouler.

Il explique que le jour du drame, le fils de son grand frère qui se trouvait dans une galerie, a été piégé dans les décombres. « Il s’en est sorti avec deux bras fracturés », rappelle-t-il. Du témoignage de M. Sana, on retient qu’un autre enfant âgé d’une dizaine d’années, est mort par asphyxie dans un trou.

De ce drame, plusieurs corps sans vie ont été repêchés des décombres et ensevelis au cimetière dédié aux orpailleurs, non loin des maisons de fortune. « Les éboulements sont réguliers mais on parvient toujours à sauver certains orpailleurs coincés dans les puits », atteste Amado Sana.

De l’avis de Issaka Sankara, natif de Silmiougou, il n’y a pas de quoi s’alarmer. Pour lui, les éboulements survenus dans son village ont certes arraché des vies humaines mais pas de la même ampleur que ce qu’on a coutume de voir sous d’autres cieux.

A Silmiougou comme dans la plupart des sites miniers artisanaux du Burkina, les orpailleurs portent peu d’égards aux risques évidents de leur activité que leurs intérêts personnels. « Il ne faut pas voir l’or et oublier le danger qu’il y a dans les galeries », avertit Amado Sana.

Des enfants parmi les victimes

Le drame survenu à Silmiougou n’est qu’un cas parmi tant d’autres. A quelques encablures de là, plus précisément dans le village de Garga dans la commune rurale de Niou, un drame similaire s’est produit avec à la clé de nombreux morts.

Ce qui a même contraint les autorités provinciales à fermer définitivement le site pour des impératifs de sécurité. Au nombre des victimes, figurait Edouard (nom d’emprunt), un jeune homme qui croquait la vie à belles dents dans son Garga natal. Profitant de la ruée des foules vers son village, il décide d’exercer le petit commerce.

Pour ce faire, il opte pour la gestion d’une boutique. Mais l’idée de descendre dans les fosses est venue dans son esprit. Après moult réflexions, il s’engouffre dans un trou pour tenter sa chance, convaincu que quelques grammes d’or suffiraient à le rendre riche.

Malheureusement, il a été surpris par un éboulement. Pris au piège dans sa galerie, le jeune boutiquier passe de vie à trépas, laissant ses parents inconsolables. Mais Edouard n’était pas le seul de son village à affronter son destin dans cette mésaventure.

Un autre jeune homme a aussi été tué dans ce drame. C’est le rêve de plusieurs jeunes qui a ainsi été brisé.

En plus des éboulements meurtriers, il faut noter que ces sites sont confrontés à des violences de tous genres. A Silmiougou, par exemple, les conflits d’intérêt qui conduisent parfois à des affrontements entre orpailleurs ont aussi leur lot de victimes. Ces mauvais comportements donnent du fil à retordre aux membres du  groupe d’autodéfense koglwéogo qui assurent la sécurité des personnes et des biens sur les lieux.

Sayouba Sankara, l’un des membres de ce groupe, déclare que les affrontements à l’aide d’armes blanches sont récurrents. Toutefois, il précise que ce site d’orpaillage n’a pas encore enregistré un décès en lien direct avec ces violences. En ce qui concerne la prise en charge des blessés, il affirme que le koglwéogo confie les cas graves aux autorités compétentes de Boussé, c’est-à-dire la police ou la gendarmerie. Quant aux conflits débouchant sur des blessures légères, informe Sayouba Sankara, le Koglwéogo essaie de trouver des solutions en son sein à travers un règlement à l’amiable.

De l’incivisme des orpailleurs

En creusant des galeries de plusieurs mètres de profondeur, les orpailleurs sont déterminés à traquer l’or jusqu’aux confins du sous-sol. La galerie creusée par Amado Sana et ses camarades est déjà à 70 mètres de profondeur.

Malgré le danger qu’elle représente, ils ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. « Je suis rentré dans des trous plus profonds que celui-ci, c’est-à-dire des trous de près de 400 mètres de profondeur sans avoir peur», fait remarquer M. Sana, avec fierté. Au milieu des galeries, s’amoncellent des tas de minerai qui contiendraient, selon leurs propriétaires, de l’or. Le travail est cependant perturbé pendant l’hivernage.

