Issu d’une famille de griots, le musicien et parolier sénégalais, Thione « Ballago » Seck est décédé, le dimanche 14 mars 2021, à Dakar des suites de maladies. Il avait 66 ans.
Après avoir endeuillé le monde littéraire, le 8 mars 2021, avec le décès de l’historien et écrivain guinéen Djibril Tamsir Niane, la Grande Faucheuse vient à nouveau de frapper un autre monument, cette fois, de la musique africaine. Surnommé la « voix d’or du Mbalax », l’artiste musicien de renommée mondiale, le Sénégalais, Thione « Ballago » Seck a, en effet, tiré sa révérence, le dimanche 14 mars 2020, à Dakar (Sénégal) des suites d’une maladie qu’il aurait contractée lors d’un court séjour en prison en 2015. Né en 1955 dans la capitale sénégalaise, Thione Seck est issu d’une famille de griots wolof. Il était considéré comme l’un des seigneurs de la musique sénégalaise avec Youssou N’Dour, Omar Pène, Ismaël Lô ou encore son fils, Wally Seck, aujourd’hui l’un des chanteurs les plus populaires de la sous-région. « Nous avons perdu un grand homme, un parolier, notre grand frère », a déclaré Youssou N’Dour, dès les premières heures de sa disparition. « Il ne fait pas dans la dentelle, il dit ce qu’il pense. C’était un homme franc », a dit de lui son compère Omar Pène. Quant au musicien, Ismaël Lô, il a salué « l’intégrité, la sincérité, la générosité et la piété » du regretté artiste. Chanteur dans les années 1970 de l’Orchestra Baobab, une formation adepte d’une salsa afro-cubaine à la sauce sénégalaise, Thione Seck avait fondé dans les années 1980 « Raam Daan », un groupe de pur mbalax, genre né de la rencontre entre plusieurs rythmes locaux, le chant, le funk et parfois le reggae. Ses plus grands succès comprennent notamment Allô Petit et Diaga. Ou encore Orientissime, sorti il y a une quinzaine d’années, sur lequel il effectuait une plongée dans les musiques orientale, indienne et arabe, avec cordes, cuivres, oud, kanun, cithare et tablas. L’album avait été enregistré tout au long de voyages à Madras, Paris, Londres et Le Caire, avec nombre de musiciens locaux. Thione Seck, élevé dans la tradition musulmane, y brouillait les pistes, entre chant wolof, gammes indiennes, mélopées arabes et le fameux mbalax, toujours là en filigrane.
« Constant dans la création »
A Dakar, il avait pendant longtemps animé, plusieurs fois, par semaine, son propre club, le Kilimandjaro. Sur Twitter, l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, a salué le départ d’un « véritable monument de la musique sénégalaise ». « Talentueux, libre et constant dans la création, il fut une figure marquante de sa génération. Thione Seck fait partie des artistes héros d’une époque (…)», a abondé le président Macky Sall. Pour le conseiller culturel du chef de l’Etat sénégalais, El Hadji Hamidou Kassé, Thione Seck « a persisté dans la création, passant du traditionnel au moderne, bravant les écueils et l’incompréhension d’une société qui a peu cru à l’art comme mode de vie et moyen de vivre ». Les dernières années du musicien ont toutefois été ternies par une longue et rocambolesque saga judiciaire. Arrêté en mai 2015 – un sac contenant « 50 millions d’euros », qui se sont avérés être des faux billets, avait été retrouvé à son domicile –, il avait fait neuf mois de détention préventive. Lors de son procès en mai 2019, Thione Seck avait affirmé avoir été « victime d’un complot » monté par des Gambiens vivant en Suède, qui lui avaient fait miroiter un contrat de 100 millions d’euros pour une série de 105 concerts en Europe. Il avait obtenu, en première instance, l’annulation de la procédure. Car il n’avait pas bénéficié de l’assistance d’un avocat durant sa garde à vue après son arrestation. Mais il avait été condamné en appel en juin 2020 à trois ans de prison, dont huit mois ferme. Le 4 mars, huit jours avant son 66e anniversaire, la Cour suprême du Sénégal a « cassé et annulé toute la procédure », à nouveau en raison de l’absence d’avocat lors de sa garde à vue, a toutefois souligné son avocat, Ousmane Seye…
Dans l’après-midi du dimanche 14 mars 2021, une foule de plusieurs milliers de personnes a accompagné sa dépouille jusqu’au cimetière musulman de Yoff, une commune de la capitale sénégalaise, où il a été inhumé.
W. Aubin NANA
nanaubin@yahoo.fr
Sources: wikipedia.org, lemonde.fr