Après une première semaine quelque peu attentiste, la campagne électorale pour les élections couplées du 22 novembre 2020 a atteint sa vitesse de croisière. C’est peu de dire que les candidats rivalisent d’ardeur et d’imagination pour convaincre l’électorat de leurs capacités à gouverner le pays, avec pour ambition de lui permettre d’amorcer un réel décollage économique et social et de le hisser au rang des Etats qui comptent dans la sous-région et bien au-delà. Des promesses des plus fallacieuses aux plus réalistes et réalisables sont ainsi faites, au point que l’électeur ne sait plus où donner de la tête. Entre les apprentis “demagos” et les hommes de bonne foi mus par des propositions raisonnables, c’est à qui enchérira le mieux. Si aux élections de 2015, l’incarnation ou l’identification à la continuité de l’insurrection populaire d’octobre 2014 était de mise dans les offres politiques présentées, cinq ans plus tard, les propositions de solutions à la triple crise sécuritaire, humanitaire et sanitaire de la COVID-19 foisonnent et captivent forcément. Entre ceux qui n’ont besoin que de 72 heures pour faire taire les armes et ceux qui peuvent assurer la réconciliation nationale en quelques mois, les Burkinabè ne demandent qu’à y croire. Loin de vouloir éclairer la lanterne des uns et des autres ou de se poser en donneur de leçon encore moins en défenseur zélé d’un camp ou d’un autre, nous pensons que les électeurs devraient plutôt faire la part des choses entre l’esprit et la lettre desdites propositions en privilégiant la seconde (la lettre). Le premier, à notre sens, relevant plus d’un projet de société que d’un programme quinquennal.
On peut déjà souligner, à ce propos, que tous les candidats rêvent grand pour le Faso, avec en toile de fond le développement endogène et « le compter d’abord sur nos propres forces ». Mais le désir de ne pas vendre des illusions dicte la “modestie” de certains dans leurs propositions, le peuple étant capable de juger et de prendre chacun au mot. A moins de s’inscrire dans la formule rendue célèbre par l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade, « les promesses n’engagent que ceux qui y croit », les projets pharaoniques (les tunnels vers la mer) ou symboliques (le transfert de la capitale dans d’autres villes, la suppression de l’armée, les augmentations de salaires) sont certes séduisants et même parfois ambitieux, mais nécessitent une analyse prospective à l’aune des besoins réels des concitoyens et une réflexion profonde avant d’être annoncés, au détour d’un meeting dans le but d’apparaître comme “l’Oint de Dieu “ou le détenteur de la science infuse. L’implication régionale de certaines propositions peut hypothéquer leur mise en œuvre, ou à tout le moins, nécessiter une concertation des Etats concernés pour prévenir les conflits (cas du barrage éthiopien de la Renaissance sur le Nil).
Par ailleurs, les programmes “smart”, quantifiables et à même de résoudre hic et nunc les préoccupations essentiels du peuple sont présentés. Il en va ainsi de la révolution éducative à la coréenne défendue par la candidate Monique Yéli Kam, de l’apurement du passif foncier urbain, l’autre bombe sociale, thème de prédilection du candidat Yacouba Isaac Zida….. Ces sujets méritent de figurer en bonne place dans tous les projets de société, en tant que déterminants essentiels des rapports gouvernants-gouvernés dans les années à venir, à côté d’une thématique encore marginale dans le débat : les solutions à l’employabilité des jeunes. Le président- candidat, Roch Marc Christian Kaboré, a lancé le débat lors de son passage à la rubrique, L’invité de la rédaction de Sidwaya. Faut-il continuer à alimenter des fonds destinés à la création d’emplois et au financement des initiatives des jeunes et des femmes, lorsque le constat est que l’argent sert plutôt à acquérir des motos ou à engraisser des promoteurs qui se volatilisent par la suite dans la nature ? L’ensemble des candidats sont peu bavards sur cette question conditionnant pourtant le devenir de la nation.
Nos chers candidats ne doivent pas perdre de vue qu’une campagne, loin d’être une scène de théâtre, doit servir de tribune responsable pour éclairer le peuple, plutôt que de l’entretenir dans de vaines chimères. Ce n’est pas du charlatanisme!
Par Mahamadi TIEGNA
mahamaditiegna@yahoo.fr