Institutions d’enseignement supérieur et de recherche : du wifi à « gogo » dans les universités publiques

Les étudiants, enseignants, chercheurs et le personnel administratif des Institutions d’enseignement supérieur et de recherche (IESR) ont désormais accès, à titre gracieux, à un wifi « haut débit » dans les salles de cours, de travaux pratiques, de laboratoire, d’informatique et les services pour faciliter l’e-recherche, l’e-formation, l’e-gouvernance … Immersion dans l’univers de la connexion wifi des universités publiques, Joseph-Ki-Zerbo (Ouagadougou) et Norbert-Zongo (Koudougou) où malgré la nécessité d’interconnecter davantage toutes les infrastructures et augmenter le débit, le monde universitaire semble s’en réjouir.

A l’amphithéâtre Sciences exactes appliquées (SEA) de l’Université Joseph-Ki-Zerbo (UJKZ), ce lundi 8 juillet 2024, des étudiants de première année en mathématiques, peu bavards, traitent des exercices de probabilité au tableau. D’autres, issus de filières différentes, sur des sièges, ont les yeux rivés sur leurs téléphones et/ou ordinateurs. Au même moment, Ibrahim Ouédraogo, étudiant en 1re année de Physique et ingénierie de l’énergie, à l’Université virtuelle du Burkina Faso (UV-BF), vient de faire son entrée. Il se dirige vers les chaises arrière et s’y installe. Aussitôt assis, il allume son ordinateur. Un clic sur la barre d’outils et le « WIFI-IESR » s’affiche. Un portail captif s’ouvre.

L’accès à internet renforce la culture générale des étudiants.

Par cette interface, l’ancien élève du lycée municipal de Yagma renseigne les codes de l’INE (Identifiant national étudiant) et le mot de passe personnel. Les soucis d’un « désespéré » de la connexion semblent être un oubli. Il a accès à un wifi et se met à télécharger le support numérique du cours de chimie organique. Non bénéficiaire du Fonds national pour l’éducation et la recherche (FONER) et sans moyens de déplacement, lui, qui, éprouvait des difficultés, pour suivre les cours en ligne au quartier Bissighin dans l’arrondissement 8 de Ouagadougou trouve, ici, une solution à ses problèmes. « Au quartier, j’avais quelques mégas. J’ai activé les données mobiles, espérant pouvoir télécharger les cours envoyés sur la plateforme WhatsApp de la promotion. Le réseau vacillait. C’est à la recherche d’un endroit doté de wifi pour satisfaire mes besoins que je me suis retrouvé à l’université Joseph-Ki-Zerbo pour me connecter au wifi gratuit », explique le natif de Gourcy, une province située dans la région du Nord. A l’Université virtuelle, fait-il savoir, les cours et les devoirs se passent en ligne. Avec ce wifi, une épine de moins. Sans revenu, l’étudiant témoigne, tout souriant, sa gratitude à ceux qui ont consentis des efforts pour le déploiement du wifi gratuit à l’université.

« Le wifi, il le fallait… »

A la DSI de l’UJKZ, le stagiaire Aziz Kabré (droite), recherche les mises à jour d’un ordinateur par la connexion.

De l’intérieur comme à l’extérieur des amphithéâtres et services administratifs, les équipements « indoor » et « out door » du wifi, sont perceptibles. Ils sont fixés sur ces infrastructures interconnectées et offrent une connectivité dans tous les environnements sur une portée d’au moins 80 mètres. Couchée sous un manguier entre l’amphithéâtre et le bâtiment SEA, les yeux « braqués » sur un téléphone portable, Alizèta Sango, étudiante en 2e année d’Anglais, utilise internet pour approfondir ses connaissances acquises en classe sur le module « Course of academy writting ». Admise au Baccalauréat, série A, au lycée évangélique de Zabré, dans la région du Centre-Est en 2022, elle, qui dit connaitre les réalités de la vie estudiantine, trouve que la connexion gratuite a de multiples avantages. « Franchement, ce wifi, il le fallait. Avant, il fallait recharger les unités pour s’acheter des mégas. Pourtant, sans FONER et loin des parents, c’est la croix et la bannière. Cette situation restreignait nos performances. La majorité des bons documents sont en ligne », lâche-t-elle. Emilienne Gouba est aussi étudiante en 1re année d’Histoire et archéologie. Au même endroit, elle est en train de rechercher en ligne, des questions à choix multiples afin de réussir son devoir sur la matière : « Le Burkina Faso de la préhistoire à la fin du XIXe siècle : les peuples de l’Ouest et du Sud-Ouest », prévu le 22 juillet. Les doigts sur l’écran tactile du téléphone, elle tente plusieurs options dans l’espoir de trouver des anciens devoirs, traités et corrigés sur la matière. La connexion, le « jus du savoir », soutient la jeune étudiante, nourrit l’esprit en matière d’éducation, de la communication et de partage d’informations.

