Femmes engagées dans l’élevage: Un leader nommé Kouroutoumou Gariko  

Au Burkina Faso, l’élevage représente plus d’un tiers du Produit intérieur brut (PIB) agricole. Il contribue à la sécurité alimentaire et nutritionnelle et génère des devises. Bien qu’il soit le monopole des hommes, des femmes se battent pour y trouver leur compte. Elles élèvent et sont actives aussi bien dans la production que dans la transformation du lait. C’est le cas des membres de l’association Pootal Djama, sous le leadership de Kouroutoumou Gariko,  à Ouagadougou. Ainsi, pour son investissement  au profit de la femme burkinabè, nous faisons un clin d’œil à cette dame.

 

Kouroutoumou Gariko fait partie des personnalités désignées par le chef de l’Etat pour siéger à l’Assemblée législative de Transition (ALT). On peut dire que c’est le couronnement de plus d’une vingtaine d’années d’activisme pour la promotion de la femme burkinabè. Cette dame est la présidente de l’association Pootal Djama des productrices et transformatrices de lait qui compte aujourd’hui, une cinquantaine de membres, toutes propriétaires de vaches laitières. Elle est active dans ce domaine depuis 1998. Elle a créé sa marque, Fromagerie Gariko et collecte le lait auprès des membres de l’association. Après pasteurisation, le lait est soit conditionné en sachets, soit transformé en yaourt, fromage, beurre et Gapal (un produit traditionnel fait à base de yaourt et de farine de petit mil, très prisé).

Mme Gariko compte profiter de son passage à l’ALT pour interpeller les politiques au respect de certains engagements. Il s’agit, par exemple, de l’engagement de Maputo au Mozambique. En effet, en 2003, l’Union africaine y a engagé ses Etats membres à consacrer 10% de leur budget national à l’agriculture dans les cinq ans qui suivaient. 10% du budget de chaque Etat doit être investi dans l’agriculture. Dans cette somme, 30% doivent être affectés aux personnes vulnérables dont les femmes. Elle veut que ce budget de 10% soit réellement investi dans l’agriculture et non utilisé pour organiser des ateliers, des missions et pour l’achat du carburant ou des véhicules. « On doit soutenir les acteurs du terrain, notamment les femmes », insiste-t-elle.

Le respect de la charte de Kilimandjaro lui tient également  à cœur. « Les femmes sont montées  sur le mont Kilimandjaro au Kenya, en 2015, pour interpeller les politiques sur leur situation. D’où la signature d’un accord stipulant l’octroi de 30% des terres aménagées aux femmes », explique-t-elle. Mme Gariko pense que même si le Burkina Faso est à plus de 35% de périmètres aménagés octroyés aux femmes, beaucoup restent à faire.  Renforcement des capacités, facile accès aux équipements et aux intrants, possibilité d’avoir des crédits à un taux inférieur à 10%, sont autant d’avantages auxquels la femme n’a pas encore facilement droit. Elle estime que la solution  viendrait de la mise en œuvre de bonnes politiques et stratégies avec décret d’application.

Sur l’accès de la femme à la terre, Mme Gariko dénonce une certaine pratique : «Il faut que les propriétaires terriens prennent en compte leurs épouses et leurs filles dans le partage des terres. Ils doivent leur en donner au lieu de les vendre. Cela résoudra beaucoup de problèmes».

Par rapport à la crise sécuritaire qui sévit et qui a engendré plus d’un million et demi de déplacés internes dont la majorité est constituée de femmes et d’enfants, elle se dit profondément touchée.  Le plus grand souhait de cette femme battante est le retour de ces personnes sur leurs terres d’origine. Elle estime que l’on ne peut pas nourrir une famille avec des dons.

Les premiers pas de l’activiste

Quant au lancement de son activité, Mme Gariko confie que cela fait suite aux difficultés liées à la mévente du lait à cause d’une maladie bovine, une sorte de tuberculose. «On a fait un plaidoyer auprès du ministère qui a abouti à une formation dans la transformation des produits dérivés du lait, afin de minimiser les pertes», dit-elle. Et depuis lors, elle a fait sa route dans le secteur de la production et de la transformation du lait. «Le fait d’être l’épouse d’un Peulh y a contribué.  De  1986 à 1987, une vieille peulh a passé son temps à me conseiller d’abandonner mon activité de vente de jus et de gâteaux pour me consacrer à l’élevage comme elle », affirme-t-elle. Pour dire qu’avec l’élevage, on gagne toujours.  Suivant les conseils de celle-ci et avec les recettes de son commerce, Mme Gariko dit acheter une vache. Et aujourd’hui, elle compte une quarantaine de têtes regroupées dans une ferme, dans la zone pastorale de Yagma, à la sortie nord de Ouagadougou.

