Les rhumatismes: « La prise en charge précoce est la garantie d’un bon résultat », Dr Aboubakar Ouédraogo, médecin rhumatologue

Le Dr Aboubakar Ouédraogo, médecin rhumatologue au CHU de Bogodogo : « il faudra éviter la prise de charge lourde et les microtraumatismes sur les articulations ».

Souvent qualifiés de « maladies silencieuses », les rhumatismes affectent de plus en plus de personnes, jeunes comme âgées, au Burkina Faso comme ailleurs. Pourtant, ils restent mal connus du grand public. Dans cet entretien, le Dr Aboubakar Ouédraogo, médecin rhumatologue au CHU de Bogodogo lève le voile sur ces affections articulaires. Entre facteurs de risque, symptômes et traitements, il livre des explications claires et des conseils pratiques pour mieux comprendre et prendre en charge ces maladies chroniques. 

Sidwaya (S) : Quand on parle de « rhumatisme », à quoi fait-on exactement référence ? 

Aboubakar Ouédraogo (A.O.) : Le terme rhumatisme désigne un ensemble de maladies qui peuvent affecter les articulations, les tendons, les muscles, les os et qui se traduisent par une douleur et une gêne fonctionnelle. Il ne s’agit pas d’une seule maladie, mais de plusieurs affections. 

Nous distinguons deux types de rhumatisme. Il y a les rhumatismes dégénératifs qui sont de l’arthrose. Elle se définie par une usure du cartilage et de toutes les structures qui entourent les articulations (tendons, ligaments, capsules articulaire, os sous chondral). Il y a les rhumatismes inflammatoires qui sont des affections responsables d’une inflammation importante dans les articulations et souvent avec une atteinte d’autres organes comme les poumons, la peau, le cœur, les reins … Dans ce groupe on retrouve des maladies comme la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux systémique, les spondylo-arthrites, la goutte, les infections ostéo-articulaires. 

S : Selon vous, quelles sont les causes principales des rhumatismes ? Y a-t-il des facteurs de risques identifiables ?

A.O. : Il faut distinguer les facteurs de risques selon le type de rhumatisme. Pour ce qui concerne les rhumatismes dégénératifs, nous avons des facteurs de risques dits non modifiables (facteurs sur lesquels nous ne pouvons pas agir). Il s’agit de l’âge et le sexe féminin. Il existe aussi des facteurs de risques modifiables. Nous pouvons citer le surpoids et l’obésité, le syndrome métabolique (hypertension artérielle, le diabète sucré, les anomalies lipidiques). Il y a aussi les facteurs biomécaniques qui regroupent l’ensemble des activités qui entrainent une hyperpression sur les articulations (le port de charge lourde, les sports de compétition, les microtraumatismes des articulations, certaines déformations au niveau des membres inférieurs …)

Les rhumatismes inflammatoires sont causés par des facteurs de risques environnementaux (exposition à certaines substances, certaines infections), des facteurs hormonaux (les œstrogènes chez les femmes) et génétiques.  

S :Quels sont les symptômes les plus courants qui doivent alerter ? 

A.O. : La douleur est le principal motif de consultation, elle est dite mécanique dans les rhumatismes dégénératifs : Elle survient à la marche, à la station debout prolongée, aux changements de position, à la montée et la descente des escaliers ; elle est soulagée par le repos, ne réveillant pas le malade sauf lors des changements de position. A cette douleur s’associe une raideur de l’articulation qui survient dans certaines positions voire le matin au réveil avec un dérouillage de quelques minutes. Ces symptômes entrainent une gêne fonctionnelle dans la réalisation des différents gestes de la vie quotidienne.

Dans les rhumatismes inflammatoires la douleur est permanente, plus marquée la nuit et s’accompagne de réveil nocturne et de raideur matinale prolongée. La douleur s’accompagne souvent de fièvre, de gonflement des articulations, de lésion cutanée ou d’autres atteintes d’organes selon le type de rhumatisme inflammatoire.

Le diagnostic précoce permet une meilleure prise en charge et évite l’évolution vers les complications, surtout dans les rhumatismes inflammatoires. Il faut consulter devant toute douleur articulaire qui persiste.

S: Peut-on réellement « soigner » ces maladies ou s’agit-il surtout de les soulager ?

A.O. : Les rhumatismes sont des maladies qui se soignent. La prise en charge des rhumatismes inflammatoires est souvent complexe et fait appel selon l’organe touché au rhumatologue, au dermatologue, au cardiologue, au néphrologue, au pneumologue, au psychologue, au médecin rééducateur etc… Le traitement médicamenteux des rhumatismes inflammatoires est un traitement chronique et permet l’obtention d’une rémission de la maladie.

Le traitement médicamenteux des rhumatismes dégénératifs permet de soulager les douleurs et d’améliorer la qualité de vie des patients. 

S : Est-ce que certaines formes de rhumatismes peuvent entraîner des complications graves si elles ne sont pas prises en charge ?

A.O. : Les rhumatismes inflammatoires peuvent évoluer vers des complications graves voire mortelles si elles ne sont pas diagnostiquées et traitées rapidement. Les complications des rhumatismes dégénératifs sont plus fonctionnelles et entrainent rarement une perte en vie humaine.

S : Existe-t-il un profil type du patient atteint de rhumatisme, ou cette pathologie touche-t-elle toutes les tranches d’âge ?

A.O. : Les rhumatismes inflammatoires en dehors des infections touchent souvent des personnes qui ont une certaine susceptibilité, voire certaine prédisposition génétique. Ils affectent tous les âges avec une prédominance pour les adultes jeunes.

Les rhumatismes dégénératifs débutent quand la croissance est terminée. Ils sont plus fréquents chez les femmes et les personnes âgées. Certaines professions peuvent favoriser la survenue de ces rhumatismes dégénératifs. C’est l’exemple de l’arthrose des genoux chez les sportifs de compétition ou l’arthrose lombaire chez les travailleurs de bureau….

 

  1. S : Peut-on prévenir l’apparition des rhumatismes ? Des gestes simples ou des habitudes de vie peuvent-ils réduire les risques ?

A.O. : Pour prévenir la survenue des rhumatismes dégénératifs, il faudra agir sur les facteurs modifiables notamment le surpoids et l’obésité. Il faudra éviter la prise de charge lourde et les microtraumatismes sur les articulations. Il faudra pratiquer régulièrement une activité sportive et avoir une bonne hygiène de vie.

Pour ce qui est des rhumatismes inflammatoires, il faut avoir bonne hygiène de vie et alimentaire, éviter de fumer et lutter contre les infections.

S : Quel message aimeriez-vous faire passer aux personnes atteintes de rhumatismes, notamment à celles qui souffrent au quotidien mais se sentent parfois incomprises ?

A.O. : Les rhumatismes sont des maladies chroniques dont la prise en charge nécessite une bonne compréhension de la maladie par le patient et une bonne adhésion au traitement. Le traitement doit être adapté à chaque patient en tenant compte des particularités. La prise en charge précoce est la garantie d’un bon résultat afin d’éviter l’évolution vers les complications. Consultez rapidement et évitez l’automédication.

Wamini Micheline OUEDRAOGO

 

 

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