Connexion sans restriction

Les agents de la SONABEL sont en quête de solution pour résoudre l’incident ayant perturbé la connexion.

Pour l’instant avec une connexion internet sans restriction, aucune plateforme n’est privilégiée. « Youtube », « Facebook », « Tik Tok » … sont tous accessibles en tout lieu, via le Wifi-IESR. Nous trouvons Mahamadou Traoré, étudiant en 1re année de Physique et ingénierie de l’énergie au département des sciences fondamentales à l’UV-BF dans la salle des mathématiques, au bâtiment de l’UFR-SEA. Sur Youtube, il suit : « Histoire de Marien N’Gouabi, Congo Brazzaville ». Le choix de sa filière, dit-il, ne l’empêche pas de chercher à comprendre l’histoire, surtout que la connexion « sans bourse délier » profite à tous. A un jet de pierre de ces locaux, à la Direction des services informatiques (DSI), particulièrement au « service support », le couloir refuse des étudiants, inscrits pour le programme « Un étudiant, un ordinateur », toutes filières confondues. Pour diverses raisons, certains viennent souhaiter une assistance pour l’installation des anti-virus, logiciels et l’activation des offices. D’autres, désirent un accompagnement pour résoudre les problèmes liés aux comptes « Campus Faso ». Ils sont accueillis par Abdoul Aziz Kabré, étudiant en fin de cycle à l’Institut de formation ouverte et à distance (IFOAD), option Génie logiciel et stagiaire à la DSI. Les services sollicités nécessitent parfois la connexion internet, fait-il savoir. Pour lui, le wifi vient apporter un plus à la communauté universitaire. Il fluidifie au mieux les recherches et permet d’acquérir de nouvelles connaissances. Auparavant, les difficultés étaient perceptibles, surtout à la filière Informatique appliquée, où il y a eu, soutient le stagiaire, une évolution. « Il fallait impérativement se connecter, car les cours étaient en ligne. Il faut souscrire au minimum 2 Giga octets (Go) à chaque fois. Pourtant, il est difficile de suivre deux cours successifs avec ladite souscription. Cette connexion vient combler un vide », révèle-t-il. La connexion à l’UJKZ, martèle le DSI, Jean Armand Yanogo, apporte une nette amélioration des travaux des étudiants, des enseignants et du personnel administratif.
Les doigts sur le clavier, la directrice de l’Unité de formation et de recherche en Sciences de la santé (UFR/SDS) Estelle Noëla Hoyo Youl, éprouve une satisfaction. Elle et ses collaborateurs, qui se connectaient au réseau particulier « WIFI CEA-CFOREM », trouvent que le WIFI-IESR, est la bienvenue. Les conditions de travail se sont améliorées et les services connectés. « Avant, nous n’avions qu’un code par poste. Tous les postes n’avaient pas de code de connexion au CEA-CFOREM. De plus, les codes devaient
être changés régulièrement. Actuellement, avec le numéro matricule, c’est plus simple avec le WIFI-IESR », se réjouit le professeur titulaire en pharmacologie.

