Conservation de vaccins : Parsyl, la technologie qui sauve des vies

Le dispositif Parsyl est en marche.

Dans le district sanitaire de Bogodogo à Ouagadougou, la technologie Parsyl a révolutionné les conditions de transport et de conservation des vaccins dans les centres de santé. Cela a suscité un regain d’intérêt pour la vaccination et permis de facto de bouter les maladies telles que la rougeole, la fièvre jaune, etc. de cette aire sanitaire. Constat au Centre médical urbain (CMU) du secteur 51.

Mercredi 14 juin 2023. C’est jour de vaccination au Centre médical urbain (CMU) du secteur 51 de Ouagadougou. La salle de vaccination est pleine à craquer. Des nourrissons, des enfants en bas âge sont « scotchés » au dos et/ou dans les bras de leurs mères. Certains courent dans tous les sens, d’autres pleurent à tue-tête. Quant aux vaccinateurs, ils attendent impatiemment les doses de vaccins pour les administrer à la centaine de bambins. Le quitus de Clarisse Bonkoungou, responsable du Programme élargi de vaccination (PEV) est obligatoire.

Habillée en blouse blanche, elle presse ses pas pour accéder à la salle de conservation des vaccins. En ce début de journée, elle vérifie méticuleusement, si les vaccins ont été conservés à la bonne température. De sa poche, Mme Bonkoungou sort son smartphone et ouvre l’application « Parsyl » tout en s’approchant du long réfrigérateur estampillé : « Parsyl ». Elle scanne le code QR présent sur l’autocollant avec le logo « Parsyl ». Cinq secondes plus tard, l’application mobile affiche : 3,7 degrés. La température est adéquate. Les vaccins ont été conservés dans les conditions requises et peuvent être administrés en toute sécurité.

Rapidement, ils sont acheminés dans la salle de vaccination, située à un jet de pierre. Opérationnelle courant octobre 2022, au CMU du secteur 51, la technologie « Parsyl » est un dispositif de conservation et de transport des vaccins à diverses composantes, explique Clarisse Bonkoungou. Elle indique que le dispositif comprend le « Parsyl Trek Pro », un enregistreur de données sans fil installé à l’intérieur du réfrigérateur pour surveiller la température, l’humidité, les chocs et la lumière affectant les vaccins.

D’une capacité de stockage de 3 giga, sa petite taille et sa longue durée de vie (trois ans) en font un outil idéal pour obtenir une visibilité sur les produits sensibles, de leur origine à leur destination, aussi bien pendant le transport que pendant le stockage, ajoute Mme Bonkoungou. Le « Parsyl Passport », quant à lui, est positionné à l’extérieur du réfrigérateur et automatise le transfert de données à partir des dispositifs « Parsyl Trek » dans toute l’installation. Lorsqu’un dispositif « Trek » est à portée, les données sont transférées de manière transparente vers la plateforme Parsyl.

Le « Passport » peut être posé horizontalement sur un bureau, fixé au mur à l’aide des fentes à l’arrière ou fixé avec du ruban adhésif. L’application mobile Parsyl, lui, détecte automatiquement le « Passport » et se connecte aux dispositifs « Trek » associés au même compte. Elle indique les capteurs qui ont émis des alertes et la durée pendant laquelle, le dispositif a été exposé à des conditions environnementales non souhaitées.

Les données des dispositifs Parsyl sont téléchargées automatiquement sur la plateforme de données Parsyl, où elles sont agrégées et analysées pour identifier les tendances et fournir des informations. Enfin, utilisé pour le transport, le « Parsyl Trek Tab », a une durée de vie de 100 jours. Activé et déposé dans le porte-vaccin, la vaccine-carrière ou le camion frigorifique, il commence le monitorage de la température des vaccins d’un point A à B avec la possibilité de le suivre à distance via la connexion internet.

Si pendant, le transport, il n’y a pas la connexion, à destination, il envoie les données au serveur central afin que le gestionnaire puisse voir si pendant le transport, il n’y a pas eu des excursions de températures ou si les vaccins sont toujours de bonne qualité.

Un bon suivi des vaccins

Positionné à l’extérieur du réfrigérateur, le dispositif permet de connaitre la température à tout moment.

