Dans cette tribune, Clément Yaméogo, estime qu’actuellement, l’Europe a amorcé son déclin aux plans démographique, industriel et géo-stratégique. Il ne lui reste plus que les richesses du Grand Sahara à exploiter.
Or, les pays de l’Afrique noire, notamment ceux de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) refusent l’ordre ancien et s’opposent à la braderie de leurs ressources naturelles ; d’où, selon lui, l’enjeu du terrorisme actuel au Sahel.
Depuis le déclin du monde arabo-musulman à la fin du moyen-âge vers 1500, l’Europe occidentale a pris le relais de la domination du monde jusqu’au XXe siècle, en se fondant sur la culture gréco-romaine. Elle doit affronter sa chute car le centre du monde se déplace du Nord vers le Sud, de l’Ouest vers l’Est. Il ne lui reste plus que les richesses du Grand Sahara à exploiter. Or, les pays de l’Afrique noire notamment ceux de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) refusent l’ordre ancien ; ce qui pose problème. Que faire ?
Le socle de la civilisation occidentale est gréco romain. En effet, l’Europe occidentale a hérité de la Grèce et de la Rome antique, la culture, la religion, les philosophies, les sciences, la médecine, les mathématiques, les systèmes politiques, la démocratie et même les Jeux Olympiques. Mais elle a aussi hérité du culte du héros, la violence par la guerre, le pillage des ressources des vaincus, des terres et des captifs, au point d’entretenir son auto-destruction. En un mot, l’ADN de l’Europe officielle est formaté par la violence entre les Etats rivaux. Ce qui se joue au Sahel actuellement est l’accaparement des richesses minières des Africains. L’Europe officielle profite des divergences des Noirs africains fondées sur les ethnies, les religions, les conceptions politiques, les nationalités, les frontières, les conflits fonciers pour allumer le feu et maintenir une main mise sur les richesses africaines.
En effet, l’antiquité grecque (-1200 avant Jésus-Christ à 476 ap. Jésus-Christ) était principalement composée de 4 Etats cités états, Delphes, Corinthe, Athènes et Sparte qui, constamment étaient en guerre pour le contrôle des terres ; la puissance des armées faisait le reste. Les périodes d’accalmie ou de paix étaient en réalité propice à l’élaboration de nouvelles stratégies guerrières de domination, à des périodes d’affinement des outils de guerre, (les armes) à la recherche de prétexte pour relancer de nouvelles offensives.
C’est dans cette ambiance guerrière que l’empire romain conquit progressivement les cités grecques, vers 27 av. J. -C. et s’étendit jusqu’au Nord de l’Afrique en passant
par l’Europe occidentale jusqu’à 476 ap. J-C.
Au moyen-âge, la violence se poursuit avec la Charte de l’inquisition, un tribunal ecclésiastique pour juger les infidèles, ceux qui avaient un comportement, une habitude ou bien un discours jugé contraire aux normes de l’Eglise ; les peines pouvant aller de la simple confiscation partielle ou totale des biens, à l’incinération des coupables au bucher.
La guerre des 100 ans, de 1337 à 1453, entre la France et l’Angleterre pour quelques morceaux de terres françaises prises par les Anglais a fait des milliers de morts.
Ce que les Occidentaux ont appelé le siècle des Lumières entre 1685 – 1815, fut une réelle tragédie pour le reste de l’humanité : l’Afrique, du fait de l’esclavage a perdu plus de 10% de sa population, la frange jeune du fait de l’esclavage ; des célèbres auteurs comme Voltaire et Montesquieu ont reproché à Dieu d’avoir mis une âme dans un corps noir !!! 56 millions d’Indiens furent massacrés par les Européens, plus de 50 000 Aborigènes furent tués en Australie pour l’instauration de l’ordre européen. Les deux guerres mondiales au XXe siècle ont convaincu de la barbarie occidentale qui a contribué en partie aux « succès » économiques de l’Occident.
Actuellement, l’Europe a amorcé son déclin aux plans démographique, industriel et géo-stratégique. L’Europe occidentale est une partie du monde où le nombre annuel de décès est supérieur au nombre de naissances ; ceci depuis plusieurs décennies. On assiste à une tendance lourde de dépopulation. Mieux, les jeunes à partir de 25 ans sont frappés d’infertilité masculine, reconnue par les politiques, les démographes, les médecins. C’est même un problème de santé publique. Pour ne rien arranger sur ce plan, le mariage pour tous entre personnes de même sexe, finit par
signer un renoncement volontaire, individuel et institutionnalisé de la procréation au nom de la liberté.
