Le président haïtien Jovenel Moïse, âgé de 53 ans, a été assassiné tôt hier matin et son épouse grièvement blessée, dans leur résidence privée, en banlieue de Port-au-Prince, la capitale du pays, par des hommes armés non identifiés. La légitimité de Jovenel Moïse, au pouvoir depuis 2016, était remise en question depuis plusieurs mois, l’opposition et la société civile réclamant de nouvelles élections. Il a donc nommé, le lundi dernier, Ariel Henry, à la fonction de Premier ministre (le 8e de son 1er mandat) parce que le précédent chef de gouvernement n’a même pas tenu trois mois à son poste.
Même si le Premier ministre sortant, Claude Joseph, appelle la population au calme, indiquant que la police et l’armée allaient assurer le maintien de l’ordre, il y a de quoi s’inquiéter pour le pays le plus pauvre d’Amérique latine et des Caraïbes. Déjà, les actes
« isolés » de violences consécutives à l’annonce de cet assassinat et l’insécurité ambiante que vit le pays présagent d’une nouvelle page sombre
de l’histoire d’Haïti.
Ce flou artistique commence par la confusion institutionnelle parce que désormais, Haïti a un Premier ministre nouvellement nommé et non encore installé et un chef de gouvernement sortant qui a vite pris en main les choses, instaurant un Etat de siège, dès l’annonce de la mort du chef de l’Etat.
Que peut-on bien faire pour ce pays abonné à une série interminable de renversements et d’assassinats de ses chefs d’Etat et de gouvernements depuis son indépendance ? A tous les coups, une énième intervention militaire de la communauté internationale serait vue comme le retour de « l’impérialisme » ou de l’ingérence alors que le pays ne dispose quasi plus d’armée et que la police n’est que l’ombre d’elle-même, laissant libre cours à des gangs armés qui dictent leurs lois dans tout le pays et même dans la capitale Port-au-Prince. Mais à moins que les Etats-Unis d’Amérique ne changent de procédé ou passent par le Conseil de sécurité des Nations unies, pour une intervention armée afin d’éviter à l’Amérique latine et aux Caraïbes, une instabilité généralisée, au regard de la situation géostratégique de Haïti.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le pays dont plus de 60% de la population vit en-dessous du seuil de la pauvreté, est au bord du précipice, entamant, une fois
de plus, une longue période d’incertitudes. La communauté internationale doit donc urgemment se tenir à son chevet pour ramener une accalmie, mettre sur les rails une transition politique et envisager des élections libres et transparentes. Sinon, un enlisement de la situation conduira le pays vers un chaos dont il lui sera difficile de se relever. Les poids de la pauvreté et de l’insécurité sont déjà insupportables par les Haïtiens. Une instabilité institutionnelle serait la charge de trop.
Jean-Marie TOE