Guinguette de Dinderesso : Le joyau des Bobolais se meurt

Le pont qui constituait la tour de contrôle à son apogée. © : Issa Compaoré pour Sidwaya.info/carrefour. Éditions Sidwaya

Site naturel par excellence pour la baignade, la guinguette, située à Dinderesso à une dizaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso, attirait des milliers de visiteurs par an. Aujourd’hui, ce joyau touristique qui semble délaissé est en train de sombrer.

La guinguette de Dinderesso est un site dont les acteurs ont du mal à retracer les origines. Tout simplement parce que c’est un site naturel, un don de Dieu à la ville de Bobo-Dioulasso.

Des générations d’enfants et même d’adultes ont commencé à se baigner à la guinguette sans savoir qu’elle allait être, un jour, un lieu touristique par excellence pour les Burkinabè et les étrangers.

Chemin faisant, l’Etat burkinabè à travers le ministère en charge de l’environnement s’est vu obligé d’intervenir pour son aménagement en 2002 avec le soutien de partenaires étrangers dont le Luxembourg.

L’espace qui servait de plage pour se bronzer est de nos jours occupé par des champs agricoles. © : Issa Compaoré pour Sidwaya.info/carrefour. Editions Sidwaya

Cet aménagement, selon le Directeur régional (DR) en charge de l’environnement des Hauts-Bassins, Dourossin Mathurin Sanon, a consisté, entre autres, à la construction d’une plage artificielle et à la sécurisation du site.

Malheureusement, la guinguette ne survivra pas longtemps après son aménagement. En effet, depuis une dizaine d’années, le site n’a fait que se dégrader jour après jour, pour enfin tomber dans le désastre total.

La zone dont il est question est située derrière l’école nationale des eaux et forêts de Dinderesso. De l’historique de la dégradation du site, il ressort, selon les explications du DR, qu’il y a deux problèmes. Il y a, dans un premier temps, un problème d’empiètement sur la forêt classée.

L’école est implantée dans une portion de la forêt. Les producteurs aussi ont occupé la portion restante, d’où ce problème d’empiètement sur la forêt de Dinderesso. Dans un deuxièmement temps, il y a l’envahissement des berges de la rivière Kou qui a occasionné la dégradation de la guinguette.

Au départ, il y a eu des initiatives musclées de déguerpissement et pas des moindres sous l’autorité du gouverneur Pascal Benon qui était engagé pour la restauration de la guinguette. En plus de cette initiative, il y a eu d’autres actions qui tendaient à déguerpir les gens de la zone mais sans succès.

Robert Sanon, natif de Dinderesso, soutient que c’est l’aménagement du site qui est à l’origine de l’ensablement de la guinguette. © : Issa Compaoré pour Sidwaya.info/carrefour. Editions Sidwaya

Aujourd’hui, il est difficile de situer le lit même du cours d’eau tellement il est bouché. Par l’action de l’homme, l’eau a été déviée de son cours habituel. Elle ne passe pas non plus sous le pont du fait de l’ensablement de la guinguette.

Les causes de l’ensablement

Sur ce point précis, les différents techniciens estiment que c’est l’occupation des berges du cours d’eau par les populations riveraines qui est à la base de cet ensablement. Pour eux, l’exploitation des berges à des fins agricoles est à l’origine de l’état actuel de la guinguette.

« Faux », rétorque Robert Sanon, natif de la localité. Selon lui, c’est l’aménagement du site qui est à l’origine de l’ensablement de la guinguette. Il justifie son affirmation en soutenant qu’à l’aménagement de la guinguette, ce sont des tonnes de sable que l’administration a déversées sur le site pour créer la plage artificielle.

C’est ce sable que l’eau a drainé sous le pont, provoquant son obstruction. Selon certaines indiscrétions, il ressort même que lors de l’aménagement du site, les autochtones n’ont pas été associés et que des lieux sacrés ont été bafoués dans la forêt; d’où la situation de désastre que connait la guinguette aujourd’hui.

A la direction régionale de l’environnement, le problème est pris au sérieux et les rencontres sur le cas de la guinguette se multiplient. La dernière rencontre sur le sujet date de deux mois.

Et pour joindre l’acte à la parole, le DR Dourossin Mathurin Sanon et toute son équipe se sont déportés sur les lieux pour toucher du doigt les réalités. Une sortie à l’issue de laquelle un rapport a été produit.

