Face à la crise qui secoue son pays, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) tente de reprendre du poil de la bête. Pour ce faire, il a engagé, le weekend dernier, des pourparlers avec le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques. IBK a, d’abord, eu un tête-à-tête avec sa principale « bête noire », l’imam Mahmoud Dicko, le samedi 4 juillet 2020.
Le téméraire guide religieux est, en effet, le principal instigateur du vaste mouvement de contestation dont l’impact continue de donner du fil à retordre au pouvoir de Bamako. Une délégation de l’opposition regroupée au sein du mouvement, a été, quant à elle, reçue le lendemain, dimanche 5 juillet au palais de Koulouba. Si le chef de l’Etat malien se réjouit visiblement de cette rencontre, évoquant même une victoire pour le Mali, de l’autre côté, c’est plutôt un autre son de cloche qui est servi.
Les responsables de la vague de contestation ont, sans grande surprise, manifesté leur déception à l’issue des entrevues. Pour eux, le président IBK a royalement ignoré leurs revendications contenues dans le mémorandum, à savoir la nomination d’un Premier ministre ayant les pleins pouvoirs, et issu de leurs rangs pour redresser le pays. Le locataire du palais de Koulouba a réaffirmé sa volonté de voir les contestataires représenter au futur gouvernement d’union nationale.
Quid du mémorandum ? IBK est resté muet comme une carpe sur cette question. Il s’est contenté d’inviter ses vis-à-vis à des échanges avec la majorité présidentielle. Un mépris de trop pour les frondeurs qui ont durci le ton en annonçant une nouvelle manifestation ce vendredi. Ils vont plus loin en demandant la démission pure et simple de IBK.
Cette intransigeance du M5 laisse perplexe la Convergence des forces républicaines (CFR), qui regroupe des associations et partis proches du pouvoir. Cette coalition qui a été reçue à son tour le lundi dernier juge la revendication de l’opposition illégitime et inappropriée, car ne se basant ni sur une logique électorale ni sur les lois de la République. Au regard de l’évolution de la situation, il n’est pas hasardeux de croire que les démarches entreprises par IBK sont loin de produire les effets escomptés, si tant est que c’était l’objectif visé. Les pourparlers risquent, au contraire, de radicaliser les deux parties adverses.
Car, chacune d’elles préfère jouer la carte de la méfiance avec en toile de fond des velléités d’affrontements. En effet, l’opposition redoute que le pouvoir ne joue sur le temps en optant pour la politique de l’autruche pour l’avoir à l’usure. De son côté, l’exécutif craint que l’opposition ne profite de la situation « en lui faisant un bébé dans le dos », une chose qu’elle n’a pu faire pendant les élections.
Jusqu’où ce bras de fer ira-t-il ? Il est difficile de répondre à cette question, au regard de la complexité de la situation malienne. Cette crise vient allonger la série de difficultés auxquelles le pays est déjà confronté, notamment les attaques terroristes. La résolution de ces problèmes nécessite que les Maliens se parlent sérieusement en n’esquivant aucun sujet. Et en la matière, rien n’est encore perdu pour peu que chacun mette son ego de côté au profit de l’intérêt supérieur de la nation.
Abdoulaye BALBONE