Idrissa Ouédraogo, directeur de la législation et du contentieux : « Les mesures incitatives fiscales et douanières visent à accompagner les PME »

Le directeur de la législation et du contentieux, Idrissa Ouédraogo : « J’invite les entreprises éligibles à faire siennes ces mesures mises en œuvre par le gouvernement ».

Le gouvernement burkinabè a obtenu, le mardi 18 juillet 2023, l’adoption de la loi portant institution de mesures d’incitations fiscales et douanières au profit des Petites et moyennes entreprises (PME) au Burkina Faso, par l’Assemblée législative de Transition. Le directeur de la législation et du contentieux, Idrissa Ouédraogo, revient, entre autres, sur le bien-fondé de cette loi, ses avantages et le manque à gagner que son application engendrera pour l’Etat.

Sidwaya (S) : L’Assemblée législative de Transition (ALT) a adopté à l’unanimité, le mardi 18 juillet 2023, la loi portant institution de mesures d’incitations fiscales et douanières au profit des Petites et moyennes entreprises (PME) au Burkina Faso. Pourquoi une telle loi?

Idrissa Ouédraogo (I.O.) : Une telle loi vise à accompagner les Petites et moyennes entreprises (PME) qui constituent aujourd’hui le fer de lance de l’activité économique. C’est connu aujourd’hui que celles-ci sont présentes dans tous les secteurs d’activités (primaire, secondaire et tertiaire) et apportent une contribution importante à la croissance économique et à la création d’emplois au Burkina Faso.

Fort de ce constat, toute stratégie d’expansion économique devrait s’appuyer sur un développement accru des PME. Un tel développement ne peut se faire sans un soutien cohérent et structuré des pouvoirs publics et des institutions communautaires à l’endroit de ces petites et moyennes entreprises. Dans ce sens, un certain nombre de mesures ont déjà été adoptées pour promouvoir les PME.

On peut relever la mise en place de fonds pour le financement des PME (FASI, AFP-PME …), la création des Centres de formalités d’entreprises (CEFORE) pour faciliter la création des entreprises, la création des Centres de gestion agréés (CGA), la facilitation de l’accès des PME à la commande publique à travers l’institution de critères de préférence, etc.

A cela, s’ajoutent l’adoption de la loi n°015-2017/AN du 27 avril 2017 portant loi d’orientation de promotion des petites et moyennes entreprises au Burkina Faso et la signature d’une charte des PME entre l’Etat et des organisations professionnelles, à travers lesquelles, l’Etat s’est engagé à mettre en place des mesures spécifiques d’ordre fiscal et douanier en faveur de ces entreprises.

C’est en cela que la présente loi a été adoptée en vue de faciliter la création des PME, inciter à l’auto-emploi des jeunes, inciter à la création d’incubateurs et de pépinières pour améliorer l’encadrement des PME et assurer leur viabilité, renforcer les capacités de production des PME en facilitant l’accès aux outils de production, faciliter le financement des PME par les dons et subventions.

S : Quelles sont les personnes ou structures concernées ?

I.O. : Les entreprises éligibles sont celles reconnues par la loi ci-dessus citée c’est-à-dire celles ayant obtenu le statut de PME. Aux termes de l’article 15 du décret 2018-34/PRES/PM/MCIA/MINEFID portant attributions, composition et fonctionnement de la commission nationale des PME, toute entreprise qui désire avoir le statut de PME doit déposer une demande au secrétariat de ladite commission comprenant les pièces suivantes : une demande timbrée à 200 FCFA adressée au ministre en charge des PME, un formulaire dument rempli, une copie de l’acte d’immatriculation au RCCM ou tout autre registre ; une copie du certificat d’immatriculation à l’IFU, les états financiers du dernier exercice comptable clos ou un plan d’affaires intégrant les chiffres d’affaires pour les entreprises nouvellement créées, une notification de l’employeur, une copie des statuts si l’entreprise est une société ou un groupement d’intérêt économique, une copie légalisée de la pièce d’identité du gérant de l’entreprise.

Une fois le dossier validé par la commission au regard des conditions ci-après définies par la loi, un statut de micro-entreprise, petite entreprise ou moyenne entreprise est attribué à l’entreprise.

Sont classées parmi les micro-entreprises, les entreprises remplissant les conditions suivantes : disposer d’un effectif permanent inférieur à dix employés, tenir une comptabilité conforme au système minimal de trésorerie du Système comptable de l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (SYSCOHADA), être immatriculées ou avoir fait sa déclaration d’activités au Registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM) ou à tout autre registre et à l’Identifiant financier unique (IFU), être affiliées à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), réaliser un chiffre d’affaires annuel hors taxe inférieur ou égal à quinze millions (15 000 000) F CFA.