Dans le cas contraire, le « Parsyl Trek Tab », interpelle de déclasser tel type de vaccin, car il a été alarmé, donc hors usage. « Nos températures sont maintenues entre 2 et 8 degrés. Une température adéquate qui garantit des vaccins de qualité. Lorsque les températures ne sont pas correctes, le dispositif Parsyl émet une alerte, qui est également relayée à la Direction de la prévention par la vaccination (DPV), signalant les problèmes rencontrés par un réfrigérateur dans un centre de santé spécifique.

Nous sommes donc alertés lorsque qu’un réfrigérateur rencontre des difficultés », explique le chargé de la vaccination au district sanitaire de Bogodogo, Daouda Ouattara. Il ajoute : « Auparavant, nous avions des moniteurs où, nous devions ouvrir l’appareil pour obtenir les données. Avec le dispositif Parsyl, nous avons des températures correctes et, contrairement aux autres appareils, il permet de transmettre les informations à la DPV à des intervalles de temps réguliers, pour déterminer si les vaccins peuvent être utilisés ou non ».

La solution permet de suivre la chaîne d’approvisionnement des vaccins de A à Z, du stockage jusqu’au long des transports entre les différents maillons de la chaîne d’approvisionnement, confirme le vice-président de la santé mondiale chez Parsyl, Souleymane Sawadogo. « Au niveau central, lorsque les vaccins importés sont réceptionnés à l’aéroport et livrés au dépôt central, des capteurs sont utilisés dans les chambres froides et dans tous les dépôts centraux.

De même, pendant le transport des vaccins du niveau central vers les niveaux régionaux, les chauffeurs et les employés utilisent ces capteurs dans leurs camions pour garantir un suivi optimal. Les dépôts régionaux sont également équipés de ces capteurs dans leurs congélateurs et chambres froides. Le transfert des vaccins du niveau régional vers les 18 districts utilise également ces capteurs pour suivre les vaccins », précise-t-il. Avec la solution Parsyl, les congélateurs et réfrigérateurs dans les districts, les centres de santé et les sites de vaccination sont tous équipés de ces capteurs.

Même lors du transport des vaccins, des stratégies avancées, ces capteurs sont utilisés dans les glacières. « Ainsi, une visibilité complète est assurée du stockage au transport à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement », détaille M. Sawadogo. La mauvaise fermeture des réfrigérateurs, les échanges de température due à la chaleur, l’air extérieur, les ouvertures intempestives, le mauvais ensoleillement ou la performance des plaques solaires…détériorent la qualité des vaccins.

« Cette technologie a sauvé de nombreux enfants »

Grâce au téléphone, les agents de santé sont informés de la qualité du vaccin à administrer aux enfants.

Selon la responsable du PEV du CMU du secteur 51 de Ouagadougou, Clarisse Bonkoungou, cette technologie a révolutionné le transport, la conservation et la qualité des vaccins. Mieux, avoue-t-elle, avec Parsyl, si le vaccin n’est pas bon, il est reconnaissable, sans même le toucher. « Avant, lorsque nous ouvrions le réfrigérateur pour vérifier la température, l’air pénétrait à l’intérieur et réchauffait les vaccins.

Cela pouvait altérer leur température. Cette technologie a véritablement changé la donne », confie-t-elle. Mais, avant son utilisation au CMU, l’équipe médicale, selon ses dires, a expliqué aux mères et aux futures mères que le centre de santé dispose désormais d’un appareil permettant de contrôler la fiabilité des vaccins. « Donc, si un vaccin n’est pas bon, nous ne l’administrerons pas », informe-t-elle.

Cette approche a permis d’enregistrer, un nombre record de 200 à 300 enfants vaccinés chaque jour. « Les mères savent que lorsqu’elles viennent dans notre centre de santé, les vaccins sont disponibles et fiables. Cette technologie a sauvé de nombreux enfants », se réjouit la responsable du PEV. Fati Tapsoba a parcouru environ 4 kilomètres pour rallier le CMU avec sa fillette Awa (15 mois). Elle est convaincue que la vaccination a toujours gardé ses deux enfants en bonne santé.

Depuis belle lurette, Awa souffre rarement de diarrhée, de toux, paludisme…Pour elle, la bonne conversation des vaccins y est pour quelque chose. « Depuis que j’ai appris leur méthode de conservation des vaccins, cela me galvanise à y venir avec mon enfant », témoigne-t-elle. Depuis octobre 2022, cette technologie américaine est utilisée au CMU du secteur 51 pour garantir le transport, la conservation et l’efficacité de tous les vaccins de routine.

