Deuxième Sommet africain sur le climat : attentes et préoccupations des participants

Au deuxième jour du 2e Sommet africain sur le climat, qui se tient du 8 au 10 septembre 2025, à Addis-Abeba, en Ethiopie, Sidwaya a tendu son micro à des participants qui expriment leurs attentes et préoccupations, sans langue de bois.

 Bridget Mugambe, Coordonnatrice de programmes AFSA, Ouganda : « l’une de nos propositions à mettre dans le paquet des décisions africaines, c’est l’agroécologie »

« Ce sommet est une opportunité pour les pays africains, dirigeants et populations, de se mettre ensemble pour échanger sur les besoins du continent, par rapport aux enjeux climatiques actuels, et proposer des solutions qui seront présentées à la COP30. En tant que AFSA (Alliance pour la Souveraineté alimentaire en Afrique), l’une de nos propositions à mettre dans le paquet des décisions africaines, c’est l’agroécologie.  Car, pour nous, elle est l’une des voies pour aller vers la transition écologique dont nous avons besoin. Nous proposons l’agroécologie comme une solution, car elle permet de résoudre les problèmes de la jeunesse à travers l’entrepreneuriat agroécologique, l’Afrique étant un continent à population très jeune.

Elle résout aussi les problèmes des femmes qui sont les plus affectées par les changements climatiques, qui les rendent plus vulnérables. Spécifiquement dans les zones rurales, l’agroécologie, aide à lutter contre la pauvreté et contribution ainsi à apporter des solutions au niveau politique. Mais l’un des défis auquel l’agroécologie fait face aujourd’hui c’est la limitation de l’accès au financement. D’une globale, il n’y a pas vde financement disponible pour répondre aux besoins du continent ».

 Jennet Kem, Représentante Résident de ONU Femmes au Rwanda : « notre attente est de voir le document final intégrer entièrement les besoins des femmes »

« Pendant ce sommet, ONU Femmes a pensé qu’il était nécessaire de créer un espace pour toutes les femmes, les associations de femmes, les femmes expertes, etc. pour se concerter, développer des stratégies et partager leurs expériences. Car, souvent, on ne considère pas le climat comme un domaine qui intègre entièrement les questions du genre. Il faut que les femmes se concertent, développent des stratégies pour intégrer leurs attentes dans la déclaration qui va sortir de ce Sommet d’Addis-Abeba. Notre première attente est de voir le document final intégrer entièrement les besoins des femmes, mais surtout les expériences des femmes ; un document qui ne voit pas les femmes comme des victimes, mais comme des actrices fondamentales de l’action climatique.

Notre deuxième attente est liée à la question du financement climatique. En matière de financement, on donne toujours de gros chiffres, mais qui vont où, profitent à qui ? Est-ce que ces financements climatiques arrivent aux femmes vulnérables, aux femmes dans les camps de réfugiés, aux femmes immigrantes forcées du changement climatique, aux femmes dans les zones rurales, aux femmes pauvres ? Un financement de l’action climatique qui n’intègre pas les besoins des femmes, ne va pas résoudre les questions de résilience, de mitigation, d’adaptation au changement climatique. Nous proposons un financement climatique sensible aux questions de genre. C’est tout un processus qui demande de l’expertise, et nos négociateurs et hommes politiques et ceux qui prennent des décisions doivent chercher l’expertise des femmes et intégrer cette perspective genre, faire l’analyse des données pour démontrer les écarts homme-femme dans les questions de l’action climatique.

Et pour terminer, nous disons qu’aucune politique n’est neutre sur les questions de genre. La politique climatique doit réellement sensible aux gens. La question des données désagrégées est essentielle pour adresser les questions liées au travail des femmes, à leurs capacités, leur accès aux ressources naturelles, à l’agriculture, à l’énergie, etc. On a donc besoin de données désagrégées sur tous les écosystèmes climatiques, pas du point de vue faiblesse, mais celui du pouvoir que les femmes apportent dans le redressement de ces défis, de la femme en tant que solution à la crise climatique.

