Conflit Russo-Ukrainien: L’Afrique, victime collatérale sur le plan alimentaire

Les institutions onusiennes s’accordent sur le fait que la guerre en Ukraine risque d’affecter l’Afrique sur le plan alimentaire,  du fait de la dépendance de nombreux pays du continent  aux importations de blé provenant  des deux pays belligérants.

La guerre en Ukraine ne présente pas de bonnes perspectives pour le commerce international. En effet, les prix de l’énergie et des matières premières agricoles ont flambé depuis le début du conflit. Pour une denrée comme le blé par exemple,  les effets pourraient être encore plus dramatiques, selon un rapport du  Fonds monétaire international. Et cela, en raison du fait que  l’Ukraine, considéré comme le « grenier de l’Europe » et la Russie font partie des plus grands exportateurs de blé au monde. Ces pays détiennent, à eux deux, environ un tiers du commerce mondial.

Le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a déjà tiré sur  la sonnette d’alarme  en indiquant que cette guerre « pourrait déclencher un ouragan de famine » pour de nombreux pays dans le monde et principalement en Afrique.  Quelque peu alarmiste,  le patron de l’ONU évoque même « un effondrement du système alimentaire mondial dont l’Afrique serait la première victime ».

De nombreux pays d’Afrique sont  dépendants des importations du blé ukrainien et russe.  Et déjà confrontés à  de profondes crises économiques et sociales,  ces pays subissent les effets collatéraux de la guerre, provoquée par la Russie. Nombre d’entre eux importent au moins un tiers de leur blé en provenance de ces deux pays et compte tenu du cours du blé, actuellement à environ 700 euros la tonne, la céréale devient inabordable pour les pays les plus pauvres.

Selon le Secrétaire général  de l’ONU, pas moins de 45 pays africains et les moins avancés importent au moins un tiers de leur blé d’Ukraine ou de Russie et 18 de ces pays en importent au moins 50%.  Les pays africains comme  le Burkina Faso, l’Egypte, la République démocratique du Congo, la Libye, la Somalie, le Soudan sont concernés.

L’Egypte importe près de 90 % de son blé de Russie et d’Ukraine, la Libye en  importe 43 % de sa consommation totale d’Ukraine et le Kenya,  l’équivalent de 75 % de son blé d’Ukraine et de Russie, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

La Russie est aujourd’hui le 1er exportateur de blé au monde et, avec 18 millions de tonnes métriques de blé exportées en 2020, l’Ukraine était le 5e exportateur. Or, sitôt entamé, le conflit russo-ukrainien a provoqué la hausse vertigineuse du prix du blé. Sur Euronext, le prix de la tonne de blé meunier s’est envolé pour atteindre 344 euros le 24 février (+12% en moins de 24 heures).

Les farines locales, une alternative

Pour faire face à une probable pénurie de blé en Afrique et à une hausse du prix du pain déjà constatée dans certains pays, le chargé de recherches au Cameroun ,Téguia Bogni, préconise que les Etats africains misent sur les farines locales, de manière à ne pas être dépendants du blé russe ou ukrainien. Pour lui, la plupart des Etats d’Afrique subsaharienne peuvent, en effet, tirer leur épingle du jeu grâce à la production de farines locales, qui présentent en outre l’avantage d’être à la fois panifiables et sans gluten.En effet, quatre familles de plantes sont pourvoyeuses de ces farines locales. Il y a, tout d’abord, des farines à base de céréales telles que le sorgho, le mil, le fonio, le teff et le maïs. Ensuite, celles à base de tubercules, comme le manioc, la patate, le macabo, le taro et l’igname. Puis, les légumineuses, principalement la cornille et le niébé. Enfin, celles fabriquées à base de fruits, comme le plantain et dans une certaine mesure, la banane.

 

 

Sur le plan énergétique, les effets se sont fait durement sentir au Nigéria. Malgré le fait qu’il soit le premier producteur de pétrole sur le continent, la flambée des prix de cet or noir n’est pas passée inaperçue. De  longues files d’attente aux stations-service ont été observées, au moment où le litre du gazole est passé de 225 nairas (0,60 dollars) à environ 800 nairas récemment (1,93 dollars).

Malgré ses réserves colossales, le géant pétrolier, miné par la vulnérabilité de ses infrastructures de raffinement quasi inexistantes, importe 90% de son carburant aux prix du marché mondial et subit brutalement les conséquences de la guerre en Ukraine.

Dans les pays du Sahel, les impacts négatifs du conflit russo-ukrainien ne sont pas à exclure. Au Burkina Faso, par exemple, déjà confronté à une crise sécuritaire et humanitaire depuis six ans,  les ONG intervenant dans l’humanitaire dans ce pays,  à l’image de OXFAM, sont inquiets.  Car, la crise en Ukraine risque de pousser les donateurs à privilégier cette crise au détriment d’autres urgences comme la crise humanitaire que vit le pays. En effet, du fait des attaques terroristes récurrentes, le Burkina enregistre plus d’un million et demi de déplacés internes.

Face à la situation, le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine (UA), a demandé aux partenaires internationaux dont le FMI et la Banque mondiale d’aider l’Afrique à faire face aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine.

Macky Sall a demandé au FMI de  réallouer les droits de tirage spéciaux (DTS) des pays riches. Les droits de tirage spéciaux (DTS, en anglais, Special Drawing Rights), également au singulier,  sont une sorte de monnaie créée par le FMI en 1969,  pour compléter les réserves officielles existantes des pays membres.
Ils peuvent être accordés par le FMI directement aux pays membres. Ces derniers peuvent les utiliser soit pour rembourser leurs obligations auprès du FMI, soit pour ajuster leurs réserves monétaires.

 

Gabriel SAMA