Entrepreneuriat féminin: ces amazones du développement rural

Les femmes s’investissent de plus en plus dans le secteur agricole. Elles exploitent de grandes superficies avec des rendements appréciables, comme c’est le cas à Banfora.

Toumousseni est un village situé à une quinzaine de kilomètres de Banfora, dans la région des Cascades. Dans ce village se trouve un verger qui s’étend sur 50 hectares (ha). On y trouve des manguiers, des anacardiers, des goyaviers et des orangers. Quatre personnes y travaillent en permanence pendant la saison pluvieuse et plus de dix les périodes de récolte. C’est la propriété de l’entrepreneuse agricole, Minata Ouattara. « C’est mon amour pour les fruits qui m’a amenée à me lancer dans cette production », confie-t-elle. « Mon mari et moi étions de gros consommateurs de mangues quand nous étions à Bouaké en Côte d’Ivoire. Nous pouvions parcourir plus de 20 kilomètres à la recherche de ces fruits. C’est quand nous sommes rentrés au Burkina que nous avons commencé à faire le verger. Nous avons pratiqué la culture vivrière pendant trois ans avant de nous engager véritablement dans la production des fruits. Les premiers plants ont été mis en terre en 1986 et les derniers en 2004 », relate dame Ouattara qui, malheureusement, a perdu son époux au cours de l’aventure. Seule, la veuve s’est battue pour faire vivre et rentabiliser le verger. Aujourd’hui, elle affirme tirer les marrons du feu. « J’arrive à m’en sortir et à m’occuper de ma famille et de mes employés ». Mais quant à son chiffre d’affaires, elle n’a pas voulu se prononcer. « Ç’est un secret. Ce qui est sûr on s’en sort convenablement », dit-elle. Minata Ouattara demande aux autorités de l’accompagner à lutter contre les difficultés auxquelles elle fait face. Il s’agit des attaques des plants par des mouches, de l’assèchement des arbres et du manque de ressources financières.
« Les paysans qui font de l’arboculture ne sont pas considérés comme des agriculteurs. Il faut qu’on arrive à les prendre en compte, afin qu’on puisse leur fournir aussi des intrants subventionnés », souhaite l’agricultrice.

Oser dans l’agriculture

Elle invite les femmes à oser investir dans l’agriculture, un secteur porteur. « La femme n’est pas uniquement faite pour le foyer. On peut faire comme les hommes et s’en sortir. Il faut s’armer de courage et avoir de l’amour pour le métier choisi », conseille-t-elle.
A l’instar de Minata Ouattara, Jeannette Soulama a choisi un autre domaine par amour. Il s’agit de l’élevage. Précédemment vendeuse d’attiéké à Banfora, elle s’est maintenant installée à Bounouna pour vivre sa passion. Dans cette bourgade située à une dizaine de kilomètres de la ville, elle a acquis un terrain pour son élevage. Elle y a construit un enclos de fortune, fait de feuille de paille et de briques en terre, faute de moyens financiers. Madame Soulama dit avoir commencé son activité avec une centaine de poules et sa ferme compte à ce jour près de 500 têtes. A notre passage en mai 2019, les poulaillers étaient vides.
« Nous avons écoulé tous nos poulets et nous sommes en entretien. Il faut déparasiter les lieux, refaire les installations et rendre la ferme propre avant l’arrivée de nouveaux poussins », dit-elle. Jeannette Soulama, veuve depuis près de 20 ans, dit vivre de son métier, même si elle dit être confrontée à des difficultés comme le manque d’eau. Elle sollicite alors des appuis pour réaliser un forage et acquérir du matériel adéquat afin de mieux conduire son activité. Elle affirme avoir bénéficié de nombreuses formations dans le domaine de l’élevage tant à Banfora qu’à Bobo-Dioulasso.

«On m’a traitée
de folle»

Awa Barro, autre habitante de la cité du Paysan noir, s’investit aussi dans l’agriculture. Ses exploitations se trouvent à la périphérie nord de la ville. Il s’agit de trois sites où elle fait la culture maraîchère, la production de semences et des pépinières.
« Quand je commençais il y a trois ans, certains m’ont traitée de folle. Ils ne comprenaient pas qu’une femme puisse venir faire de la culture maraichère en pleine ville. Aujourd’hui, je ne regrette pas mes investissements », déclare-t-elle. Outre la culture maraîchère, Awa fait aussi la production de semences certifiées depuis près de 11 ans. Elle dispose de près de 11 ha destinés à la production de semences de soja, de maïs et de sorgho. Ces semences sont vendues sur le marché burkinabè. Elle emploie une dizaine de femmes dont la plupart sont veuves. A ses dires, elle s’en sort bien, malgré les difficultés : le vol des plants, la divagation des animaux, la difficile cohabitation avec certains habitants et le manque d’eau. «J’achète 60 à 67 barriques d’eau par jour pour arroser mes plants», précise-t-elle. Cela ne semble pas décourager pour autant la productrice qui invite les autres femmes engagées dans l’agriculture à ne pas baisser les bras. « Ce n’est pas facile, mais on peut toujours s’en sortir avec le courage et la détermination ». Mme Barro, en plus de l’agriculture est secrétaire dans un service étatique à Banfora. Le Directeur régional de l’agriculture et des aménagements hydrauliques des Cascades, Marius Sanou, loue le courage des femmes qui font de l’agriculture leurs principales activités. Selon lui, leur contribution au développement de la filière est fort appréciable. « Les femmes apportent une contribution indéniable à la production agricole. Elles interviennent dans tous les maillons de la
filière », soutient-il.
Elles ont besoin d’être accompagnées et beaucoup de projets s’attellent à cela, a-t-il laissé entendre. « Nous cherchons les voies et moyens pour les accompagner afin de faire prospérer leurs investissements », a rassuré M. Sanou.

Adaman DRABO

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