Mais pour y arriver, il faudrait que les femmes soient sur la table des négociations, des prises de décision et non dans les périphéries. Les femmes contribuent à la production des produits agricoles à hauteur de 80%., sont très présentes au niveau de l’emploi agricole. On ne peut pas prendre des décisions, créer des politiques sur une question qui touche largement aux femmes sans qu’elles ne soient au centre de cette prise de décision. C’est le premier point d’entrée. Il ne s’agit de dire qu’il y avait deux, cinq, dix femmes sur la table, mais d’intégrer réellement leurs voix, leurs idées, leurs préoccupations dans les documents et les actions. »

 Musa Usman Ndamba, vice-président national de l’Association des Pastoralistes Nomades du Cameroun : « nous souhaitons avoir assez de financements directs pour les pastoralistes, les communautés locales, les peuples autochtones d’Afrique »

« En tant que pastoralistes subissant les effets du changement climatique, nous souhaitons, à la fin de ce sommet, avoir assez de financements directs pour les pastoralistes, les communautés locales, les peuples autochtones d’Afrique. Très souvent, nous entendons parlez de financement pour le climat, mais il est très difficile pour les sociétés civiles, ou les populations autochtones d’accéder à ces financements climatiques. En tant que peuples autochtones et pastoralistes, notre souhait est que l’agroécologie, qui est un moyen holistique, pour la résilience et l’adaptation des populations locales au changement climatique, soit pris en compte dans les discussions de ce sommet. Elle est un savoir-faire endogène des peuples autochtones pour lutter contre les changements climatiques.

Il faudrait aussi qu’il y ait des financements conséquents pour l’agroécologie. Car, qui dit    agroécologie, dit agriculture familiale, petits producteurs, qui nourrissent plus de 80% de notre population. Mais, malgré cela, jusque-là, l’agroécologie n’est pas prise en compte dans les financements climatiques. Il faudrait donc que les politiques changent, pour financer plus l’agriculture familiale, qui est le principal moyen de subsistance de la majorité des populations africaines. »

Josué Aruna, directeur pays du réseau Congo Basin Conservation Society, RDC : « nous contribuons à la stabilité de la planète, nous devons donc avoir des compensations… »

« En tant que société civile, nous pensons que toute l’Afrique doit avoir une seule voix par rapport à ses ambitions et engagements climatiques, et pour dire à la communauté internationale que le contient ne doit pas être un observateur, continuer à subir des pertes et des dommages, alors que ceux qui polluent sont de l’autre côté. L’Afrique doit se constituer en bloc d’acteurs politiques, étatiques, sociétés civiles, peuples autochtones pour revendiquer ses droits auprès de la communauté internationale. Nous contribuons à la stabilité de la planète, nous devons donc avoir des compensations pour ce que nous apportons à la nature, à l’humanité. Deuxièmement, notre position est qu’il y ait des mécanismes de financements directs, clairs, accessibles, flexibles, très innovants pour soutenir la société civile, les scientifiques, les communautés locales et les peuples autochtones qui, au quotidien, préservent les forêts, les grandes rivières, les zones humides, etc., contribuant ainsi à la stabilité de la planète.

Nous ne voulons pas des accords aériens qui n’ont pas d’impacts sur le terrain. Car, souvent, pour des questions de capacités techniques, on met des intermédiaires, alors que ce sont ces derniers qui ont fait que, aujourd’hui, il n’y a pas de résultats concrets. Nous réclamons une redéfinition des mécanismes de financements qui vont aller directement sur le terrain, afin que nous puissions continuer à servir l’humanité.

Troisièmement attente, nous disons que l’Afrique doit demeurer souveraine sur le plan alimentaire, mais cela doit passer par des pratiques de productions acceptées et reconnues par les peuples autochtones et les communautés locales qui, depuis des années, ont produit localement de la nourriture en abondance. Pour ce faire, nos dirigeants africains doivent intégrer dans les politiques nationales et régionales l’agroécologie, qui, jusque-là, a permis aux peuples autochtones de sauvegarder l’environnement, et de continuer à avoir un système très résilient. Nous ne voulons pas que l’Afrique continue de faire des importations de semences, d’intrants chimiques, qui sont contrôlées par les industriels, et qui détruisent nos terres, la biodiversité, nos systèmes de santé, mais aussi notre culture africaine. En tant que société civile, nous refusons cela. Nous ne voulons pas d’une agriculture conventionnelle qui n’a pas donné des rendements fiables sur le terrain. Nous devons revenir à notre authenticité africaine, qui fera de nous des Africains. Nous voulons mangeons africain, vivre africain, conserver ka nature de manière africain, et continuer à sauver la planète. On nous parle d’avancées technologiques comme la fertilisation des océans, nous n’en avons pas besoin ! »

Propos recueillis par

Mahamadi SEBOGO

Windmad76@gmail.com

(Depuis Addis-Abeba, Ethiopie)

 

 

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