Guinée : un nouvel exil pour Dadis Camara ?

L’ancien Président guinéen, le capitaine Moussa Dadis Camara, est-il reparti pour un nouvel exil, après son séjour d’une décennie au Burkina ? La question vaut son pesant d’or, puisque l’ex-chef de l’Etat a quitté discrètement son pays, le week-end écoulé, à bord d’un avion de la compagnie Royal Air Maroc, pour des raisons médicales, à en croire certaines indiscrétions. Le royaume chérifien est-il sa destination privilégiée ou un transit vers un autre pays ?

On ne saurait le dire pour l’instant. Ce déplacement hors du pays intervient dans un contexte à polémique, alimenté par la grâce présidentielle, dont a récemment bénéficié Moussa Dadis Camara, pour des soucis de santé. Cette décision suscite encore et toujours la colère des familles des victimes du massacre du 28 septembre 2009, pour laquelle l’ancien homme fort de la Guinée a été condamné à 20 ans de prison en juillet 2024. Les inquiétudes des personnes concernées sont d’autant plus fondées que cette répression d’une manifestation de l’opposition avait fait en son temps plus de 150 morts. Il a fallu batailler 15 ans pour qu’un jugement de l’affaire se tienne et c’est bien pour cela que la grâce accordée à Dadis Camara irrite dans le cercle des proches des victimes qui font des mains et des pieds pour obtenir son annulation.

N’envisagent-ils pas de saisir la Cour pénale internationale (CPI) pour contester cette faveur qui, à leurs yeux, constitue une entrave à la justice ? En tous les cas, la mesure de grâce passe mal à Conakry, pour ne pas dire qu’elle pourrait bientôt donner lieu à des manifestations en Guinée. Le régime du général Mamady Doumbouya a-t-il voulu soustraire Moussa Dadis Camara d’un environnement de polémique en l’autorisant à aller à l’étranger pour des soins ? Les défenseurs des droits de l’homme y croient dur comme fer, tout comme ils soupçonnent le Gal Doumbouya de vouloir tirer des dividendes électoraux de la libération de son prédécesseur à la tête de l’Etat.

Sa volonté de briguer la magistrature suprême ne fait d’ailleurs plus mystère, son entourage ne cachant pas son souhait de le voir garder le pouvoir, plutôt que de le remettre aux civils, comme promis au lendemain de son coup d’Etat contre Alpha Condé en septembre 2021. D’aucuns s’interrogent aussi à tort ou à raison sur l’état de santé de Dadis Camara.

De quoi souffre réellement l’ex-chef de l’Etat ? Les informations ne filtrent pas en la matière. Pendant le procès du massacre du 28 septembre 2009, il avait momentanément souffert d’une grippe aigüe et d’un paludisme. Présente-t-il une pathologie plus grave qui justifie sa grâce et sa sortie du pays ? Il faut être dans le secret des dieux pour le savoir. Pour le moment, les spéculations vont bon train sur sa situation. On se demande si Dadis Camara ne va pas reprendre le chemin de l’exil, en servant le même scenario qu’Alpha Condé.

Cet autre ancien chef de l’Etat guinéen, après sa chute pour la moins brutale du pouvoir, est allé à deux reprises en soin à l’étranger avec l’accord des nouvelles autorités, avant d’assumer un statut d’exilé et de revêtir son éternelle tunique d’opposant. Ce revirement semble s’expliquer par la volonté d’Alpha Condé de se mettre à l’abri des écueils judiciaires, puisque des poursuites ont été engagées contre sa personne pour des crimes économiques et de sang.

Certaines indiscrétions avancent qu’il est de retour en Afrique, après son escapade en Turquie, sans pour autant donner sa position exacte. Certes, Dadis Camara n’est pas Alpha Condé, mais tous deux ne peuvent pas prétendre connaitre une fin de règne rose, avec ce qu’ils ont vécu de part et d’autre et les ennuis judiciaires qui s’en sont suivis. On attend de voir si le séjour médical de Dadis Camara va se muer en un second exil ou pas…

Kader Patrick KARANTAO

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