Les opérateurs économiques de l’Afrique de l’Ouest vont devoir supporter encore les conséquences très dommageables de la fermeture des frontières terrestres du Nigeria avec les pays voisins, décidée depuis août 2019 par le président Muhammadu Buhari. En effet, une réunion des ministres des Affaires étrangères et du Commerce des 15 Etats-membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est tenue le 15 février 2020 à Ouagadougou avec pour objectif de trouver des « solutions réalistes » devant permettre à « court terme » de lever le « blocus ». Même si rien n’a filtré de cette rencontre, des sources indiquent que les conclusions et les propositions ont été transmises au Président du Faso Roch Marc Christian Kaboré qui, à son tour, va se charger de les soumettre à ses pairs de la CEDEAO.
Manifestement, les lignes semblent être difficiles à bouger et ce n’est pas pour demain la veille. La fermeture des frontières terrestres au commerce de marchandises, décrétée par le géant africain s’explique selon les autorités nigérianes par la nécessité de mettre fin à la contrebande qui fait dans le trafic des produits alimentaires tels que le riz et les poulets surgelés. Ces produits de contrefaçon qui proviennent principalement du Bénin traversent illégalement la frontière très poreuse pour inonder le vaste marché nigérian de 190 millions de consommateurs. Le Nigéria reproche également à ses voisins, notamment le même Bénin, de tirer profit, depuis des décennies, de l’importation illégale d’essence subventionnée qui coûterait des milliards de dollars au gouvernement nigérian. Si le motif avancé par Abuja est compréhensible et la cause noble, il faut cependant noter que la mesure, en plus d’être éprouvante pour l’économie de la sous-région, est contraire à certains principes chers à la CEDEAO. La libre circulation des personnes et des biens devant consacrer le passage d’une CEDEAO des Etats à celle des personnes dont l’intégration est en marche comme clamée dans tous les discours de l’institution régionale dont le siège est basé à Abuja, au Nigeria. La lutte contre la fraude doit être un leitmotiv pour tous les Etats, mais elle ne saurait justifier une décision unilatérale qui fragilise aussi dangereusement les économies du fait de sa répercussion sur les échanges commerciaux. Pire, au-delà de l’aspect économique, ce sont les fondements même de la CEDEAO qui sont ici touchés alors que ces acquis sont le résultat de plusieurs longues années de lutte commune engagée par 15 pays. Cette fermeture pourrait remettre aussi en cause, l’accord historique sur la création d’une zone de libre-échange continentale africaine, ratifié par 54 Etats sur les 55 que compte l’Afrique. Une avancée cruciale vers la suppression des barrières commerciales sur le continent et qui avait été saluée par tous. D’aucuns continuent de s’interroger sur les motifs réels de cette décision du gouvernement nigérian. Leur inquiétude est d’autant plus justifiée que la mesure ne concerne pas uniquement les produits de la contrefaçon mais l’ensemble des produits exportés par les pays voisins par voie terrestre en passant par le Bénin, le Niger, le Cameroun et le Tchad. Il appartient donc à la CEDEAO de prendre à bras-le-corps la question afin qu’une solution urgente soit trouvée pour la levée de la mesure au grand bonheur des hommes d’affaires dont la longue file de camions bloqués à la frontière attendent toujours d’avoir accès au territoire pour écouler leurs marchandises. Les regards sont donc tournés vers le palais présidentiel de Kosyam, où le président du Faso, a la lourde tâche de faire aboutir les conclusions pour une sortie heureuse. Et les dirigeants doivent tout faire pour accorder leurs violons et abréger la souffrance des consommateurs nigérians et ceux des pays africains importateurs de produits made in Nigeria qui sont presqu’à bout de souffle !
Beyon Romain NEBIE
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