Renforcer la capacité de stockage

Non seulement, précise Pr Youl , la connexion facilite les procédures administratives comme les inscriptions, la transmission du courrier et mail, mais aussi, elle permet aux enseignants de préparer leurs modules de cours et les recherches. En cette journée, le soleil rayonnant poursuit sa course vers le zénith. Une équipe de la Société nationale d’électricité du Burkina (SONABEL), s’attèle à résoudre un incident produit sur un câble électrique souterrain entre la direction des affaires académiques de l’orientation et de l’information et la DSI. Cet incident a alors engendré une interruption de la connexion, il y a quelques jours, foi du DSI, Jean Armand Yanogo. Le câble, reliant le compteur électrique à la DSI a été sectionné. Un générateur électrique est alors actionné pour le relais. Au-delà
de cet incident malheureux, les acteurs du système académique souhaitent le renforcement de la capacité de stockage et de calcul des équipements. Ce, pour rendre le système plus performant. Le DSI de l’UJKZ recommande d’étoffer les points d’accès et d’améliorer la vitesse de la connexion, car, précise-t-il, « quelques zones blanches restent ».

Un instrument de réseautage

A l’Université Norbert-Zongo (UNZ), en cet après-midi du 11 juillet 2024, enseignants et étudiants sont déjà dans les salles de cours. Des habitants de la ville ont pris d’assaut les espaces vides pour cultiver des arachides. Sous les arbres, des étudiants, munis de supports physiques ou de téléphones portables révisent leurs cours. Quelques minutes de marche vers l’amphi 500 à une dizaine de mètres des locaux de l’UFR/SEG, nous apercevons Koudougou Zongo, en 2e année de l’Ecole doctorale lettres, arts, communication, sciences humaines et sociales. En quête de son diplôme de 3e cycle sur : « La place des TIC dans le développement professionnel des enseignants du primaire au Burkina Faso », le doctorant dit être obligé d’élargir la collecte des données et informations via des recherches documentaires accessibles en ligne. « Il y a des bibliothèques en ligne qui nécessitent forcément un abonnement.

Cela ne peut se faire sans la connexion. Récemment, j’ai même assisté par visioconférence à une communication avec des responsables de l’école normale supérieure d’Abidjan. Obligatoirement, il fallait trouver une connexion haut-débit. L’internet est devenu aujourd’hui, un outil indispensable. Particulièrement, il assure une communication efficace et une mise en contact avec d’autres chercheurs », explique avec conviction, celui qui mène ses recherches sur l’importance des TIC. Au milieu de l’amphi 1000, Rodrigue Guissou, étudiant en 3e année de Sciences de la vie et de la terre, option Biologie générale, prend des notes de recherches. Un ordinateur sur la table, les yeux sur le calepin, lui qui est aussi le délégué général des étudiants de l’Unité de formation et de recherche, sciences et techniques (UFR/ST) argue qu’avant l’interconnexion des bâtiments, les conditions n’étaient pas réunies pour les recherches. « Surtout au niveau des filières où les étudiants sont obligés parfois de faire des exposés, certains sont contraints de cotiser par groupe de personnes pour se retrouver, soit dans un cyber, soit chez des particuliers qui monnaient la connexion. Une situation difficilement tenable pour des apprenants aux conditions de vie parfois précaires », relève-t-il.

Des recherches au rabais

Avec la crise sécuritaire, de nombreux étudiants, dévoile-t-il, n’arrivent plus à bénéficier du soutien de leurs parents. Faute de moyens, ils font recours au réseau social « Facebook » pour espérer trouver des solutions aux recherches qui leur sont soumises. « Nous assistions souvent à des scènes étonnantes. A travers certains groupes ou des pages Facebook, ils essaient de
collecter quelques informations. D’autres étaient parfois obligés de rentrer en contact avec des aînés qui, d’ailleurs, ne sont plus sur le campus. Cela contribue à une formation au rabais. Comment peut-on récolter de bons fruits à cette allure ? », fulmine-t-il. Dans des filières scientifiques comme l’Informatique, le « biologiste » déplore le fait que la formation était plutôt axée sur la théorie que la pratique. A la présidence de l’université, le vice-président chargé des enseignements et des innovations pédagogiques (VP-EIP) de l’UNZ, Allain Gnabahou, vient d’achever la correction automatique des copies du devoir de Thermodynamique physique des étudiants en 2e année de Mathématiques-physique-informatique, au moyen du logiciel « Auto multiple choice ».

Surveiller les salles de cours

Le VP-EIP de l’université Norbert-Zongo, Allain Gnabahou : « la connexion va permettre aux étudiants et enseignants-chercheurs de mener en commun des travaux en ligne ».