Au déclin de la population, symptomatique d’une perte de confiance en soi et à un avenir collectif peu rassurant, s’ajoute le déclin industriel caractérisé par le développement à l’échelle des pays industrialisés de l’Intelligence artificielle. Le travail sera désormais assuré par des logiciels et non des hommes. L’Europe semble là, moins préparée par rapport aux USA et à la Chine. Si bien que dans quelques décennies, les métiers du tertiaire dans le commerce, les assurances et banques, les chauffeurs et dans les industries basiques seront remplacés par des ordinateurs à haute productivité. Le chômage atteindra un niveau inégalé.
Enfin, sur le plan géo-stratégique, l’Europe a tout perdu en Asie ; les ex-colonies occidentales ont secrété des hommes politiques matures, maitrisé la technologie et rivalisent avec les anciens maitres. Elles bénéficient de la protection de la Chine, de l’Inde voire même de la Russie.
En Amérique latine, l’Europe ne pèse plus grand chose. Le Brésil a un PIB par habitant supérieur à celui de beaucoup de pays européens. Là encore, l’Oncle Sam veille au grain par rapport à l’appétit des Occidentaux. En Australie, l’Aigle protège le Kangourou. Les européens sont out.Il ne reste plus que le Grand Sahara où les Européens espèrent encore glaner quelques ressources naturelles pour leur développement. Or, les nouveaux dirigeants africains voient plus clair et s’opposent à la braderie de leurs ressources naturelles. C’est là l’enjeu de la guerre au Sahara.
Autant les Occidentaux jouent une stratégie de survie, autant les Africains aussi y jouent la leur. Que ce soit les officiels, les militaires, les stratèges européens, tous sont formels : la perte du Sahara sera un désastre pour l’industrie occidentale. C’est la raison par laquelle, l’Europe officielle sponsorise cette crise à travers des groupes terroristes avec des complicités internes, pour conserver l’exploitation des richesses. Les Occidentaux ne peuvent admettre que le sous-sol africain, « leur sous-sol et leur richesse » jalousement gardés depuis des siècles puissent bénéficier à leurs pires ennemis que sont les Russes, les Chinois, les Indous et les Arabes comme l’Iran et l’Irak.
Dans leur conception des choses, « des militaires noirs » ne peuvent résister à la puissance des multinationales. Ils joueront le tout pour le tout pour se réapproprier nos richesses. Ils ne sont pas là pour la démocratie, les droits de l’Homme et des enfants, pour les libertés et patati patata … Ils le disent sans sourciller, les ressources du Gand Sahara sont une condition de survie de l’Occident et ce qui leur reste d’ailleurs.
Perdre ce combat pour eux, ce qui revient à ce que les Africains noirs l’ont gagné, serait accélérer l’indépendance économique de l’Afrique noire qui pourra se
passer des aides bilatérales, multilatérales, de la finance internationale, des ONG, des aides humanitaires etc. qui en fait sont des instruments de la domination occidentale. Les Occidentaux ne peuvent pas admettre que les devises des Africains noirs échappent à leur contrôle, pour alimenter les Fonds des BRICS au lieu d’être déposées dans les banques occidentales. La cartographie du nouveau monde en façonnement pose de réels problèmes aux Européens officiels qui observent impuissamment leur tragique destin. Face à ces enjeux d’appropriation des ressources minières du Grand Sahara et la nouvelle résistance des nouvelles élites africaines, que faire ?
Plusieurs options sont sur la table : l’option miliaire et l’option négociation.
L’option militaire fut privilégiée en instrumentalisant les chefs d’Etat de la CEDEAO, mais elle fut abandonnée à cause :
– Du refus du recours à la force par le sénat et des oulémas (puissants guides religieux musulmans) du Nigéria voisin du Niger ;
– du roi achanti du Ghana qui a ralenti les ardeurs du président du Ghana ;
– de l’opinion publique opposée
à cette guerre en Côte d’Ivoire et au Sénégal.
En dépit de ces facteurs de résistance, cette option ne serait pas abandonnée par des révolutions de palais avec des alliances internes. Enfin, dans le pire des cas, des interventions directes comme en Libye ou en Irak ne sont pas à exclure.
Mais tout ceci nous semble un combat d’arrière-garde. Les Africains veulent simplement une revalorisation de leurs matières premières pour le développement de leur population, leur indépendance financière et économique comme l’ont fait les pays arabes avec la création de l’OPEP dans les années 1970.
Le Président Jacques Chirac disait que sur 50 tasses de café vendues, les Africains noirs producteurs de café cacao ont l’équivalent d’une tasse, soit 2%. C’est ce rapport que les Africains veulent changer. Seulement, l’Occident ne l’entend pas de cette oreille et le passage en force risque d’être douloureux ; les Africains noirs ont le soutien de la Russie, de la Chine, de la Turquie, de la Corée du Nord, de l’Iran qui ont la capacité de contrebalancer les velléités occidentales. Ces soutiens extérieurs ne suffisent pas, il faut une grande mobilisation des forces internes pour la résistance pour la survie, par les intellectuels, les médias, les artistes, les religieux.