Des années plus tard, elle arrive à rassembler  des femmes autour de ses idéaux et crée l’association Pootal Djama au début des années 2000 dont la base est à Ouagadougou. L’adhésion au fur et à mesure à certaines structures, permet aux membres de renforcer leur capacité. Ainsi, en 2002, Pootal Djama devient  membre de la Fédération des éleveurs du Burkina Faso (FEB). La même année, il adhère à la confédération paysanne du Faso où la présidente est membre du collège des femmes. Une position  qui permet à Mme Gariko de défendre les problématiques de la femme burkinabè dont l’accès à la terre.  Un autre partenaire et pas des moindres, OXFAM. Cette ONG a beaucoup apporté dans l’évolution du groupe.  En 2009, cette structure aide à asseoir une faîtière de mini laiteries : l’Union nationale des mini-laiteries et des producteurs de lait local au Burkina (UMPL-B) à laquelle Pootal Djama adhère. Appui financier et formations sont ses domaines d’intervention. L’appui de SOS Faim 2009 et du Projet d’appui au développement du secteur de l’élevage au Burkina Faso (PADELB) en 2011 fut d’un grand apport dans la vie de l’association. Avec le PADELB, un projet de plus de 248 millions F CFA dont 136 millions de subvention et un crédit étalé sur cinq ans avec un taux de 8%, est mis sur pied. Il est toujours encours et 14 femmes en sont bénéficiaires. Ce qui leur a permis l’achat d’animaux, de tricycles et la construction d’étables. «Chacune d’entre elles a eu au moins 3 ou 4 millions F CFA de subvention», révèle la présidente. Sans oublier que, grâce au  Projet d’amélioration de la productivité agricole et de la sécurité alimentaire (PASPA), le groupe bénéficie depuis 2017 d’un centre de collecte de lait, érigé à Yagma.

Une autre source de financement vient de Coris Bank qui octroie un prêt d’environ 75 millions F CFA avec le soutien solidaire de garantie.

Derrière cette femme battante, se trouve un époux engagé, Yaya Gariko, militaire à la retraite. Celui-ci explique qu’au départ, il ne voulait pas s’en mêler. «C’est à cause de la garde des animaux que je me suis inscrit moi-même à l’école. Mais je crois au destin. Quand vous le fuyez, il vous suit » déclare-t-il. Ainsi sur la persistance et l’insistance, il s’est engagé aux côtés de son épouse. « De façon intelligente, je me suis investi à la hauteur de ce qui était mon devoir. Sous mon couvert et mon accord, elle participe aux rencontres nationales comme internationales. La vie à deux est un soutien mutuel», indique M. Gariko. « C’est une femme engagée et quand une femme s’engage à faire quelque chose, c’est avec toute la famille», poursuit-il.

Les membres de l’association ne tarissent pas d’éloges  en faveur de leur bienfaitrice. Car, annoncent-elles, avec son aide, elles arrivent à subvenir aux besoins de leurs familles.

Fatimata Cissé pense que le groupement est une source d’opportunités pour elle. Elle fait de l’élevage il y a plus de 20 ans et est membre de l’association.  « De mes vaches, je peux avoir 5 à 10 litres de lait par jour que je vends à 400 F CFA le litre. Les recettes me permettent de subvenir aux besoins de ma famille, de payer les études des enfants et de trouver de quoi nourrir mon troupeau. L’activité est rentable », dit-elle. Quant à Belko Tako, elle annonce que l’adhésion à Pootal Djama lui est très bénéfique. Aujourd’hui, elle arrive à s’occuper de sa grande famille.  Veuve de 70 ans avec une quinzaine de personnes à sa charge, elle a des vaches, une maison et un tricycle. « J’ai deux vaches laitières qui m’apportent six litres de lait par jour que je vends à Mme Gariko. Chez moi, personne ne travaille.  Seuls les animaux travaillent», lance-t-elle.

A l’image de toutes les éleveuses, les membres  de Pootal Djama sont confrontés à des difficultés de ravitaillement d’aliment pour bétail, à cause de son coût élevé. En plus de cela, renchérit Mme Cissé, il y a le manque de  zone de pâturage en milieu urbain. Rouky Diallo  indique que si les troupeaux ne sont pas dans la ferme, ils sont souvent abandonnés en pâture aux alentours des maisons. Toute chose qui entraîne des désagréments.

Abibata Wara


Les engagements de Maputo

Au début des années 2000, dans un contexte d’insécurité alimentaire croissante, les Etats africains se sont engagés à accroître leurs efforts pour l’agriculture, conscients de l’importance de ce secteur dans le développement économique, la lutte contre la pauvreté et l’amélioration de la sécurité alimentaire. Pour donner corps à cet engagement, les chefs d’Etat des pays africains ont lancé en 2003 le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) qui constitue un cadre intégré pour le développement de l’agriculture. Ce programme vise à réduire la pauvreté et à améliorer la sécurité alimentaire, grâce à la poursuite d’un taux moyen de croissance agricole annuelle de 6%. Pour stimuler l’accélération nécessaire à cette croissance, les chefs d’Etat ont, dans une déclaration dite de Maputo, pris l’engagement de consacrer au moins 10% de leurs dépenses publiques pour le développement agricole et rural, sur une période de cinq ans. Un acte politique majeur qui devrait remettre l’agriculture africaine dans les priorités de développement et permettre l’amélioration de la sécurité alimentaire en Afrique. Malheureusement, dix ans après, tous les pays ne semblent pas avoir atteint l’objectif. En effet, entre 2004 et 2010, sur 54 pays, seulement 10 ont atteint l’objectif de 10%. Pire, le tiers des pays ont même connu un recul de leurs dépenses publiques dans l’agriculture sur la même période.

Source : Rapport Idrissa Wade et Aminata Niang

 

Habibata WARA