« Depuis sa mise en œuvre, la satisfaction est totale, car elle permet de vérifier l’efficacité des vaccins. Grâce à cette technologie, 17 types de vaccins sont conservés efficacement dans notre centre de santé, et ce sont des vaccins fiables qui sont administrés aux enfants », confirme le coordinateur des soins du CMU du secteur 51, Jonas Kiema. Auparavant, dans la chaine d’approvisionnement des vaccins, des dispositifs permettaient de monitorer la température au lieu de stockage, à savoir dans les réfrigérateurs, les congélateurs, les chambres froides…

Mais une fois hors de ces lieux « nous n’avions pas vraiment le contrôle des informations sur ce qui s’est passé pendant le transport, mais avec le dispositif Parsyl, nous arrivons à monitorer pendant le stockage et le transport pour s’assurer que le vaccin a toujours gardé sa qualité pendant le transport. Cela permet de suivre la température de tous les réfrigérateurs à distance et de savoir si les équipements ont été dans les normes pour la conservation du vaccin », rappelle le logisticien de santé à la DPV, Boukaré Ouédraogo.

Isabelle Bonkoungou, agent de santé itinérante au bureau PEV du CMU du secteur 51, est chargée d’assister la responsable dans la commande des vaccins, les stratégies avancées de vaccination et l’enregistrement des vaccins. Selon elle, cette technologie a considérablement amélioré les conditions de transport des vaccins depuis leur centre de formation jusqu’aux zones de vaccination.

« De par le passé, le transport des vaccins ne se faisait pas toujours dans de bonnes conditions. Mais aujourd’hui, lorsque nous plaçons les appareils dans les porte-vaccins, ils nous permettent de contrôler précisément la température et de prendre soin des enfants », confirme-t-elle.

Atteindre les zones les plus éloignées

Le coordonnateur des soins du CMU du secteur 51, Jonas Kiema est satisfait de la technologie.

De plus, dans le cadre des stratégies fixes ou avancées de vaccination, la technologie a changé la perception des populations à l’égard des campagnes de vaccination. En témoigne le passage de l’équipe PEV, le 12 juin dernier, au quartier non loti de Karpala pour une séance de vaccination. « De nombreux parents curieux nous demandent à quoi servent ces outils dans nos porte-vaccins.

Nous leur expliquons les avantages, et ce sont eux-mêmes qui sensibilisent les autres parents à venir faire vaccinés leurs enfants dès notre arrivée. Les populations adhèrent beaucoup à la vaccination, car nous avons éradiqué de nombreuses maladies. Elles ont bien compris les bienfaits de la vaccination », se réjouit Isabelle Bonkoungou.

C’est le cas de Nafissatou Diallo. Son fils, Angel Bancé, à son bras, elle se réjouit qu’il bénéficie de bons vaccins au CMU. « Depuis 8 mois que je vaccine mon enfant dans ce centre de santé, il est toujours en bonne santé », lance-t-elle toute heureuse. La solution Parsyl est faite pour être utilisée partout, pour atteindre même les zones les plus éloignées et isolées. C’est cela qui distingue Parsyl des autres appareils, selon Souleymane Sawadogo.

« Notre solution repose sur une application mobile pour téléphone Android. Il n’est pas nécessaire que tout le monde dispose du dernier modèle de téléphone Android, car notre dispositif est extrêmement intuitif. Il est équipé de voyants lumineux qui indiquent s’il y a un problème ou non. Par exemple, si vous placez le dispositif dans un réfrigérateur d’une zone où, il n’y a pas d’accès à l’électricité ou de connectivité réseau, les voyants lumineux suffisent à signaler qu’il y a un problème, permettant ainsi de prendre les décisions appropriées pour assurer une conservation optimale des vaccins », confesse M. Sawadogo.

Aussi, grâce à la technologie Bluetooth, le dispositif n’a pas besoin d’une connexion cellulaire, ce qui constitue, de son avis, un avantage considérable. « Cependant, dès que votre téléphone détecte une connexion cellulaire (que ce soit un jour, dix jours ou vingt jours plus tard), les données sont automatiquement téléchargées. Par exemple, dans les centres de santé, il est fréquent que les superviseurs se rendent chaque mois dans les zones de santé.

