Musique traditionnelle : Marie Gayérie, l’ambassadrice de la culture gulmu

Pour l’artiste-musicienne, Marie Gayérie en pleine prestation lors de la 20e SNC, les anciennes gloires doivent avoir une place de choix lors de la SNC sur les plans artistique et de la réflexion lors des panels et autres.

Née d’une mère musicienne, sa voix perce la mélodie de quatre instruments traditionnels du folklore gourmantchéma. Le plateau de la Semaine nationale de la culture (SNC) ne semble plus avoir un secret pour cette cantatrice de Piéla (province de la Gnagna, région de l’Est). Plusieurs fois lauréate du Grand prix national des arts et des lettres (GPNAL) dans la catégorie vedette de la chanson traditionnelle, Marie Gayérie est un véritable porte-étendard de la culture burkinabè.

L’accord rythmique des deux batteurs de calebasses (grande et petite), soutenu par la mélodie soliste du kundé et l’accompagnement poétique du flûtiste, portait harmonieusement la voix suave de la diva, Marie Gayérie, à l’occasion de la 20e édition de la Semaine nationale de la culture (SNC Bobo 2023). Comme à l’accoutumée, elle « véhicule » la culture burkinabè en général et celle des Gourmatché en particulier.

Coiffure en nattes traditionnelles parées de perles et de cauris, les poignées bien cernées de bracelets, l’amulette aux bras et le pendentif luisant au cou, la cantatrice aux pieds nus a électrifié le spectacle à travers ses deux compositions. « M’inspirant de ce que traverse mon pays actuellement, ma première composition prône un mieux vivre-ensemble dans le Faso en conflit et ma deuxième exhorte une meilleure éducation de nos enfants », confie Marie Gayérie. L’ambiance était à son comble avec le spectacle jeu et lumière sur une saine occupation scénique harmonieusement orchestrée par la descendante de Diaba Lompo.

Confiant avoir pour idole Lankouandé Tipogba, elle le rend si bien à telle enseigne qu’elle est la championne dans la catégorie vedette de la chanson traditionnelle au cours de ces dernières éditions de la biennale de la culture comme ce fut le cas en 2008, 2014, 2016 et 2018. Celle qui dit s’inspirer de tout ce qui l’entoure (gestes, faits et paroles) compte ainsi 5 GPNAL raflés en 8 participations.

« Etre déjà sélectionnée lors des phases éliminatoires régionales est une occasion de satisfaction et vous imaginez la fierté qui anime l’artiste ou la troupe lorsqu’elle décroche le GPNAL », soutient la cantatrice. La musique dans l’âme, Marie Gayérie s’est illustrée sur bien de plateaux. Déjà en 2007, elle est lauréate de la 1re édition du concours des vedettes de la musique traditionnelle organisée par la RTB.

Un réel plaisir à l’écouter

Le DP/Culture de la Gnaga, Christian Zoungrana apprécie la détermination et l’engagement de Marie Gayérie à promouvoir la culture burkinabè.

Faite chevalier de l’Ordre de mérite en 2008, en même temps que son premier GPNAL, elle recevra à l’édition de 2012, le prix spécial de la SONAPOST. Elle est distinguée meilleure artiste traditionnelle au Kundé 2019 et reçoit la même année, le prix spécial Faso Music Awards (FAMA). Marie Gayérie reçoit le trophée des femmes leaders dans la catégorie musique à l’occasion du BUMO 2021. Pour le Directeur provincial (DP) de la culture, des arts et du tourisme de la Gnagna, Christian Zoungrana, la cantatrice fait partie des meilleures artistes musiciennes sur le plan national.

« J’apprécie son humilité, sa détermination et son engagement à promouvoir la culture burkinabè à travers ses chansons. Je tire un réel plaisir à écouter sa musique et elle reste une cantatrice de la musique traditionnelle de son terroir qui se bat pour la promotion de la culture du Gulmu », a confié Christian Zoungrana. Avec ses cinq albums sur le marché discographique, Mme Gayérie est une véritable star de la musique traditionnelle. « Je pourrais dire que je suis née dans la musique », révèle-t-elle.

En effet, née d’une mère musicienne, Tchiamba Lankouandé, en 1980 à Pièla, elle fut contaminée par sa mère. Elle apprit très tôt à chanter et dès l’âge de 12 ans, elle devint la coqueluche de la localité. C’est ainsi qu’elle est retenue en animation lors des phases finales de la SNC en 2004 à l’occasion de sa première participation. « Cette participation fut bénéfique car j’en ai beaucoup appris auprès des compétences d’alors », révèle l’artiste. Pour cette mère de cinq enfants, toutes ces distinctions et reconnaissances sont certes une fierté, mais des titres à défendre. Cependant, elle note des difficultés dans la promotion de la musique traditionnelle. Selon elle, la SNC est une bonne initiative qui œuvre à la promotion de la musique traditionnelle mais la biennale pourrait mieux faire.

Eviter « la mort artistique » des anciennes gloires

Selon Tandi Damiba, manager de la musicienne, les artistes une fois distingués à la SNC doivent bénéficier d’appui technique et de campagne promotionnelle.

« Concernant la SNC, les prix ont progressivement évolué de 300 000 à 1 million F CFA de nos jours. Mais il faut aussi reconnaître que sa valeur est peu par rapport aux coûts de nos instruments et de l’habillement », précise le manager de l’artiste, Tandi Damiba. Pour ce dernier, les artistes, une fois distingués à la SNC, doivent bénéficier d’appui technique et de campagne promotionnelle.

En outre, malgré de nombreux plateaux d’émulation, la cantatrice relève que l’accent n’est pas suffisamment mis sur les artistes traditionnels. « Dans bien de circonstances, une place de choix est réservée à la musique dite moderne qui n’est en quelque sorte qu’une des facettes culturelles importées. Même si la culture ne doit pas se refermer sur elle-même, au risque de mourir, il faut en primauté valoriser la nôtre et en trouver un équilibre de promotion avec la musique moderne », préconise la musicienne.

Par ailleurs, dit-elle, des lignes de promotion et de valorisation devraient être définies par secteur d’activité et tout accompagnement doit être « conséquent ». Afin d’éviter « la mort artistique » des anciennes gloires de la chanson traditionnelle telles que Bibata Nana, Abibou Sawadogo, Tchiamba Lankouandé, la cantatrice plaide pour une tribune de reconnaissance et d’encouragement. « Il leur faut des grilles d’animation lors des éditions de la SNC, car elles sont des exemples pour la jeune génération et des porteuses du flambeau de notre patrimoine culturel », estime-t-elle.

Rémi ZOERINGRE

Laisser un commentaire