Avec l’évolution des nouvelles technologies de l’information et de la communication, plusieurs personnes créent des comptes ou des plateformes sur lesquels, elles proposent des produits à d’éventuels clients. Cette pratique appelée commerce électronique ou e-commerce est en train de se développer au Burkina.

Assis dans son bureau, les mains sur le clavier de l’ordinateur, l’air amusé, Ounténi Cyrille Ouoba, s’occupe des commandes de ses clients en ligne. Sa société, Faso Rigo, est spécialisée dans le commerce électronique. Elle met en ligne un contenu varié de produits agroalimentaire, vestimentaire, et artisanaux « made in Burkina ». Ce sont des jus de fruit, des vins à base de produits locaux comme l’anacarde, le moringa, ou encore le Faso Danfani. « Nous proposons essentiellement des produits burkinabè. Car, nous nous sommes rendu compte que nos productions locales manquent de visibilité. Notre ambition est de pallier cela à travers l’internet, en vue de satisfaire les Burkinabè et conquérir le marché mondial », soutient-t-il.
Il dit se réjouir, car il réalise un chiffre d’affaires satisfaisant (ndlr : il préfère garder secret ce chiffre malgré notre obstination) avec cette méthode de commerce, connue sous le nom de e-commerce (ou commerce en ligne). En effet, avec l’avènement des réseaux sociaux, plusieurs personnes créent des comptes ou des plateformes dans le but de publier des produits pour vente. Cette vente est conclue sans la présence physique simultanée des parties (vendeur et client). Ainsi, les acheteurs font des commandes et se voient livrés lesdits produits à domicile ou dans un endroit bien précis. Selon le président de l’Autorité des régulations des communications électroniques et des postes (ARCEP), Tontama Charles Millogo, ce type d’activités se définit comme l’ensemble des transactions qui se passent en ligne. « Le vendeur et l’acheteur sont physiquement séparés. Mais en règle générale, ils font intervenir un intermédiaire appelé tiers de confiance. L’acheteur et le vendeur font confiance à ce dernier», explique-t-il. Pour que cela soit possible, précise le directeur général de BeoogoLab (incubateur de projet numérique), Mahamadi Rouamba, il faut un certain nombre d’acteurs notamment le marchand, le client, les concepteurs des plates-formes marchandes, les solutions de paiement et la livraison.
Ce commerce comporte des avantages pour les internautes. En effet, pour Myriam Sanga, professeur de français et cliente, le paiement en ligne réduit les distances et permet de gagner du temps. « Il est également possible d’effectuer des achats à partir de sites étrangers sans être dans ces pays », affirme-t-elle, sourire aux lèvres. Pour l’étudiante, Alimata Kindo, faire des achats en lignes est très pratique. « Je n’ai jamais eu de problème à la livraison », confie-t-elle. Cette pratique rentre peu à peu dans l’habitude des Burkinabè et semble améliorer l’économie des promoteurs avec l’augmentation des commandes.
L’internet, un gagne-pain
Ainsi, Lizéta Ouédraogo, une vendeuse de pagnes « kokodonda », affirme qu’elle livre à travers son compte Facebook « Bobo VIP Kokodonda », une vingtaine de pagnes par jour à diverses personnes venant des 4 coins du pays. A son avis, l’internet est un « gagne-pain ». « Je reste chez moi et je vends facilement mes marchandises sans m’évertuer à convaincre de potentiels clients », clame-t-elle toute joyeuse. Mieux son chiffre d’affaires, révèle-t-elle, a augmenté depuis qu’elle fait ce type de commerce même si malgré notre insistance, elle refuse de nous donner le montant. « Je vends les deux pagnes à 4000 F CFA ou 4500F CFA et même à 3000 F CFA en fonction des différentes qualités et le client paye les frais de livraison qui s’élève à 1000 F CFA », déclare-t-elle. Comme elle, Marthe Zongo qui poste les photos de ses articles à travers son compte « Whatsapp » affirme que le commerce électronique est très avantageux, car il lui a permis d’augmenter et de diversifier sa clientèle estimée à une trentaine par jour. « Auparavant, je me promenais dans les services où l’on prenait une dizaine d’articles à crédit. Mais actuellement je parviens à vendre mes sacs à mains même à des femmes qui sont à Dori ou dans la sous-région », soutient-t-elle, avec un brin fierté.
Selon le promoteur de Rigo Faso, le commerce en ligne connait des moments de pics, notamment lors des fêtes. Pour lui, le e-commerce représente une véritable opportunité de rattraper le grand retard sur le commerce international. A l’entendre, l’Afrique a eu une belle occasion pour faire connaitre ses produits au-delà des frontières même si d’une manière globale, le système est encore embryonnaire au Pays des Hommes intègres.
Le responsable de BeoogoLab, lui, révèle que le commerce électronique réduit l’utilisation du carburant et évite les trafics. « Les populations se déplacent en général pour les courses et les achats. Si une grosse partie du commerce se faisait à distance le taux du carbone chuterait », se justifie-t-il. Toutefois, certains sont confrontés à des cas d’escroquerie dans le cyber espace. En effet, il arrive que des clients paient un article, sans jamais recevoir le produit commandé, fait savoir Mme Sanga. C’est pourquoi, le patron de l’ARCEP appelle à la vigilance au regard des risques d’arnaque. « Quelqu’un peut simuler être un vendeur alors qu’il ne l’est pas. Il faut être vigilant pour savoir s’il s’agit d’un tiers de confiance. Les cas de supercheries sont légions dans ce milieu.
