Mali : l’imprévisible junte militaire

Depuis que le président de la transition malienne, Bah N’Daw et son Premier ministre, Moctar Ouane ont été débarqués de leurs postes, le lundi 24 mai, par la junte militaire, la situation à Bamako ne cesse de cristalliser les tensions au sein de la communauté internationale. Les appels se multiplient pour exiger la remise en selle des autorités de la transition. Dès l’annonce de leur « déportation » au camp militaire de Kati, le bastion de la junte militaire, le Comité local de suivi de la transition a donné le ton réitérant son soutien aux autorités de la transition. Dans un communiqué conjoint, l’Union africaine et la CEDEAO ont également condamné ce qu’elles qualifient d’« acte d’une extrême gravité ». Par la même occasion, les deux structures ont lancé un appel aux acteurs maliens à « privilégier l’esprit de dialogue pour régler les malentendus autour de la mise en place du gouvernement ». Le président français, Emmanuel Macron, de son côté condamne « un coup d’Etat inacceptable ».

Ces messages seront-ils entendus par les hommes en treillis, auteurs de ce coup de force ? Il n’est pas certain que ces bidasses en colère reviendront sur leurs pas de si tôt. Pour s’en convaincre, il suffit de s’en tenir au communiqué du vice-président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, rendu public, le 25 mai 2021. La première raison avancée par la grande muette en colère est l’incapacité du gouvernement de Moctar Ouane à constituer un interlocuteur fiable, susceptible de mobiliser la confiance des acteurs sociaux et politiques à l’effet de contenir les diverses grèves et manifestations. L’autre argument, qui pourrait être le plus plausible, les positionnements au sein du nouveau gouvernement. En effet, la désignation de nouveaux chefs des départements ministériels en charge de la sécurité et de la défense semble être la véritable pomme de discorde. Remonté pour n’avoir pas été consulté comme le « stipule la charte de la transition sur ces secteurs stratégiques », le colonel Goïta n’a pas mis du temps pour montrer à Bah N’Daw et Moctar Ouane qu’il demeure le faiseur de roi.

Un message qu’il a réussi à faire passer dans la mesure où il est parvenu à gripper l’appareil d’Etat. Cependant, il reste à savoir jusqu’où l’appétit de l’homme fort du Mali peut le conduire. Sans nul doute, lui et ses hommes sont au laboratoire pour trouver la formule qui pourra faire baisser la fièvre sans pour autant casser le thermomètre. Une chose est sûre le colonel Goïta est conscient que placer des militaires à la tête de ces deux institutions s’avère une mission difficile, voire une pilule amère à faire avaler. Placer sa confiance en de nouveaux civils sera le moindre mal. Mais le colonel n’a pas la garantie qu’il ne se fera pas une seconde fois roulé dans la farine. Que faire alors ? Tel est le véritable casse-tête malien auquel les hommes forts du moment sont confrontés à Bamako. Le temps joue en leur défaveur, car la pression continuera de monter. Visiblement au pied du mur, la junte gagnerait rapidement à tracer un schéma de sortie de crise qu’elle a contribué à exacerber, au risque de subir le même sort que les putschistes burkinabè à la suite du coup d’Etat manqué de septembre 2015.

Abdoulaye BALBONE

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