Le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, n’avait certainement pas imaginé ce scénario. Alors qu’il s’attendait à ce qu’il situe clairement les responsabilités dans l’attaque terroriste d’Inata (région du Sahel), qui a coûté la vie à 53 gendarmes, le rapport de l’Inspection générale des armées y afférent a laissé de nombreuses questions en suspens. Il l’a immédiatement rejeté et exigé, sous 10 jours et à compter du 3 décembre 2021, un nouveau document conformément à ses attentes, d’après nos informations.
Le contenu du rapport remis au chef de l’Etat, le 30 novembre dernier, était pourtant très attendu. Les victimes ayant connu un problème de relève et des soucis alimentaires. De nombreuses zones d’ombre subsisteraient ! C’est un fâcheux contretemps pour le chef de l’Etat qui, ayant pris date avec ses concitoyens, attendait d’en savoir plus pour demander des comptes aux éventuels fautifs. Des sanctions administratives et des poursuites judiciaires sont envisagées par le locataire du palais de Kosyam.
Sous les pressions, depuis des semaines, de la rue et l’opposition, à propos de la dégradation de la situation sécuritaire, le président du Faso multiplie les initiatives et les gestes d’apaisement. Certains protestataires, le jugeant « incapable » de lutter contre l’insécurité, appellent d’ailleurs à sa démission. Roch Kaboré n’a-t-il pas nommé de nouvelles têtes dans les différentes unités de la gendarmerie et dans la hiérarchie militaire, la semaine dernière ?
Dans son discours nocturne du 25 novembre dernier, il a promis des changements dans l’armée et dans la gouvernance et il y travaille. L’enquête sur le drame d’Inata, qui n’a pas apporté la lumière souhaitée pour le moment, s’inscrit dans cette dynamique. Mais Roch Kaboré affiche, plus que jamais, sa détermination à nettoyer les écuries d’Augias, quitte à tirer, quelque peu, sur la corde.
Il faut espérer alors, que le second rapport puisse répondre aux attentes, pour, enfin, permettre au chef de l’Etat de tirer toutes les conséquences de l’attaque d’Inata. En attendant de disposer de ce document, des questions méritent d’être posées. Que s’est-il passé dans la conduite des investigations sur l’attaque d’Inata pour qu’un tel rapport non satisfaisant soit produit ?
L’Inspection générale des armées n’a-t-elle pas eu suffisamment le temps ? Des acteurs se sont-ils rétractés dans la chaine de commandement militaire ? Le suicide du chef secrétaire au Poste de Commandement de la Compagnie de gendarmerie du Kadiogo, Aboubacar Traoré, le mercredi 17 novembre dernier, dans la foulée du drame d’Inata, y est-il pour quelque chose ? La « grande muette » a-t-elle décidé de rester fidèle à sa réputation ? Bien malin, qui saura apporter des réponses à ces interrogations.
D’ores et déjà, il faut regretter le fait qu’un rapport édulcoré ait été produit sur un drame aussi terrible que celui d’Inata qui a révélé de gros dysfonction-nements. C’est de notoriété publique maintenant. Il n’est jamais tard pour bien faire, dit-on. L’Inspection générale des armées peut encore se rattraper ou du moins se donner les moyens de produire un autre rapport plus objectif et plus qualitatif.
Même si la délicatesse de la mission ne fait pas l’objet de doute au sein d’une armée où la solidarité de corps demeure la chose la mieux partagée. Il faut pourtant crever l’abcès ! C’est un fait que la hiérarchie n’a pas diligenté la relève des gendarmes, massacrés à Inata. C’est un fait que des responsables dans la chaine de commandement n’ont pas fait le nécessaire pour que le détachement ne manque pas du pain et de l’eau. A bien des égards, les responsabilités doivent être situées.
Les premières sanctions prononcées après le drame d’Inata, notamment la révocation du commandant de la première région de gendarmerie et celui du groupement des forces du secteur Nord, donnent déjà des pistes, même si des raisons n’ont pas été officiellement évoquées. Le drame d’Inata ne doit pas rester impuni, pour le bien de l’armée burkinabè. Absolument pas !
Kader Patrick KARANTAO
maditonda@gmail.com