Souvent vous recevez des annonces, vous y aller et ce sont des problèmes par la suite », témoigne M. Millogo. Et de poursuivre qu’il peut y avoir des sites dupliqués ou des logos de banques truqués. Le directeur de l’expertise technique et de contrôle à la Commission de l’informatique et des libertés (CIL), par ailleurs ingénieur informaticien, Sié Maxime DA, dans la même veine, pense que les personnes qui font des transactions ou des achats e-commerce doivent faire attention, car il y a des signalétiques qui permettent de savoir si le site est fiable ou pas.
Le revers de la médaille
Il confie, en effet, qu’ il y a des cadenas et des certificats qui se trouvent au niveau des navigateurs qu’il faut prendre le soin de bien étudier et s’assurer que l’URL ou l’adresse électronique du site est authentique avant d’introduire ses données bancaires. « Il y a eu une dame qui intervenait dans une société d’agence. Et par ignorance ou par méconnaissance, elle s’est faite arnaquée sur la toile. Elle a transféré malheureusement par deux fois le même montant à un cyber délinquant. Nous l’avons recommandé aux forces de police qui ont une division de cyber criminalité et les principaux acteurs ont été identifiés et la procédure suit son cours au niveau du pénal », indique l’ingénieur. A ses dires, le e-commerce à travers les comptes « Facebook » ou « WhatsApp » est un modèle économique révolutionnaire. « Facebook est une plate- forme qui peut faciliter les échanges. Cela peut nourrir un business économique.
Mais, il est déplorable que des personnes l’utilisent pour en faire un modèle de perversion », regrette-t-il. A cet effet, il fait savoir que sa structure sensibilise les différents acteurs quant aux vulnérabilités et risques du numérique. Selon M. Da, il faut se familiariser avec l’internet, car il y a un revers de la médaille. En plus de l’arnaque, certains clients se plaignent du retard de livraison et de la qualité des marchandises qui sont parfois différentes de celles vues sur l’internet. C’est l’exemple de Bibata Kaboré, déçue après avoir acheté à 60 mille F CFA des vêtements de basse qualité. « La robe que j’ai reçue n’avait rien avoir avec celle qui a été postée. Cela est décevant et peut décourager certaines personnes à s’aventurer sur les sites de ventes », estime-t-elle.
D’autres difficultés émaillent ce secteur. En effet, M. Ouoba de Rigo Faso déplore le fait que les comptes bancaires des Etats africains ne soient pas reconnus par les grands opérateurs. « Au niveau international pour un client qui se trouve en France ou aux Etats Unis et qui commande un article, la partie paiement pose problème, car il est obligé de faire un transfert par western union ou e-money. Cela constitue un frein à la consommation de nos produits », regrette-t-il. Et d’ajouter qu’il faut que les pays africains trouvent une solution pour que la transaction se passe directement sur les sites.
L’adressage, un problème
Le second problème, à l’en croire, est l’adressage. « Très peu de gens connaissent les rues. Lorsque nous voulons livrer les produits, on passe beaucoup d’appels et l’on trouve finalement une place connue afin de remettre la commission », récrimine le jeune directeur, l’air dépité. Les internautes ne comprennent pas que le e-commerce consiste à rester chez soi, commander sur une plateforme et attendre la livraison à la maison, se plaint-il. Comme lui, Mahamadi Rouamba souligne que c’est juste l’identification du produit qui est faite en ligne car au Burkina, les clients préfèrent payer à la livraison. « C’est une partie de la transaction qui se fait en ligne. Le reste du processus est effectué en présentiel. Le e-commerce ne s’effectue pas à 100% entre clients, mais à 40-50 % », insiste-t-il. De ce fait, il préconise que les Etats pensent à enseigner aux élèves l’adressage des rues. Plusieurs structures participent à la régulation de ce nouveau commerce aux dires du directeur général du commerce, Seydou Ilboudo.
« Nous avons la direction de la promotion du commerce électronique qui participe à sensibiliser et à donner des informations sur les bienfaits du TIC dans les domaines commerciaux », laisse-t-il entendre. Le ministère du Développement numérique et des Postes, l’Agence nationale de protection des domaines, et l’ARCEP, poursuit-il, jouent également leur partition. Le commerce électronique est régulé par la loi n°45 qui porte sur les services et les transactions électroniques et la loi n°10 portant protection des données privées, souligne la directrice de la promotion du e-commerce, Lydie Zongo/ Sanon. Concernant la fiscalité, les billets électrisants passent par les frontières et avec les contrôles douaniers l’on paye des taxes, dit-elle. Et, les entreprises qui font du e- commerce tombent également sous le coup des taxes. Quant aux acteurs du secteur informel, ils répondent, de son avis, de structures qualifiées dans le domaine.
Mariam SOMDA
Du harcèlement en ligne
Certaines personnes se servent du e-commerce pour harceler ou draguer les marchandes. En effet, elles se servent des numéros postés pour faire des avances à leur vis-à-vis. Lizéta Ouédraogo raconte en effet qu’elle a plusieurs fois été victime de harcèlement. « Des hommes m’appellent et disent fièrement ne pas être intéressés par mes produits, mais par ma propre personne. Je suis obligée de les bloquer pour éviter toute perturbation de mon travail. Il faut que les internautes fassent la part des choses pour que le domaine puisse prospérer », plaide-t-elle.
M.S.