La tribalisation

Depuis l’assassinat du colonel Mouammar Kadhafi en 2011, qui a consacré la partition de fait de la Libye et la première guerre civile qui en a résulté, le pays oscille entre paix fourrée et affrontements armés sanglants, le tout sur fond de tribalisation avancée, ce qui, a posteriori, rend encore plus gigantesque l’œuvre de Khadafi qui avait réussi la prouesse de lui donner une unité nationale en dépit d’une aversion avouée entre les différentes tribus bédouines depuis l’Antiquité.

Faut-il le rappeler, les habitants de la Tripolitaine (Tripoli, Misurata) n’ont jamais vécu en bonne intelligence avec ceux de la Cyrénaïque (Benghazi, Tobrouk) le tout sous l’œil méfiant de ceux du Fezzan jaloux eux-aussi de leur “souveraineté”. Une mosaïque de tribus bédouines cohabitant par ailleurs avec les Toubous (noirs) au sud-ouest frontalier avec le Tchad sur lequel ils “débordent” du reste.

A force d’alliances politiques, matrimoniales et de compromis gouvernementaux, le Guide libyen tenait ce beau monde en respect fusse à coups de palabres interminables sous les tentes dans le féerique désert libyen. La mort du Guide a donc fait sauter le couvercle et la cocotte-minute a littéralement explosé autour d’un principal enjeu, le pétrole. Un manque de flair politico-stratégique dont, (comparaison n’est pas raison) n’a pas fait montre Bachar El-Assad qui se trouve actuellement en exil avec de la perte de son pouvoir. Khadafi est
donc devenu l’espoir assassiné du continent africain dont il voulait hâter l’unification monétaire à travers la création d’une banque centrale africaine après avoir porté sur les fonts baptismaux l’Union africaine en 1999.

Exit donc le fougueux et visionnaire colonel et place à des “chefaillons” spécialisés dans les deals allant du pétrole aux ventes d’armes et accessoirement à la location de combattants sur divers fronts. Un capharnaüm qui relègue au second plan la question nationale qui, comme sus-indiquée, n’a jamais été prégnante en Libye. Les tribus ont donc repris leur autonomie sous les tentes et attendent les subsides que les différents camps leur versent pour obtenir leur neutralité à défaut de leur allégeance. Une régression historique pour un pays qui voulait être l’épicentre de l’unité africaine, confortant l’idée d’une malédiction des descendants de Cham, père biblique des Noirs.

Avec les conflits que vivent toutes les latitudes du continent et l’incurie de l’Union africaine qui reste jusqu’à présent la voix de son maître, la voie de l’indépendance est plus étriquée et compliquée que jamais. Le Sahel qui est en proie à une guerre impérialiste l’illustre bien, même si la résolution des dirigeants de la région suscite des motifs d’espérance. Le flambeau des devanciers est bien tenu et si longue que soit la nuit, le jour poindra. Alors, Khadafi et tous ses prédécesseurs progressistes et patriotes dormiront en paix. Qui a dit que la tragédie des peuples révélait les grands hommes ?

Boubakar SY

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