Présent au Burkina dans le cadre d’un tournoi de détection de jeunes footballeurs, Noël Barkley, neuroscientifique, chercheur en neurosciences spécialiste de la colonne vertébrale exerçant au Luxembourg depuis plus de 16 ans a décliné son nouveau projet pour le Burkina à travers un point de presse.
Sidwaya (S): Quel est la portée du projet pour le Burkina Faso ?
Noël Barkley (N.B.): suis là pour mener à bien un projet éducatif collectif, dans un pays de l’authenticité comme j’aime toujours à l’appeler, le Burkina Faso. Il s’agit d’un projet novateur dans le domaine de l’éducation. À ce niveau, je pense que l’Afrique a besoin de nouveaux paradigmes adaptés à ses valeurs et ses possibilités. En tant que neuroscientifique, nous voudrions mettre en place, mon équipe et moi, quelque chose qui est en adéquation avec la vision africaine du futur.
S: La vision africaine c’est à dire ?
N.B.: La vision africaine c’est l’adaptation à nos besoins spécifiques réels, notre culture et l’utilisation de nos ressources à bon escient. La mise en place d’un système qui va avec beaucoup de diversités et de variétés pour permettre aux jeunes de développer leurs capacités, de pouvoir développer énormément des choses conformes aux besoins de l’Afrique. Car, l’Afrique regorge de talents et de génies qui s’ignorent ou qu’on ignore du fait des systèmes éducatifs non adaptés qui ne tiennent pas compte de l’endroit où sont traitées les informations par le cerveau. Par exemple, le cerveau est divisé en deux parties, l’hémisphère gauche et droit. Si un enfant est créatif, il aura l’hémisphère droit plus développer. Alors, il faut l’encourager dans ses capacités naturelles. C’est la même chose pour l’hémisphère gauche qui est celui de l’analyse et de la rationalité. A cela, il faut ajouter les habilités naturelles qui méritent d’être valorisées. Pour ce faire, nous devons connaître et comprendre le cerveau. En fonction de ma spécialité, je parlerai de neuroéducation. Elle est là fille de la rencontre entre neurosciences et éducation. Aujourd’hui, avec l’évolution des neurosciences et les progrès au niveau des imageries médicales, notamment l’électroenceohogramme, la magnétoencéphalographie et surtout l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle) etc., nous pouvons observer le cerveau d’un sujet apprenant et connaître avec exactitude les zones sollicitées, les aires cérébrales etc. Les capacités des enfants sont illimitées et chaque cerveau est unique. Avec la neuroeducation, nous allons tirer le maximum de leur potentiel pour une Afrique qui n’a pas peur, une Afrique qui ne se limite pas, une Afrique qui gagne.
S: Comment comptez-vous l’implémenter au Burkina ?
N.B.: Nous allons d’abord commencer par la formation des enseignants qui adhèrent fortement à notre philosophie de la neuro-pédagogue. Cette nouvelle forme éducative a pour principe de permettre aux élèves de développer eux-mêmes leurs capacités et d’être les propriétaires de leur classe. Nous avons 86 milliards de neurones et un million de milliards de connexion synaptiques possibles et les enfants sont une machine à apprendre à cet âge, ma question c’est comment apprendre ? Et la réponse à cette question se trouve dans nos programmes et notre façon d’enseigner. Le but c’est de faire en sorte qu’il soit adopté par le gouvernement et généralisé. C’est aussi la vision du Président du Faso le capitaine Ibrahim Traoré. Et c’est pourquoi le Burkina est un pays cible. Pour nous permettre de prospérer dans cette nouvelle façon d’apprendre et d’éduquer.
S: Qu’est-ce que cette nouvelle éducation change chez l’enfant ?
N.B.: Ce qui va changer est que l’enfant va prendre conscience de ses capacités et devenir un apprenant actif et non passif qui subit l’enseignement frontal traditionnel. Il pourrait identifier ses forces et ses faiblesses, expérimenter ses dons et talents innés. Si un enfant à une mémoire auditive, la mémorisation se fera en fonction de cette mémoire. Si c’est une mémoire visuelle, il faut qu’il regarde pour enregistrer. Enfin, si c’est la mémoire kinesthésique, il faut toucher ou recopier les leçons. Donc, en comprenant les capacités de l’enfant au travers certaines prédispositions naturelles, on optimise l’apprentissage et tout le monde est gagnant. Cela stimule la confiance en soi et l’estime de soi et tout ceci dans une rigueur absolue et la recherche de l’excellence. Comme vous le savez, l’Afrique a une histoire faite de mémoire traumatique transmissible et l’impuissance apprise. On sait aujourd’hui avec l’épigénétique que les traumatismes et les troubles dissociatifs vécus par nos ancêtres sont transmissibles de façon transgénérationnelle et intergénérationnelles. L’épigénétique est aussi la base de cette méthode. Comment l’environnement peut influencer de façon profonde et durable l’état d’esprit des enfants et leur façon d’apprendre.
S: Cela concerne uniquement les enfants ?
N.B.: Tout le monde peut y participer à partir du moment où on a un cerveau. S’agissant des enfants, ils ont un cerveau qui fonctionne encore mieux que les adultes. Jusqu’à 1an, un enfant à un nombre de neurones plus élevé qu’un adulte. Ils ont des routes neuronales parfaites et un enfant peut apprendre plus de 9 ans avant l’âge de 7 ou 9 pour certains. Ce sont des éponges mal utilisées parce que l’outil apprenant, le cerveau est resté l’angle mort du système. C’est vraiment ouvert à tous mais, pour une première expérience, nous allons travailler avec un noyau de départ. C’est pourquoi nous allons nous intéresser à ceux de la maternelle et du primaire. Former un vivier que nous allons accompagner au fur et à mesure de l’évolution jusqu’à l’université, car, le site va évoluer. Nous sommes dans une phase où l’Afrique doit comprendre qu’elle était le cerveau du monde hier et qu’elle sera celui de demain. Ce sont les Africains qui ont disséqué le premier cerveau 1500 ans avant J.C. Il est donc fondamental de reprendre la main et répondre aux défis de développement grâce aux cerveaux. Nous avons énormément de dons et génies mais l’enseignement linéaire ne permet pas de les développer. Nous avons donc un grand défi et une responsabilité vis à vis de l’avenir et la neuroeducation nous ouvre ses portes au Burkina.
Entretien réalisé par Yves OUEDRAOGO