Interconnexion électrique Bolgatanga-Ouagadougou : l’économie de 25 villages boostée

Le projet d’interconnexion électrique de 225 KV Bolgatanga-Ouagadougou longue de 188 Km (171 au Burkina Faso et 17 au Ghana) a permis, entre autres, l’électrification de 25 villages et la fourniture de trois autotransformateurs à Ziniaré et Koupèla. Une visite dans quelques-unes des localités connectées au réseau électrique de la Société nationale burkinabè d’électricité (SONABEL) a permis de mesurer les retombées de l’initiative.

Localité située sur l’axe Pô-Dakola, dans la province du Nahouri, Tambolo fait partie des 25 villages du Burkina Faso qui bénéficient de l’interconnexion électrique de 225 KV Bolgatanga-Ouagadougou. Depuis plus d’un an, le village est connecté au réseau électrique de la Société nationale burkinabè d’électricité (SONABEL). Dans sa boutique située au bord de la grande voie qui traverse Tambolo, Bawoum Kouyaouré, âgée de 21 ans et mère d’une fillette de deux ans, fait des va-et-vient entre ses deux réfrigérateurs et ses étagères pour servir des jus de fruits et d’autres articles. Taciturne au départ, lorsqu’elle prend connaissance de l’objet de la présence des visiteurs, sa langue se délie. L’électrification de son village est, selon elle, une initiative « bien pensée » et «salutaire ».

Avec ses plaques solaires qui lui fournissaient de l’énergie une partie de la journée, dame Bawoum dispose désormais de l’électricité en permanence. C’est d’ailleurs ce qui l’a encouragée à acheter un grand réfrigérateur et un petit. Le premier sert à rafraîchir la boisson pour son bar-restaurant qui jouxte sa boutique, tandis que le second est utilisé pour conserver les jus de bissap, le yaourt et le dêguê. Du coup, ses recettes journalières ont doublé grâce à l’électricité. « Avant, la vente des jus me rapportait entre 10 000 et 15 000 F CFA par jour. Maintenant, avec le réfrigérateur, j’arrive à en produire beaucoup et à bien les conserver. Ce qui fait que la vente quotidienne atteint parfois 30 000 F CFA », confie Bawoum Kouyaouré, toute souriante. Les recettes de son bar-restaurant sont également en nette progression, puisqu’elle arrive à servir de la boisson fraîche en permanence. Lorsque la bière est bien fraîche, dit-elle, les clients s’attablent plus longtemps. L’autre avantage de sa connexion au réseau électrique, avance la gérante de boutique, est qu’elle peut travailler jusqu’à des heures tardives.

Pour ce qui est des charges d’électricité, Bawoum Kouyaouré, affirme qu’elles sont supportables. « Le compteur cash power est très pratique aussi. On peut se procurer des KW à tout moment », rassure la jeune dame qui a interrompu son cursus scolaire en classe de 2nde. Badongo est un autre village de la province du Nahouri.
Logés au creux des collines, dans un paysage luxuriant, quelques habitants avaient de l’électricité grâce à une coopérative privée spécialisée dans la production de l’électricité. Actuellement, Badongo est connecté au réseau électrique de la SONABEL grâce au projet d’interconnexion Bolgatanga-Ouagadougou. Dominique Ahoubè, soudeur de profession, 43 ans, marié et père de quatre enfants est un homme comblé qui a vu son chiffre d’affaires augmenter avec l’avènement du courant électrique dans son village. En plein travail dans son atelier, il livre ses confidences entre des étincelles produites par son instrument de soudure.

« L’électricité est très capitale dans mon travail. Depuis que je suis connecté au réseau de la SONABEL, j’arrive à honorer de grosses commandes. Je viens d’achever la construction d’une maison confortable », se réjouit-t-il. Grâce à l’électricité, Dominique Ahoubè arrive à faire fonctionner sa couveuse pour son petit élevage de volaille. Le compteur familial permet à ses enfants d’étudier dans de meilleures conditions la nuit tombée. M. Ahoubè pense que la venue de l’électricité dans son village a boosté l’activité économique. De nombreux jeunes ont ouvert qui des bars, qui des vidéos clubs. Depuis un certain temps, constate-t-il, les jeunes vont de moins en moins au Ghana, puisqu’ils peuvent entreprendre de petites activités sur place grâce à l’électrification du village. Aux ménages qui hésitent encore à se raccorder au réseau, le soudeur suggère de franchir le pas d’autant plus que les charges sont relativement « supportables ».