Sont classées parmi les petites entreprises, les entreprises remplissant les conditions suivantes : disposer d’un effectif permanent égal ou supérieur à dix et inférieur à trente employés, tenir une comptabilité conforme au système normal du Système comptable de l’OHADA (SYSCOHADA), être immatriculées ou avoir fait sa déclaration d’activités au Registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM) ou tout autre registre et à l’Identifiant financier unique (IFU), être affiliées à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), réaliser un chiffre d’affaires annuel hors taxe supérieur à quinze millions (15 000 000) F CFA et inférieur ou égal à cinquante millions (50 000 000) F CFA.

Sont classées parmi les moyennes entreprises, les entreprises remplissant les conditions suivantes : disposer d’un effectif permanent égal ou supérieur à trente et inférieur à cent employés, tenir une comptabilité conforme au système normal du Système comptable de l’OHADA (SYSCOHADA), être immatriculées ou avoir fait sa déclaration d’activités au Registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM) ou tout autre registre et à l’Identifiant financier unique (IFU), être affiliées à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), réaliser un chiffre d’affaires annuel hors taxe supérieur à cinquante millions (50 000 000) F CFA et inférieur à un milliard (1 000 000 000) F CFA.

S : Qu’est-ce que les entreprises doivent faire pour bénéficier de cette loi ?

I.O. : Pour le bénéfice des avantages fiscaux et douaniers prévus par la présente loi, les PME concernées doivent adresser une demande à la Commission nationale des petites et moyennes entreprises (CN-PME). Sous peine de rejet, la demande doit contenir les mentions suivantes : les nom et prénom(s) ou la raison sociale, le numéro d’Identifiant financier unique (IFU), l’adresse complète (références cadastrale et postale, numéro de téléphone), le justificatif du statut de PME, le cas échéant, la liste et la quantité des biens à importer en régime d’exonération.

Sur avis motivé de la CN-PME, les avantages fiscaux et douaniers sont accordés par arrêté conjoint du ministre chargé de l’industrie et de celui chargé des finances. Pour la jouissance effective de ces avantages, des procédures spécifiques sont mises en œuvre aussi bien à la Direction générale des impôts qu’à la Direction générale des douanes.

S’agissant des exonérations en matière de TVA relatives à l’acquisition ou au renouvellement du matériel de production en régime intérieur, il est prévu au niveau de la Direction générale des impôts un mécanisme de contrôle a priori appelé visa de détaxe qui permettra à cette administration de s’assurer de l’éligibilité du matériel acheté à ladite exonération.

La procédure de visa consiste pour l’entreprise à requérir au préalable une autorisation de la DGI pour émettre une facture en hors taxe. Une telle procédure est d’ailleurs déjà utilisée pour les achats des ambassades et institutions internationales. Concernant chaque opération d’importation, comme pour les autres opérations exonérées, la PME devra faire une demande d’exonération pour le matériel importé et présenté en douane, afin d’obtenir une décision d’exonération pour le matériel présenté. Cette procédure permet d’éviter des abus et de s’assurer que le matériel importé est repris sur la liste jointe à l’arrêté d’agrément.

S : Quelles sont les mesures incitatives que cette loi instaure ?

I.O. : Il faut rappeler que les mesures incitatives portent sur des avantages fiscaux et douaniers, essentiellement des exonérations. Elles sont au nombre de six (6) et se présentent comme suit : des avantages en matière de TVA, droits et taxes à l’importation, des avantages fiscaux en matière de droits d’enregistrement, de minimum forfaitaire de perception, de contribution des patentes, de TPA, de libéralités, dons et subventions.

Au titre des avantages en matière de TVA, droits et taxes à l’importation, pour l’acquisition ou le renouvellement du matériel de production, les micro-entreprises et les petites entreprises des secteurs de la production de biens et de la transformation bénéficient de l’exonération totale de la TVA, des droits et taxes à l’importation, à l’exclusion des prélèvements communautaires et des taxes pour service rendu.

Pour le bénéfice effectif de l’exonération de la TVA pour les acquisitions du matériel de production sur le marché local, les micro-entreprises et les petites entreprises ci-dessus visées doivent, avant l’acquisition des biens et services, solliciter le visa de détaxe de la TVA auprès de la Direction générale des impôts.

Pour le directeur de la législation et du contentieux, Idrissa Ouédraogo, les mesures incitatives portent essentiellement sur des exonérations.

Il en est de même pour les pépinières d’entreprises et les incubateurs qui bénéficient de l’exonération de la TVA sur les matériaux et services destinés à la réalisation ou à l’acquisition des locaux desdits pépinières et incubateurs, ainsi que pour les acquisitions sur le marché local de matériel informatique, de machines à copier et de mobiliers de bureau fabriqués localement.

