Décidément, le Mali est déterminé à revoir sa coopération militaire avec la France. Il vient de franchir un pas dans ce sens. Le lundi dernier les autorités maliennes ont mis en exécution leur « fatwa » en remettant en cause les accords de statut des forces (Status of Force Agreements, appelés » Sofa « ) fixant le cadre juridique de la présence au Mali des forces française Barkhane et européenne Takuba, ainsi que le traité de coopération en matière de défense conclu, le 16 juillet 2014, entre le Mali et la France.
La décision a été notifiée par le ministère malien des Affaires étrangères au chargé d’affaires de l’ambassade de France à Bamako. Le Mali reproche aux troupes françaises d’atteintes flagrantes à la souveraineté nationale. La particularité dans ce regain de tensions entre l’Hexagone et son ex-colonie est que cette dernière a mis la barre encore plus haut. Elle exige désormais une rupture avec un « effet immédiat » alors que les autorités françaises avaient annoncé un délai de 6 mois pour retirer définitivement leur troupe du pays de Modibo Kéita.
Le Mali qui avait accusé la France de le lâcher en plein vol dans la lutte contre le terrorisme, a décidé de franchir le rubicon. A travers cet acte, il s’est visiblement résolu à prendre son destin en main. Va-t-il faire cavalier seul ou faire appel à d’autres partenaires pour bouter hors de son pays l’hydre terroriste ? Quel qu’en soit le choix, la tâche ne sera pas du tout aisée, au regard de la complexité du conflit mais aussi, les enjeux des deux parties. La France a toujours accusé le Mali de traiter avec des mercenaires russes de la société Wagner.
Toute chose que la junte militaire s’est toujours défendu soutenant qu’il n’a que des relations militaires avec les autorités russes. Le vin étant tiré, nul besoin de dire qu’il faut le boire. Cependant, les autorités actuelles du Mali n’ont plus droit à l’erreur. La question qui demeure est de savoir si elles ont les moyens de contraindre la France à débarrasser illico-presto le plancher tel que souhaité. En pareille situation, l’ancienne puissance colonisatrice pourrait essayer de trainer les pas pour ne pas donner l’impression d’avoir reçu des injonctions d’un « petit Etat ».
Il n’est donc pas exclu que les deux parties se jettent des peaux de bananes. La semaine dernière, la junte accusait l’armée française d’espionnage et de subversion après la diffusion par l’état-major français de vidéos tournées par un drone à proximité de la base de Gossi (Centre) restituée en avril par la France. Deux jours après, l’armée française à son tour avait publié une vidéo présentant, selon elle, des mercenaires russes en train d’enterrer des corps près de cette base afin de faire accuser la France de crimes de guerre. Si l’on n’y prend garde, ce genre d’accusations risquent de se reproduire.
L’autre défi pour le Mali est aussi d’avoir les moyens nécessaires de sa politique dans la lutte contre le terrorisme après cette décision « courageuse ». Une non maitrise de la situation de leur part pourrait entrainer des conséquences fâcheuses pour ses voisins tels que le Burkina Faso. Le pays ne doit pas perdre de vue qu’il doit d’abord compter sur ses propres forces avant de solliciter une aide extérieure. En la matière, il suffit de tirer les leçons de 2013 lorsqu’il avait ouvert ses bras à la France pour combattre les forces du mal.
Abdoulaye BALBONE