Le projet d’interconnexion Bolgatanga-Ouagadougou profite à d’autres villages dans la province du Bazèga. C’est le cas de Koussala, située à quelques Km de Kombissiri.
Le vieux Salifou Kiendré-beogo est l’un des premiers abonnés au réseau électrique.
Toutes les maisons, dans sa vaste concession, sont électrifiées. « C’est avec une grande satisfaction que nous avons accueilli l’électricité dans notre village. Les ménages qui ont pu se connecter au réseau ont de l’éclairage la nuit. Nous n’avons plus de soucis pour charger nos portables. D’autres activités comme la soudure sont en train de se développer à Koussala », détaille le patriarche, entouré de quelques membres de sa famille.
Dans ce village, ce sont environ une centaine de ménages qui sont raccordés au réseau électrique de la SONABEL.

Plus de poteaux électriques

De l’avis du conseiller municipal du village, El hadj Boukary Kiendré-béogo, d’autres ménages attendent de profiter de l’électricité.
C’est pourquoi il souhaite que les poteaux électriques puissent s’étendre aux autres quartiers de Koussala.

Au Centre de santé publique et de promotion sociale (CSPS) de Dagoumba, l’électricité améliore un tant soit peu les conditions de travail du personnel soignant. Contraire au dispensaire, la maternité est encore en attente d’être électrifiée. Toutefois, l’accoucheuse auxiliaire, Madeleine Oumsaoré / Ouédraogo, en service depuis quatre ans dans le CSPS, se réjouit de cette nouvelle situation.

« Avant, les consultations, pendant la nuit, étaient difficiles. Maintenant, à n’importe quelle heure, nous n’avons pas de souci à recevoir les patients », déclare-t-elle.
C’est pourquoi elle appelle de tous ses vœux, l’électrification de la maternité qui est jusque-là alimentée par une plaque solaire.
Le bâtiment qui abrite la maternité est distant de celui du dispensaire.
Ce qui nécessite l’implantation de poteaux pour que l’électricité puisse y arriver. Le Comité de gestion (COGES), précise-t-elle, est préoccupé par la situation, mais faute de moyens conséquents, il va falloir prendre son mal en patience.
A l’instar de Dagoumba, le CSPS de Pissy est alimenté en électricité par le biais du projet d’interconnexion Bolgatanga-Ouagadougou.

Travailler de jour comme de nuit

Dans la province du Kadiogo, Tinssouka, village situé à quelques Km de la commune de Tanghin-Dassouri, est traversé de part et d’autre par des poteaux électriques depuis deux ans. L’activité économique a pris un relatif envol.
De nombreux ménages, des débits de boisson et quelques ateliers de couture sont connectés au réseau électrique de la SONABEL. Depuis qu’Abdoul Aziz Kaboré dispose du courant électrique dans son atelier de couture, il arrive à honorer sa pléiade de rendez-vous avec ses clients.

« Avec l’électricité, je travaille jusque tard dans la nuit. Ce qui était autrefois impossible. En plus, les conditions de travail se sont améliorées », laisse entendre M. Kaboré.
Ayant le sens du business, il a même installé une console de jeu électrique devant sa porte. Ce qui suscite une forte affluence de jeunes devant l’atelier de couture.
Pour le Directeur du transport et des mouvements d’énergie de la SONABEL, Pascal Hèma, l’apport de la ligne d’interconnexion dans la satisfaction des besoins énergétiques du Burkina Faso est d’une grande importance.

« La ligne d’interconnexion électrique Bolgatanga-Ouagadougou a une contribution très significative dans la satisfaction des besoins en énergie électrique du Burkina. La SONABEL importe une puissance de plus de 100 MW, soit au moins 25% des besoins du Ghana à partir de cette ligne», détaille-t-il.

A l’entendre, les raisons qui ont motivé l’électrification des 25 localités le long de la ligne qui ne sont pas forcément d’importants centres de consommation sont simples : tous les Burkinabè ont droit à l’électricité.

« Il fallait trouver un moyen pour alimenter les localités traversées par cette ligne. La SONABEL a utilisé une technologie qui exploite la ligne d’interconnexion pour les alimenter. Cette technologie s’appelle système d’alimentation par Câble de Garde isolé », conclut Pascal Hèma.

Karim BADOLO

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