Me Ambroise Farama :« François Compaoré ne sera pas tout de suite envoyé au pays »

La Cour d’appel de Paris a donné, hier mercredi 5 décembre 2018, un avis favorable à la demande d’extradition vers le Burkina Faso de François Compaoré, obligeant ses avocats à se pourvoir en cassation. Dans l’interview qui suit, maître Ambroise Farama donne des éclairages sur la suite de la procédure.

Sidwaya (S.) : La justice française s’est dite favorable à l’extradition de François Compaoré. Est-ce une surprise pour vous ?

Me Ambroise Farama (A.F.) : il n’y a aucune surprise, puisque toutes les conditions étaient réunies pour que l’Etat burkinabè ait gain de cause. Par contre, sur le plan politique, j’avais des inquiétudes sur une possible ingérence de certaines autorités dans cette affaire afin d’influencer négativement des décisions juridiques. Mais à l’arrivée, je me suis rendu compte que le politique a laissé libre cours à la procédure du dossier sur l’extradition de François Compaoré.

S: Que doit-on comprendre à travers cette décision.

 A.F. : Pour nous, cette décision n’est qu’une victoire d’étape. Car François Compaoré ne va pas s’avouer vaincu. Il va user de toutes les voies de moyens de recours possibles. Il a le droit de se pourvoir en cassation. Du reste, ses avocats se sont déjà pourvus en cassation. Nous sommes sur la bonne voie et l’on a espoir. L’acceptation par la Cour d’appel de Paris est la preuve que les éléments fournis par l’Etat burkinabè dans le dossier étaient suffisamment étoffés pour donner des gages d’une implication de François Compaoré.

S: Quel sera la suite de la procédure ?

A.F. : N’eut été le pourvoi, la prochaine étape consistera à ce qu’un décret soit pris par les autorités françaises. Il y a aussi le recours possible devant le Conseil d’Etat afin de statuer définitivement sur l’extradition de M. Compaoré pour être entendu par la justice de son pays.

S: Il n’est donc pas envisageable qu’il soit extradé les prochains jours ?

A.F. : Non ! Etant donné que ses avocats se sont pourvus en cassation, on ne peut s’attendre à ce qu’il soit tout de suite envoyé au pays. Il faut se mettre à l’idée que c’est un autre processus qui va se mettre en place et aboutir à un autre procès conformément à la loi. Et cela peut aller jusqu’à un an avant que le dossier ne soit bouclé.

S: Peut-il avoir d’autres blocages dans la mise en œuvre de cette décision ?

A.F. : La Cour de cassation est chargée d’apprécier la décision de la chambre d’instruction pour s’assurer si le droit a été bien dit ou non. Si la cour estime que le droit n’a pas été dit dans les règles judiciaires, elle va casser la décision. Le cas échéant, elle va rejeter le pourvoi et la décision sera définitive et exécutoire.

S . : Quel peut être l’’impact de cette décision sur l’évolution judicaire du dossier Norbert Zongo ?

A.F. : Dans toute procédure judiciaire, lorsque des personnes sont soupçonnées et mises en cause, leurs auditions sont fondamentales pour la manifestation de la vérité. Malheureusement dans le cas Norbert Zongo, François Compaoré n’a pas encore été inculpé et entendu par le juge d’instruction. Donc, s’il venait à être extradé, cela voudrait dire qu’il va se mettre à la disposition de la justice burkinabè qui aura la latitude de le confronter pour aboutir à un procès.

S: A présent, peut-on considérer que les politiques se sont départis du dossier ?

A.F. : On ne peut pas dire avec conviction que les politiques se sont départis du dossier. D’ailleurs, ce qu’on remarque, c’est que le contexte actuel en France fait que les élus sont préoccupés par la situation sociopolitique du pays. Du coup, les dossiers comme le nôtre passent inaperçus.

S: Le prévenu n’a pas pu se prévaloir de sa nationalité ivoirienne. Cela peut-il avoir des conséquences ou des implications pour d’autres prévenus en attente ?

A.F. : Les accords de coopération en matière de justice disent que pour pouvoir se prévaloir de la nationalité de l’Etat dans lequel vous êtes et qu’on souhaite votre extradition, on apprécie la citoyenneté au jour de la commission de l’infraction. Même si, il a la nationalité ivoirienne, les faits se sont passés en 1998 et l’infraction entre en vigueur à ce niveau. Et on se demandera est-ce qu’à cette époque, il avait la nationalité ?

S: La justice burkinabè est-elle tout à fait prête pour cette éventualité ?

A.F. : La justice burkinabè est libre et elle est prête à dire le droit comme elle l’a toujours fait. Nous avons les moyens de pouvoir ouvrir ce dossier et de le conduire jusqu’à un procès équitable pour une franche manifestation de la vérité.

Interview réalisée par

Wanlé Gérard COULIBALY

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