
Diplômé d’une licence en études germaniques à l’université Joseph-Ki-Zerbo, Lassané Romba s’est lancé depuis 2009 dans une quête ambitieuse. Il a mis au point une écriture dénommée « écriture ROMBA » qui répond aux spécificités phonétiques des langues à ton. Dans cet entretien, il revient sur la motivation de sa découverte.
Sidwaya (S) : Qu’est-ce qui vous a motivé à créer une écriture nouvelle ?
Lassané Romba (LR) : Tout part d’une curiosité. Nous savons que nos langues nationales possèdent des expressions anciennes pour désigner la lecture et l’écriture bien avant l’arrivée des colons. Nos grands-parents avaient des systèmes de communication aussi qui ressemblent aussi à des écritures. Donc, je me suis posé la question s’il n’est pas permis à tout le monde aussi d’avoir ses propres écritures. Et voilà, je me suis lancé dans la recherche depuis 2009. Heureusement, aujourd’hui, j’ai pu mettre en place cette écriture.
S : Quelle problématique ou besoin spécifique cherchez-vous à résoudre à travers cette invention ?
L.R : Notre invention cherche à résoudre la problématique de la transcription des langues nationales. Vous savez que les langues nationales rencontrent des difficultés de transcription avec l’alphabet latin que nous utilisons aujourd’hui. Nos langues nationales

sont des langues à ton, c’est-à-dire un mot mal prononcé peut signifier autre chose. Avec l’alphabet latin, nous avons des difficultés à faire une transcription fidèle des sons de nos langues. Nous constatons qu’il y a une limite avec l’alphabet latin. Toute chose qui m’a poussé à mettre au point un système différent des alphabets. Il s’agit d’une écriture syllabique, adaptée spécifiquement à la transcription des langues à ton.
S : En quoi consiste exactement votre écriture ? Quels sont ces signes et son fonctionnement ?
L.R : L’écriture est tirée des images, des objets que nous utilisons dans notre culture au quotidien. Ces images ont évolué progressivement pour donner naissance à des consonnes de base. Je précise que nous n’avons pas de voyelle spécifique. Nous n’avons que des consonnes accompagnées de signes diacritiques pour donner des sons. Notre écriture est un syllabaire. Ce n’est pas l’alphabet que nous avons l’habitude d’utiliser. C’est une écriture d’éthique post-syllabique.
S : Est-elle inspirée d’un système existant ?
L.R : Cette écriture n’est pas inspirée d’autres systèmes d’écriture. C’est une écriture originale que j’ai mise en place. Je me suis inspiré de la culture éthiopienne.
S : Avez-vous déjà commencé à l’enseigner ou à la diffuser ? Si oui, quels sont les résultats ?
L.R : Nous disposons d’un centre de formation où les gens viennent se former à titre gracieux. Au maximum trois semaines, les apprenants pourront commencer à lire et à écrire. Par exemple, dans l’alphabet latin, nous ne savons pas d’où vient la lettre A, donc les apprenants ont du mal à pouvoir apprendre l’écriture latine. Si vous avez une écriture dont vous n’avez pas de références auxquelles se référer, il va falloir la mémoriser forcément.
Alors que cette écriture, nous ne sommes pas obligés de mémoriser. Il suffit seulement de se référer aux origines de ces lettres.
S : Quel appel avez-vous à lancer à l’endroit de nos autorités ?
L.R : Nous les invitons à penser à la vulgarisation de cette écriture. C’est la seule qui nous permettrait d’atteindre la liberté totale, la souveraineté totale de notre Etat. Parce qu’aujourd’hui, en Afrique, nous avons l’Ethiopie qui a son propre système d’écriture, ce qui rend l’Etat éthiopien totalement souverain. Donc au Burkina Faso, nous pouvons avoir aussi notre propre écriture pour enseigner dans nos écoles.
Interview réalisée par Oumarou RABO