Les intellectuels, en plus de leurs travaux de chercheurs, de consultants dans les organisations, de hauts fonctionnaires, de responsables d’ONG ont un devoir d’explication des enjeux de cette guerre imposée au Sahel à savoir l’exploitation quasi gratuite des ressources naturelles de l’Afrique noire et l’utilisation de nos divergences internes par l’Occident officiel à des fins guerrières en manipulant les groupes terroristes. Il faut découdre le discours officiel occidental : le problème n’est pas tel ou tel chef d’Etat qui s’est trompé d’appréciation des enjeux en jouant au Juda. Le problème n’est nullement la démocratie et l’absence de liberté dans les pays africains. Les intellectuels doivent s’impliquer fortement par l’animation de conférences, la production et la diffusion d’articles d’éveil des consciences à tous les niveaux.
Les artistes régionaux ou nationaux se doivent de passer ces messages à travers des chansons à succès expliquant les véritables raisons de la lutte et la nécessité d’un engagement populaire pour libérer enfin l’Afrique noire. Les médias, les radios, la presse écrite, les chaines de télévision, les conteurs, les poètes, les griots dans les lieux publics ne doivent pas rater cette occasion d’explication des véritables enjeux où se jouent notre avenir. Les moyens de communication adaptés à chaque cible existent à profusion. Il faut travailler le contenu porteur de messages de l’indépendance économique des Africains noirs par une réappropriation de nos ressources naturelles et susciter l’adhésion de masse.
Les guides religieux, évêques, pasteurs, imams, chefs traditionnels se doivent être en première ligne de ce combat. Ce sont les institutions les plus crédibles qui mobilisent le plus de monde en Afrique noire. Les grandes religions sont contre la guerre et prônent la paix, car avec les moyens de destruction disponibles, les conséquences négatives de la guerre sont supérieures au gain. Néanmoins, il faut reconnaitre ici, que nous sommes dans le cas d’une guerre juste, une guerre défensive à double vocation : contre ceux qui attaquent les pauvres innocents sans raison et surtout contre les Occidentaux qui les instrumentalisent, dans le seul but d’une main basse sur les ressources minières.
Se mobiliser autour des dirigeants de l’AES
En effet, les Occidentaux veulent toujours retirer gratuitement les ressources naturelles que Dieu dans son infinie bonté a donné à chaque pays pour son développement. Dans ces conditions, les religieux ont un devoir de protection, de préservation, de justice. Dieu est juste ; il a donné à chaque pays les richesses naturelles et l’intelligence pour organiser l’exploitation à son profit. Si nous refusons ce combat d’appropriation des biens que Dieu nous a donné, qu’allons-nous lui demander encore ? De nous aider comment ? Pour faire quoi ? On va le prier tous les jours pour demander quoi ? Peut-il encore aider des gens qui ne veulent pas se battre pour récupérer ce qu’il leur a donné gratuitement par amour ?
Dieu veut bien donner à celui qui est couché, mais il donne d’abord à celui qui est debout. Les religieux ne doivent pas rater cette bataille de libération totale de l’Afrique noire ou au contraire de l’anéantissement à vie.
Nous devons cesser le divertissement et nous mobiliser autour des dirigeants de l’AES qui voient les enjeux et les conditions de sortie. Toute l’Afrique noire regarde l’expérience de l’AES. Rater ce combat revient à un renoncement total et pour de bon de toute perspective de développement pour cette partie de l’Afrique noire. Si toute l’Afrique met à part ses égoïsmes nationaux, voit les enjeux et se mobilise, ce sont les Européens qui vont demander l’ouverture des négociations pour la paix.
L’avantage des Européens est leur vision stratégique ; ils voient le monde en 2040, en 2050, en 2075 même en 2100 et les forces qui tirent vers cette évolution et partant, se positionnent. Or, la faiblesse de l’élite africaine noire est l’absence de vision à long terme, si bien qu’on se limite aux basiques, on épilogue à souhait sur les détails, consciemment ou inconsciemment on joue naïvement contre notre camp, quand les autres Occidentaux calculent.
Les Africains noirs devraient au niveau de l’Union africaine :
– signer des pactes de non-agression entre pays voisins ;
– exiger le départ du sol africain noir des bases ou troupes militaires étrangères basées dans les différents pays d’Afrique noire ;
– à l’instar de l’OPEP, trouver un mécanisme harmonisé de fixation du prix des matières premières de même nature ;
– exiger un taux minimum de participation dans l’exploitation des matières premières au minimum au tiers de l’investissement ;
– exiger un dépôt de leurs devises dans les banques situées sur le sol d’Afrique noire qui les placeraient en fonction des opportunités du marché.
YAMEOGO Clément Roger
Démographe Economiste
Cabinet cerya.org