Jardin polyvalent à l’arrondissement 3 de Ouagadougou : Un havre de biodiversité et de prospérité

2- Un site jadis dénudé, récupéré et valorisé avec plus de 6000 arbres de 207 espèces végétales locales et exotiques.

Au secteur 16 (quartier Tampouy) de l’arrondissement 3 de Ouagadougou se trouve un vert d’une superficie de 4,26 ha aménagé par l’Amicale des femmes forestières du Burkina (AMIFOB). A travers la détermination et la solidarité des membres, cet espace est un jardin écologique polyvalent, un exemple remarquable de préservation de l’environnement et de lutte contre la pauvreté.

Elles sont forestières et environnementalistes, travailleurs de la fonction publique ou du privé. Elles sont estimées à près de 300 reparties dans tout le pays. Elles ont un idéal en commun : la gestion des espaces verts, la promotion de la biodiversité et la lutte contre la pauvreté. Elles, c’est l’Amicale des Forestières du Burkina (AMIFOB).

Grâce à la persévérance et la détermination, l’AMIFOB contribue depuis plus d’une vingtaine d’années à l’amélioration des conditions de vie des communautés environnantes à travers un espace vert devenu aujourd’hui, une unité de production agro-sylvo-pastorale qui combine préservation de l’environnement, autosuffisance alimentaire et lutte contre la pauvreté. En d’autres termes, c’est une ferme écologique avec plusieurs activités telles que les productions forestières et maraichères, la valorisation des produits forestiers non ligneux et la réalisation d’autres activités génératrices de revenus.

 

1- La présidente de l’AMIFOB Cécilia Somé « Ce jardin écologique polyvalent est l’un des rares espaces verts éducatifs de la ville de Ouagadougou qui risque de disparaitre si rien n’est fait pour sa sauvegarde ».

Cette niche écologique d’une superficie de 4,26 ha est située secteur 16 (quartier Tampouy) de l’arrondissement 3 de Ouagadougou. L’espace vert aménagé est limité à l’Est par la mairie de l’arrondissement 3 (ex-Signoghin), à l’Ouest par un camp de la Compagnie républicaine de sécurité, au Nord par les écoles primaires de Tampouy (A, B et C) et au sud par une cité.

L’histoire de l’AMIFOB selon la présidente Cécilia Somé débute dans les années 90 où initialement, un groupe informel, l’association s’est développée à travers de petites activités pour devenir une force motrice dans la préservation de l’environnement et de la lutte contre la pauvreté. « En 1997, l’ancien maire de Ouagadougou Simon Compaoré avait entrepris d’aménager des espaces verts dans la ville. Nous avons estimé qu’il faut l’accompagner dans ce projet», déclare- Cécilia Somé par ailleurs ingénieur des eaux et forêts à la retraite.

Une centaine de personnes en majorité des femmes nécessiteuses y gagnent leurs vies.

Dans sa stratégie d’impliquer les populations environnantes et de lutter contre la pauvreté, l’AMIFOB a approché des femmes collectrices d’agrégats (sable, gravillons…) sur les voies pour leur partager le projet d’aménagement d’un espace vert. Une idée qu’elles ont trouvée géniale et marqué leur accord.

Une centaine de femmes encadrées

A ce jour, elles sont une centaine de femmes regroupées en association (Nabonswendé) en majorité des chefs de ménages (veuves, célibataires), formées par l’AMIFOB pour exploiter le jardin polyvalent. Ces femmes entretiennent les arbres plantés et assurent la surveillance du jardin dans la journée. Elles sont aidées parfois dans leurs tâches par des hommes qui pour la plupart sont leurs enfants. A ce jour, l’arboretum réalisé par ces ex-collectrices d’agrégats se compose d’espèces locales et exotiques adaptées au climat local. « Elles ont diversifié les activités telles que la transformation des produits forestiers, le micro-jardinage hors sol, et même l’élevage et la pisciculture, bien que ces derniers n’aient pas été couronnés de succès », ajoute Cécila Somé.

 

Mariam Kaboré une ex-collectrice d’agrégats visiblement heureuse dit gagner sa vie à travers l’activité du jardinage dans le jardin polyvalent.