Pour l’importation de véhicules de transport de marchandises et de véhicules utilitaires de moins de dix (10) ans d’âge, les PME des secteurs de la production de biens, de la transformation et du transport bénéficient de l’exonération totale de la TVA, des droits et taxes à l’importation, à l’exclusion des prélèvements communautaires et des taxes pour service rendu.

Au titre des avantages en matière de droits d’enregistrement, pendant la phase de création, les baux d’immeubles servant à l’exploitation des micro-entreprises et des petites entreprises sont enregistrés au droit fixe de six mille (6 000) F CFA. Elles bénéficient de la même mesure au titre des deux exercices d’exploitation suivants.

Cette mesure s’applique aussi aux pépinières d’entreprises et aux incubateurs au titre des deux premiers exercices d’exploitation. Il y a lieu de rappeler que les baux des immeubles à usage autre que d’habitation sont enregistrés au droit proportionnel de 5% en application des dispositions de l’article 421 du Code général des impôts.

La mesure consiste à soumettre les baux des micros-entreprises, des petites entreprises, des petites pépinières d’entreprises et des incubateurs à la formalité de l’enregistrement au droit fixe de six mille (6 000) francs CFA. Relativement aux avantages en matière de Minimum forfaitaire de perception(MFP), les petites entreprises nouvellement créées sont exonérées du MFP au titre des deux premiers exercices d’exploitation.

Dans le volet des avantages en matière de contribution des patentes, les petites entreprises nouvellement créées qui relèvent du régime simplifié d’imposition bénéficient d’une exonération de la contribution des patentes au titre des deux premiers exercices d’exploitation.

Elles bénéficient également d’une réduction de 50% de la contribution des patentes au titre du troisième exercice d’exploitation. Les petites entreprises nouvellement créées sont exonérées de la TPA au titre des deux premiers exercices d’exploitation. Elles bénéficient également d’une réduction de 50% du montant de la TPA au titre du troisième exercice d’exploitation, s’agissant des avantages en matière de taxe patronale et d’apprentissage.

Des avantages en matière de déduction des libéralités, dons et subventions, il ressort qu’en matière d’impôts sur les bénéfices, les dons faits aux incubateurs, aux pépinières d’entreprises, aux Centres de gestion agréés (CGA) et aux autres structures d’utilité publique d’encadrement et de financement des PME sont déductibles sans limitation.

Or du point de vue du Code général des impôts, les sommes versées sont des charges déductibles dans la limite de trois pour mille (3‰) du chiffre d’affaires hors taxe lorsque les versements sont effectués au profit des fondations, des associations sportives et culturelles, d’œuvres ou organismes d’intérêt général à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social reconnus d’utilité publique.

Les sommes versées ne sont pas déductibles si les versements sont effectués au profit d’entreprises. Avec cette mesure, les entreprises qui octroient des dons, libéralités et subventions aux PME pourront déduire la totalité des montants versés. Elle offre une source alternative de financement des PME.

S : A quand l’entrée en vigueur de cette loi et pour quelle durée ?

I.O. : L’entrée en vigueur de cette loi correspond à celle de sa promulgation. Elle est valable pour une période de trois (03) ans couvrant les exercices 2023, 2024 et 2025. La limitation dans le temps des mesures d’incitations fiscales et douanières a l’avantage de permettre à l’administration d’évaluer à l’échéance afin de permettre d’apprécier la pertinence de leur abrogation ou de leur consolidation dans des codes existants.

S : Dites-nous le manque à gagner que l’application de cette loi engendrera pour l’Etat.

I.O. : Les incitations fiscales et douanières accordées pourraient générer un manque à gagner de l’ordre de treize milliards huit cent quatre-vingt-dix millions soixante-trois mille cinquante-six (13 890 063 056) francs CFA sur la période. Ce manque à gagner qui constitue une dépense fiscale aura pour contrepartie la création d’entreprises et d’emplois, la formalisation des entreprises et l’élargissement de l’assiette fiscale dans le moyen et long terme.

S : Quels sont les dispositifs mis en place afin que la loi ne profite qu’aux bénéficiaires effectifs ?

I.O. : Le gouvernement met en œuvre des actions de communication pour informer les PME des nouvelles mesures d’incitations fiscales et douanières. Ces actions prennent en compte les actions habituelles de communication, la presse sous toutes ses formes, le réseau administratif ou étatique, les réseaux sociaux et les sessions d’information et de communication au profit des faitières des entreprises.

S : Quel est votre appel à l’endroit des entreprises ?

I.O. : J’invite les entreprises éligibles à faire siennes ces mesures mises en œuvre par le gouvernement pour les accompagner dans le développement de leurs affaires. Je les exhorte à s’approcher des services techniques du ministère de l’Economie, des Finances et de la Prospective et de ceux du ministère du Commerce en charge des PME pour tout besoin d’informations.

Interview réalisée par Boukary BONKOUNGOU

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