Le haut-commissaire du Kourwéogo, Abdoul Karim Zongo, dénonce l’incivisme des orpailleurs

« En saison pluvieuse, nous suspendons nos activités », indique Ousmane Zallé, orpailleur venu de Séguénéga dans la région du Nord. En effet, la plupart des éboulements ont lieu en cette période où les sites sont systématiquement fermés sur l’ensemble du territoire national. Le hic, c’est que cette mesure de prévention ne semble pas produire les effets escomptés. Le haut-commissaire de la province du Kourwéogo, Abdoul Karim Zongo, pointe du doigt l’incivisme des orpailleurs qui ne respectent pas les décisions prises par l’autorité. « Tout le monde est au courant de la fermeture, mais les orpailleurs s’arrangent pour se retrouver nuitamment dans les trous», déplore-t-il.

Et de poursuivre : « C’est en ce moment qu’ils sont surpris par les éboulements ». Tout en regrettant ces actes inciviques, Abdoul Karim Zongo exhorte les orpailleurs à adopter des comportements responsables. « C’est comme si nous travaillons à sécuriser leurs vies et eux ils nous défient », marmonne-t-il.

Mieux encadrer l’activité

Le Kourwéogo ne dispose que deux sites d’orpaillage dont un à Silmiougou et l’autre à Garga. Les risques d’éboulement sont toujours permanents notamment en saison pluvieuse. Comme un aveu d’impuissance, l’autorité semble se résigner. « On ne doit pas les laisser prendre des risques, mais à l’impossible nul n’est tenu », admet M. Zongo. Pour sa part, Amado Sana pense que les éboulements ne tuent jamais les patrons des trous mais uniquement leurs employés.

A ses dires, c’est parce que ces galeries ne sont pas suffisamment protégées qu’elles finissent par s’effondrer. « Il faut que les ouvriers plaident auprès de leurs patrons pour l’installation des dispositifs de sécurité dans leurs galeries », insiste-t-il.

Le haut-commissaire de la province du Kourwéogo dit être surpris de voir les enfants de certains leaders d’opinion de Silmiougou parmi les victimes de l’éboulement.

« Nous nous appuyons sur l’Imam et le CVD pour faire passer les messages lors des sensibilisations. C’est donc avec étonnement que nous avons appris que leurs enfants sont retournés dans les puits », fait-il savoir.

Au regard des conséquences néfastes que représente l’orpaillage dans sa province, Abdoul Karim Zongo souhaite vivement que l’exploitation industrielle prenne le relais. C’est à ce prix, selon lui, qu’on pourrait mettre fin à cette hécatombe.

Ouamtinga Michel ILBOUDO

omichel20@gmail.com


Les déboires d’un propriétaire terrien

Des propriétaires terriens ont du mal à contenir leur colère sous prétexte qu’ils ne bénéficient d’aucune retombée de l’orpaillage. Moumini Sankara est l’un d’eux. Après avoir cédé plus de 50 ha de son champ aux orpailleurs, il n’a plus suffisamment d’espaces cultivables. L’homme qui dit vivre dans la précarité est tenté d’admettre que l’or n’a attiré que le malheur dans le village et non pas la bénédiction. « Jugez-en vous-mêmes, n’est-ce pas sur ce vieux vélo sans frein que je me déplace ? En quoi l’or trouvé dans mon champ a changé positivement ma vie ?», s’interroge-t-il, l’air furieux. En attendant, il s’évertue à vendre du cola pour subvenir à ses petits besoins.

O.M.I


Des drames à répétition

Depuis 2009, révèle le ministère en charge des mines, l’or est devenu le premier produit d’exportation du Burkina Faso, devançant ainsi le coton et classant le pays parmi les plus grands producteurs d’or d’Afrique, à côté de l’Afrique du Sud, du Ghana et du Mali.

La prolifération des sites d’exploitation artisanale expose cependant la vie des orpailleurs. En février 2022, une explosion d’une grande ampleur survenue sur le site minier de Gomgombiro dans les environs de Gaoua, chef-lieu de la région du Sud-Ouest, a fait une soixantaine de morts et plusieurs blessés.

De même, trois personnes ont été tuées, le 6 janvier 2022, dans un éboulement sur une mine artisanale, à Dossi, dans la commune rurale de Boni, province du Tuy à l’Ouest du pays. Trois autres personnes ont été tuées dans un éboulement à  Rollo dans le Centre-Nord du Burkina Faso contre cinq décès dans le village d’Amibiri dans la province du Noumbiel et 15 à Bagassi, dans la Boucle du Mouhoun.

Même si l’orpaillage ouvre des perspectives aux populations, il faut qu’il soit soit mieux encadrée par l’Etat afin de minimiser les risques.

O.M.I