Le site est envahi par du sable et la végétation. © : Issa Compaoré pour Sidwaya.info/carrefour. Editions Sidwaya

A cet effet, des concertations sont entreprises avec un certain nombre d’acteurs. Les techniciens de l’environnement ont donc déjà échangé avec le président du comité local de l’eau du Kou (CLE-Kou). A ce niveau, des initiatives sont également prises pour la restauration de la guinguette malgré la complexité du problème.

Tout comme le CLE-Kou, l’association des élèves et étudiants du bassin du Kou a été saisie. Aux dires du DR, ces jeunes ont promis de les aider à sensibiliser les populations installées dans la zone concernée. Ces populations accusent l’université Nazi Boni d’avoir occupé leurs terres alors qu’elles n’ont pas d’autres endroits où aller.

La plaine rizicole de Bama en victime collatérale

Qu’à cela ne tienne, les médiateurs entendent organiser des concertations avec l’ensemble des acteurs en vue de juguler le problème. En attendant, les alentours de la guinguette sont envahis par des champs de maïs et de manioc, des plantations de banane…

Ces exploitants soutiennent être dans leur droit parce que leurs terres ont été prises pour l’implantation de l’université Nazi Boni. L’ensablement de la rivière Kou a des répercussions sur la plaine rizicole de Bama.

Pour le colonel des eaux et forêts, Robert Somé, le site ne peut plus retrouver son lustre d’antan. © : Issa Compaoré pour Sidwaya.info/carrefour. Editions Sidwaya

Cela se traduit par l’insuffisance d’eau pour irriguer le périmètre aménagé. Et pour le DR Sanon, cela veut dire qu’il y a vraiment un ensemble d’acteurs qu’il faut impliquer pour tenter de sauver la situation.

Robert Somé, formateur à l’Ecole nationale des eaux et forêts (ENEF), reconnait que la situation de la guinguette est sérieuse et doit interpeler plus d’un, à commencer par les populations riveraines, les décideurs et les techniciens.

« Nous constatons la dégradation totale de la guinguette. La baignade qui attirait les gens n’existe plus. Il y a eu une tentative de délocalisation sur un autre site naturel pour être mieux entretenu et mieux aménagé mais ça n’a pas marché. Le constat est très amer et implacable », soutient le colonel des eaux et forêts.

La cause de cette déconvenue est le tarissement du cours d’eau qui permettait aux gens de se baigner. Le pont sous lequel coulait l’eau est complètement bouché de toutes sortes d’ordures, obligeant l’eau à changer totalement d’itinéraire. P

our M. Somé, l’espace de la guinguette est un outil pédagogique naturel pour la formation à l’ENEF. « C’est un lieu où nous avons, et l’eau et la forêt pour la formation de nos stagiaires », précise-t-il.

Cette photo date de la belle époque de la guinguette. © : Issa Compaoré pour Sidwaya.info/carrefour. Editions Sidwaya

Techniquement, il reconnait que la gestion du site de la guinguette n’est pas de son ressort mais pour les besoins de la formation, l’école apporte son appui dans la gestion de la forêt. Cet engagement, selon Robert Somé, tient au fait que s’il y a un perdant dans ce désastre, ce sera bien l’école.

C’est pourquoi elle travaille et mène des réflexions autour de la sauvegarde de la guinguette. « Beaucoup de stagiaires ont mené des travaux de recherches sur la forêt pour voir quelle peut être la contribution de tous pour une éventuelle restauration du site », confie M. Somé.

Au demeurant, l’arbre ne peut cacher la forêt car, selon le colonel des eaux et forêts, le site ne peut plus retrouver son lustre d’antan. « Je suis vraiment pessimiste. On peut à la limite freiner la dégradation, sinon je doute fort qu’on trouve les moyens pour restaurer la guinguette», désespère-t-il.

Pour sa part, Robert Sanon, natif de Dinderesso, indique que le peu qu’il connait de la guinguette lui permet de dire aujourd’hui que c’est une catastrophe sans précédent que vit ce patrimoine naturel. Un lieu touristique naturel que l’homme a détruit, selon lui.

C’est avec consternation qu’il dit constater l’ensablement du cours d’eau de nos jours. « En son temps, le commerce marchait très bien avec la baignade, mais aujourd’hui nous nous contentons des élèves de l’ENEF et de quelques passants », déplore-t-il.

François KABORE