La connexion dans les IESR soutient-il, est un impératif pour la communauté universitaire. Elle demeure un outil incontournable pour faire parvenir les notes aux étudiants via les plateformes numériques, à l’issue des corrections automatiques.
Avec la normalisation des années académiques, l’UNZ, confie M. Gnabahou, a réussi à former les enseignants à la mise en ligne des cours, mais le problème de connexion se posait. « Désormais, il n’y a plus de prétexte. Les enseignants formés peuvent commencer déjà à mettre en ligne les cours. Ce système va résoudre surtout l’insuffisance des infrastructures. Les étudiants peuvent rester dans les salles d’études puis télécharger les cours », défend-t-il. Une aubaine, car avec l’installation de la fibre optique, l’université prévoit centraliser la surveillance des salles de cours, de travaux pratiques, de laboratoire … en vue de disposer d’une vue d’ensemble des infrastructures. Dans l’expectative des résultats de la deuxième session de License 1, Herman Zougmoré, étudiant en 1re année de Sciences de la vie et de la terre, rencontré sur les escaliers à l’extérieur du bâtiment PSUT, dit être venu de la cité Edouard-Ouédraogo pour profiter de la connexion. Sur la barre de recherche du smartphone, il introduit : « nom des procaryotes » afin de se remémorer des notions du cours « Cellule et virus ».

Une dizaine de minutes passées, les résultats en cours de traitement n’affichent aucune donnée. Une autre tentative de connexion à WhapsApp dans l’espoir de recevoir de nouveaux messages, mais le signal est faible. Pour ce dernier cas, le directeur des services informatiques de l’UNZ, Paonouor Somé, explique qu’il y a nécessité de prévoir une augmentation de la bande passante. Pour les heures non ouvrables, les weekends et les soirs où les utilisateurs sont moindres, des étudiants arrivent même à télécharger des vidéos. « Toute personne dans l’enceinte de l’UNZ a accès au wifi, contrairement à l’UJKZ où les INE, le mot de passe et le numéro matricule sont obligatoires pour les étudiants, enseignants et personnel administratif. Donc, à des périodes de pointe où il y a assez d’utilisateurs, il est difficile d’avoir une connexion à la hauteur des attentes », précise-t-il. De plus, note-t-il, s’il y a un incident depuis Ouagadougou, toutes les universités qui gravitent autour du datacenter principal n’ont pas la connexion.
« Une seconde solution avait été proposée pour la redondance, c’est-à-dire piquer un nœud à l’université Nazi-Boni de telle sorte que, lorsqu’il y a une panne, l’autre prend le relai en vue de contrer les ruptures de service », relate-t-il. Toujours au bénéfice du monde universitaire, l’informaticien souhaite de revoir à la hausse les points d’accès.

Oumarou RABO


Pr Adjima Tiombiano, ministre en charge de l’Enseignement supérieur
« Le wifi est un droit pour les universitaires »

« Aujourd’hui, avec le système Licence-Master-Doctorat, tel que conçu, l’accès à internet est un droit pour les étudiants et les enseignants-chercheurs. La question de connexion a toujours fait l’objet de revendication des étudiants pour une mise en œuvre réussie du LMD. Il est prévu dans l’architecture, un temps imparti à l’étudiant. Ce temps est consacré pour approfondir les connaissances acquises dans les classes. C’est pourquoi, la connexion demeure un outil indispensable pour avoir accès aux ressources en ligne. Pendant les cours, les enseignants eux-mêmes ont besoin de se déporter sur d’autres sites, pour mieux faire comprendre et assimiler les connaissances. A partir du moment où les étudiants peuvent accéder aux mêmes ressources que l’enseignant, ce dernier est dans l’obligation d’assurer une mise à jour des cours. La solution internet offre, en outre, une opportunité à la diaspora. Elle permet d’apporter sa contribution patriotique pour asseoir véritablement une élite de qualité. Il y a des enseignants-chercheurs compétents mais qui, pour diverses contraintes, notamment de temps et de moyens, n’arrivent pas à venir pour des cours en présentiel. L’interconnexion des IESR nous amène à développer une certaine souveraineté. Toute chose qui entre en parfaite harmonie avec la vision des autorités actuelles ».

Propos recueillis par OR

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