Le bourbier congolais

Depuis octobre 2021, l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), zone frontalière avec le Rwanda, est à nouveau le théâtre d’une flambée de violences. Les rebelles du M23, un mouvement créé en mai 2012 à la suite de la guerre du Kivu, ont repris les armes. Habitué à faire parler la poudre, ce groupe armé, composé majoritairement de Tustsi, s’est emparé jusque-là de plusieurs localités dans la province du Nord-Kivu, aux alentours de la ville de Goma. Une situation, qui a des répercussions économiques non négligeables, plusieurs routes soutenant un trafic important n’étant plus ouvertes à la circulation. Le M23 commet régulièrement des exactions contre les populations civiles. Il aurait massacré 131 civils, les 29 et 30 novembre 2022, dans l’Est, d’après une enquête du Bureau conjoint des Nations unies pour les droits de l’Homme (BCNUDH) en RDC.

En décidant de remuer les cendres, le M23 manifeste son mécontentement envers le gouvernement congolais, accusé de n’avoir pas respecté ses engagements sur la démobilisation et la réinsertion de ses combattants, conformément à l’accord de paix signé, le 23 mars 2009 à Kinshasa. Est-ce une raison suffisante pour faire crépiter les armes dans l’Est de la RDC au point d’occuper des localités ? Rien n’est sûr. Le M23, vaincu en 2013 par l’armée congolaise suite à une mutinerie, semble s’être réveillé au bon vouloir du voisin rwandais. Un rapport de l’ONU, dont le contenu a été divulgué dans la presse en décembre 2022, accuse le pays de Paul Kagamé, d’avoir fourni « des armes, des munitions et des uniformes »au M23. Le document faisait également cas de « preuves substantielles » attestent de l’intervention directe des forces de défense rwandaise (RDF) sur le territoire congolais. Ce rapport accablant apporte de l’eau au moulin du régime du Président Félix Tshisekedi, des Etats-Unis et d’autres pays occidentaux, qui ont toujours vu la main du Rwanda derrière les violences dans l’Est de la RDC. Kigali dément en permanence d’avoir des liens avec le M23, mais des rapports onusiens antérieurs lui attribuent formellement des accointances avec ce groupé armé. Un de ces rapports révèle d’ailleurs que le Rwanda a créé et soutenu le M23, avant de se raviser, sous la pression internationale et suite à la défaire du mouvement face à l’armée en 2013. Le redoutable Kagamé a-t-il réactivé le M23 et à quelles fins ? Il est difficile de répondre à cette question, mais à la lumière des investigations de l’ONU, tout porte à croire que la renaissance du M23 profite au Rwanda. Des raisons économiques pousseraient le pays des mille collines à semer le désordre dans l’Est de la RDC, zone au sous-sol riche en minerais, pour en tirer profit.

L’or, le coltan ou l’étain, dont regorge cette partie de la RDC, attirerait le voisin rwandais, de sorte à l’amener à mener une guerre de prédation. Considéré comme un modèle de développement en Afrique, le Rwanda, dont le sous-sol n’est pas riche, entretient un paradoxe, lié visiblement à un pillage systématique des ressources de l’Est de la RDC. Aussi étrange que cela puisse paraitre, le pays de Paul Kagamé figure parmi les pays producteurs de coltan et d’or, alors qu’il ne produit pas ces minerais. Cette situation suscite de nombreuses interrogations, si elle ne conforte pas dans la position que le Rwanda se sert du M23 pour s’accaparer des ressources de l’Est de la RDC. Quoi qu’il en soit, la basse besogne de ce mouvement rebelle alimente des tensions entre les deux Etats et constitue une source d’instabilité dans la région. La communauté internationale, constamment appelée à l’aide par la RDC, gagnerait à s’impliquer davantage pour trouver une solution à ce conflit qui a déjà fait plus de 500 000 déplacés. Le médiateur, l’Angola, tente d’obtenir un cessez-le-feu entre les rebelles et les troupes gouvernementales, mais cette tâche n’est pas des plus aisées. Ce pays envisage envoyer une unité militaire sur place, mais encore faut-il qu’elle serve véritablement à calmer les esprits.

Kader Patrick KARANTAO

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