Il leur suffit de se rendre dans chaque centre de santé, se connecter via Bluetooth pour vérifier les conditions. Une fois de retour, toutes les données sont mises à jour et aucune donnée n’est perdue », détaille-t-il. Et, toutes les données enregistrées dans le dispositif sont disponibles pendant une durée de plus de 3 ans, garantissant ainsi une visibilité complète sur toute la période. « Notre objectif est de proposer une solution optimale, facile à utiliser, jusqu’au dernier kilomètre.

C’est là que réside notre vision », soutient Souleymane Sawadogo. C’est dans cette optique que le Burkina Faso a généré un compte web pour chaque structure sanitaire pour leur permettre de suivre la température sur tout le territoire national où le dispositif est installé. Cela permet d’interpeler certaines formations sanitaires quand leur frigo est en train de sortir hors température. « Dans les normes internationales, si le frigo est exposé à une température au-delà de 8 degrés pendant 10 heures, en ce moment, une alarme signale et il faut vérifier la qualité du vaccin.

S’il a été aussi exposé à la congélation, c’est-à-dire, une température moins de 0,6 degré pendant une heure, il y a risque de congélation et cela peut jouer sur la qualité du vaccin. Alors, il faut faire un test d’agitation pour s’assurer que le vaccin n’a pas été détérioré pendant la conservation. Les interpellations des agents des CSPS, des districts…permettent de connaitre ces situations », démontre Boukaré Ouédraogo.

200 centres de santé interconnecté

Boukaré Ouédraogo, logisticien de santé à la DPV souhaite que Parsyl soit installé dans tous les centres de santé.

Comme au CMU du secteur 51, l’utilisation de la technologie Parsyl est également positive dans le district sanitaire de Bogodogo et dans tout le Burkina, affirme Boukaré Ouédraogo. Selon lui, « désormais, nous sommes sûrs que dès que les vaccins quittent le niveau central, ils arrivent dans les régions, les districts et les établissements de santé en bon état et bien conservés dans la plage de température recommandée ». Expérimenté en 2019 dans la région du Centre-Ouest dans les districts sanitaires de Koudougou, Leo, Nanoro, Reo, Sabou, Sapouy et Tenado, les utilisateurs ont beaucoup apprécié.

« Nous avons continué le plaidoyer auprès des fondateurs de Parsyl et nous avons bénéficié d’un financement d’environ 40 millions de F CFA de l’Etat américain pour former trois utilisateurs dans les districts sanitaires. Après cette formation, le pays a demandé le soutien de Gavi qui a répondu favorablement. Ce soutien a permis l’acquisition et l’installation du dispositif Parsyl dans 200 établissements de santé sur les 2 242 que compte le Burkina.

« C’est insignifiant », reconnait Boukaré Ouédraogo, puis de dire : « plus de 10 millions de doses de vaccins par an depuis 2019 sont surveillées par le dispositif Parsyl ». Pour Souleymane Sawadogo, les efforts que le Burkina a mis en œuvre pour déployer la solution Parsyl est tout simplement remarquable. « Le pays est vraiment à féliciter. Avec une grande partie du territoire classée comme zone d’insécurité, il a tout mis en œuvre pour mettre en place cette solution partout au Burkina.

Mais ce qui est intéressant, c’est que les agents de santé de ces districts ont demandé à recevoir les dispositifs pour les installer eux-mêmes, car ils ne voulaient pas être exclus. Malgré les difficultés rencontrées sur le terrain, ils ont tout fait pour mettre en place cette solution. C’est une fierté pour moi », se réjouit M. Sawadogo. Quatre ans après sa mise en œuvre au Pays des Hommes intègres, de nombreux établissements de santé ne bénéficient pas encore de cette technologie.

Au regard de sa capacité de mobilisation pour la vaccination, Justine Sodré, accoucheuse auxiliaire souhaite que cette solution soit vulgarisée dans tous les centres de santé. Même s’il est d’avis, Boukaré Ouédraogo pense qu’il ne suffit pas de passer à l’échelle nationale et quelques années après, retourner à la case départ. « La durée de vie des équipements est de 3 ans. Il faut les renouveler chaque fois », rappelle-t-il. Et, cela, précise-t-il, demande un financement pérenne qui permet de maintenir ces équipements pour les années à venir…

Abdel Aziz NABALOUM

emirathe@yahoo.fr

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