Depuis hier 15 janvier, les partisans de l’ex-président ivoirien, Laurent Gbagbo et de son ministre de la jeunesse, Charles Blé Goudé, sont en liesse. Une joie consécutive à la libération probable de ces deux leaders du Front populaire ivoirien (FPI), incarcérés à la Cour pénale internationale (CPI) depuis plus de sept ans, pour crimes contre l’humanité lors de la crise post-électorale de 2010.
Après avoir entendu 82 témoins et effectué de nombreuses enquêtes, les juges ont ordonné la « remise en liberté immédiate » des accusés. Mais il faut encore attendre quelques heures pour une clarification définitive, car la décision a été aussitôt suspendue à la demande du procureur dans l’attente d’un éventuel nouvel appel. Ils croisent donc les doigts en attendant d’être situés sur leur sort à l’issue de la nouvelle audience qui s’ouvre aujourd’hui à 9 h GMT.
Si cette libération venait à être actée, ce serait une victoire historique pour le FPI et bon nombre d’Ivoiriens qui voyaient en ce procès débuté en 2016, une justice des vainqueurs. En effet, ceux-ci n’ont eu de cesse, depuis l’arrestation de Laurent Gbagbo et de certains de ses proches, de dénoncer le fait que des éléments du clan Alassane Ouattara n’aient jamais été inquiétés, alors qu’ils sont, selon eux, impliqués dans des actes répréhensibles.
Du côté des parents des victimes également, l’espoir de démasquer les auteurs des actes qui ont emporté ou handicapé à vie leurs proches, commencera à s’effriter et cette décision de justice leur laissera un goût amer. Eux qui se disaient qu’au bout du jugement, des responsabilités seraient situées sur les 3000 morts en cinq mois de violences.
Ils devront donc s’armer de patience en scrutant d’autres horizons, parce que sauf revirement de dernière minute, Laurent Gbagbo et Blé Goudé seront bientôt en terre d’Eburnie. Pourtant, un retour du « président prisonnier » en Côte d’Ivoire avant l’élection présidentielle d’octobre 2020 sera plein d’enjeux et de risques. Le premier aspect à retenir est qu’il troublera sans nul doute le sommeil des responsables du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), supposé être le camp du président sortant, Alassane Ouattara.
La raison est que, tout compte fait, malgré les huit ans d’absence, le « Woody de Mama », comme l’ont surnommé ses admirateurs, reste assez populaire dans certaines localités du pays et au sein de l’opinion nationale. De ce fait, sans être trop ambitieux pour prétendre à la magistrature suprême dans moins de deux ans, sa candidature ou celle d’un « bon » dauphin pourrait peser dans la balance et rendre la tâche difficile aux poids lourds du RHDP et du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI).
A cela viendra s’ajouter la capacité de mobilisation qu’on reconnait à Charles Blé Goudé, le « général de la rue », qui avait conquis la jeunesse ivoirienne avant la crise de 2010.
Le second aspect non moins important est que, ces deux personnalités au bercail, l’échiquier politique reprendra la même configuration qu’au moment du déclenchement de la crise. Ce qui va demander beaucoup de précautions au peuple frère de Côte d’Ivoire, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Ils doivent savoir tirer leçon du douloureux passé, afin de ne pas se retrouver dans une situation similaire en 2020.
Daniel ZONGO