Ce mercredi 25 octobre 2023 dans la mi-journée, comme à leur habitude, elles donnent vie à la terre, elles arrosent les plantes, remuent la terre avec la daba, contrôlent les jeunes plantes et vérifient les nouvelles espèces plantées. Leur va et vient des femmes entre la pompe et leur jardin potager arrosoir en main sont parfois accompagnés de petits chants. Un signe qui traduit la bonne humeur. C’est le cas chez Mariam Kaboré mère de quatre enfants, la quarantaine bien sonnée. Détentrice de deux planches pour le jardinage, elle produit de la salade qu’elle livre à des détaillants. Mariam Kaboré confie qu’elle passe pratiquement toute la journée dans ce jardin polyvalent.

La présidente de l’association Nabonswendé Salimata Dao, « Il faut que les autorités nous aident à sauvegarder cet endroit qui est très utile pour nous les femmes démunies

La présidente de l’association Nabonswendé Salimata Dao, veuve et mère de huit enfants souligne qu’elle est sur ce site depuis les débuts du projet. « Les revenus des produits maraichers nous permettent de nourrir et payer la scolarité de nos enfants et même les soigner. Si je n’étais pas ici, les choses allaient être difficiles pour moi parce que mes enfants sont très jeunes. Grâce à ces espèces, je soigne souvent mes enfants à l’indigénat et ça marche », indique Dame Dao.

Grâce à des financements que l’AMIFOB a bénéficié de certaines institutions de la place, le site est clôturé en matériaux définitifs et dispose d’une salle de formation pour les femmes.

Un microclimat dans la zone

 

Le jardin est un site d’éducation environnementale et de diversité biologique (récoltes d’herbiers par les élèves et étudiants, visites guidées de reconnaissance des espèces, etc.).

A en croire la présidente de l’AMIFOB, ce jardin écologique polyvalent a créé un microclimat dans la zone, permettant aux habitants de se détendre, étudier, et même à des artistes et cinéastes de s’inspirer du site. Pour elle, le jardin est devenu un lieu de reconnaissance pour les élèves de tous niveaux, de l’université aux écoles primaires, qui viennent ici pour étudier la variété des espèces locales. «Vous avez vu que ça ressemble à un peu à Bangr-weoogo», dit-elle avec un brin d’humour.

Cependant, ce jardin écologique est fortement menacé de disparaitre du fait de la pression des activités commerciales. En effet, des buvettes et des bars installés à proximité « grignotent » de façon progressive une partie du site. La situation actuelle du jardin est alarmante au point que tous les investissements et acquis du jardin sont en train d’être perdus ou dégradés.

De l’avis de Cécilia Somé, un grand nombre d’arbres a été coupé, arraché ou mutilé pour les besoins de réaménagement des opérateurs privés. Des parties réservées pour le maraichage et autres jardins nutritifs ont été accaparés. Des unités d’essais mises en place par l’INERA (essais arbres fruitiers greffés, essais variétés de moringa, etc.), ont été perturbées. « Le jardin qui était un espace propice pour les études, l’éducation environnementale est devenu un espace de nuisances diverses (sonore, dépravation des mœurs, etc.) », poursuit-elle.

L’occupation du jardin écologique polyvalent de l’AMIFOB vient rappeler et reposer la problématique globale de l’occupation illégale des espaces verts et autres infrastructures vertes (aires classées, ceintures et trames vertes, bosquets, aménagements d’embellissement, plantations d’alignement, etc.) au Burkina Faso. Cette situation interpelle les autorités municipales, mais aussi le ministère en charge de l’Environnement, de l’Eau et de l’Assainissement en tant que garant de la préservation de l’environnement en général et particulièrement de la gestion des espaces verts.

Paténéma Oumar OUEDRAOGO

pathnema@gmail.com

 

 

Encadré

Un riche arboretum

Selon l’Inventaire forestier national 2 réalisé sur cet espace vert présente entre autres :

  • un arboretum sur une superficie de plus de deux ha comprenant 52 espèces locales, 31 espèces exotiques, 29 espèces ornementales et 48 espèces herbacées;
  • Des jardins maraichers et nutritifs où sont produites 32 espèces potagères;
  • Des infrastructures et équipements : trois forages dont un équipé de pompe solaire, deux puits à grands diamètres busés ;
  • Une salle de formation, des bureaux, une unité de transformation des PFNL, une boutique de vente des produits du jardin, une unité d’élevage, un magasin, une plateforme de compostage, quatre latrines, etc.

POO

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